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LE QASR

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Qasr El-Haj, Libye
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Ce qasr a pour spécificité de ne jamais avoir subi de destruction, même de la part des Ottomans qui en ont détruit ou endommagé de nombreux dans les hauteurs du djebel Nefousa. C’est donc l’un des rares dont l’activité a perduré très longtemps, bien après que le vieux village qui l’entoure a été déserté, et son gardien fut longtemps payé en poids d’orge. Encore en service dans les années 1980, son activité n’a cessé de décroître depuis, à mesure que la génération des anciens du village s’éteint.

Les villageois y déposaient notamment le blé et l’orge provenant de champs qu’ils labouraient durant les périodes de pluie et qu’ils récoltaient aux beaux jours dans la plaine de la Jeffara où ils emmenaient paître leurs troupeaux.

Lors de notre passage, seules cinq ghorfa étaient en usage. Il est à présent surtout un site touristique qui a été réaménagé pour les visiteurs, il y a quatre ans : une petite fontaine et des toilettes ont même été installées sur l’esplanade avant le qasr. Sa façade ainsi que certaines habitations du vieux village ont bénéficié de rénovations, et une dizaine de gardiens rémunérés, habitants du village, se relayent pour accueillir les visiteurs : la cour à l’entrée du site est le lieu de prédilection des anciens du village pour des discussions autour d’un thé. On trouve parfois un tee-shirt « Qasr el-Haj » vendu pour 5 DL. Avis aux amateurs !

Dans l’antichambre, ou skifa, voûtée à l’entrée du qasr, deux niches abritent une petite collection d’objets de la vie quotidienne des anciens villageois et du qasr, dont des grains d’orge conservés dans le qasr depuis 1968. Quand le qasr fonctionnait à plein, c’est là que les habitants déposaient leurs titres de propriétés, feuilles de comptabilité commerciale et autres documents ou objets importants, un peu comme un coffre-fort commun, lorsqu’ils partaient dans la plaine de la Jeffara. A l’époque des fondations, c’est là que l’on venait lire le Coran ou se reposer.

Les particularités du Qasr el-Haj. Le Qasr el-Haj est construit dans la plaine et non dans les montagnes qui constituaient autant de positions défensives contre les pilleurs à l’affût des vivres conservés dans ces édifices. Extrêmement exposé, il était cependant défendu par des tours de guet qui avaient été disposées dans ses environs. L’arrière du qasr était quant à lui protégé par le wadi (vallée en eau à la saison) Abou Jeyf.

Ce qasr a également pour caractéristiques d’être de hauteur régulière (certains qasr présentent des niches surélevées par rapport aux autres) et circulaire (d’autres sont rectangulaires). Il est construit de pierre calcaire cimentée d’un mélange de sable et de chaux. Enfin, c’est le seul où l’on trouve une rangée d’escaliers sur le côté nord, du haut desquels on a d’ailleurs une très belle vue sur les montagnes.

Selon la tradition orale, le fondateur du qasr tout comme sa population n’aurait pas été d’origine berbère mais arabe (bien que venant probablement d’une région marocaine principalement berbère) contrairement aux autres qasr du djebel Nefousa. Quoi qu’il en soit, il est avéré que le village fut habité par une population musulmane de rite sunnite malékite et de langue et écriture arabes et non pas de rite ibadite et de langue et écriture berbères, comme les Berbères des montagnes. Cette appartenance confessionnelle remonte à l’origine de la fondation du qasr. Il a été construit vraisemblablement au XIIe siècle à l’initiative du sheir Abdallah Abu Jatla, venant de la Saguiet el-Hamra (Sud marocain) et qui avait effectué le pèlerinage de La Mecque (Qasr el-Haj signifie « château de celui qui a fait le pèlerinage de La Mecque »).

L’histoire orale rapporte que le grenier comporte 114 ghorfa, ces petites niches aux portes en bois de palmier (certaines sont encore en place) où les familles conservaient les denrées provenant de leurs travaux agricoles : huile, blé, orge, dattes, figues et farine (voir encadré). Le pieux fondateur du qasr aurait donc fait construire autant de ghorfa que de versets dans le Coran. Ce serait donc en des temps plus récents que de nouvelles ghorfa ont été ajoutées, comme le premier rang de ghorfa en sous-sol, ou dédoublées, pour un total de 150 ghorfa. Le Haj Abu Jatla fit construire une mosquée et une école coranique en face du qasr. Les activités de l’école coranique permettaient d’entretenir la mosquée et celles du qasr entreposant les denrées, de couvrir les dépenses de l’école coranique. Selon la tradition, à la mort du fondateur, ses descendants et leurs familles se répartirent les différentes ghorfa.

En sortant du qasr, on remarquera les petites fentes percées sur la façade qui servaient à renouveler l’air pour préserver la conservation des céréales. On ira visiter, sur la droite, les petites maisons traditionnelles qui ont été rénovées. Remarquez les plafonds voûtés, qui servaient également de grenier pour les denrées. Le qasr est entouré des ruines des maisons de l’ancien village. Chaque quartier correspondait à une tribu différente. Bien que la tradition orale rapporte que les habitants de Qasr el-Haj étaient d’origine arabe et non berbère, l’agencement est typique des villages berbères du djebel Nefousa, qui se regroupaient au pied du qasr afin de bénéficier de sa protection en cas d’attaques, remarquez notamment des arcades qui s’appuient encore directement sur le côté est du qasr. Les décorations retrouvées dans les anciennes maisons (pieds ou mains par exemple) sont également communes avec celles des anciens villages berbères du djebel. Au XXe siècle, on trouvait aussi dans cet ancien village des maisons troglodytes.

On remarquera que les habitations entouraient le qasr excepté sur la partie face à sa porte d’entrée. L’espace était ainsi laissé vide entre le qasr et l’école coranique (zawiya) des origines, aujourd’hui devenue le marabout du Haj Abdallah Abu Jatla dont on aperçoit le petit dôme vert de l’autre côté de l’enceinte du site. Le Haj fondateur y est enterré ainsi que sa femme.

On ne peut pas visiter le marabout, mais l’on peut par contre aller voir sur le côté est du vieux village deux tombes côte à côte dans une cour, qui sont celles d’un homme pieux et de sa femme. A la fin de la partie est du village, on aperçoit de l’autre côté du wadi une petite palmeraie. Autrefois les dattes des palmiers bien plus nombreux et entretenus qui entouraient le village faisaient partie des récoltes entreposées dans le qasr.

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