LA FORTERESSE DE KERAK

La citadelle de Kérak, que l’on découvre, majestueuse, en arrivant du nord par la Route des Rois, s’étend sur quelque 220 mètres pour une largeur variant de 125 mètres, sur le versant faisant face à la ville, à 40 mètres. Les travaux démarrent en 1140 pour s'achever deux ans plus tard. La forteresse est commanditée par Payen le Bouteiller, nommé seigneur d'Outre-Jourdain en 1132 par le roi Foulque de Jérusalem. Le château était voulu pour intégrer une ligne défensive stratégique chargée de sécuriser le front est du territoire chrétien, entre Aqaba et la Turquie. Construite sur deux niveaux, la forteresse comprend un grand nombre de salles et de passages voûtés qui forment un véritable labyrinthe. Emportez une torche avec vous si vous voulez explorer les parties les plus sombres. Le front nord du château, celui qui fait face à la ville, consiste en un gigantesque mur bouclier, érigé par les Croisés avec des pierres d’un brun sombre à peine dégrossies. Plus tard, les musulmans remplacent ces pierres par des plaques de calcaire dans certaines parties de la forteresse, ce qui donne à l’édifice une esthétique plus agréable. Vous verrez, au cours de votre visite, qu’il est aisé de faire la différence entre les deux.

L’entrée dans le château se fait par la porte ottomane. A l’époque des Croisés, l’entrée se faisait par la poterne à gauche du mur, à l’opposé de l’entrée actuelle. Cette porte était protégée par un fossé de 30 mètres de profondeur et reliée à la ville par un pont en bois facile à brûler en cas d’attaque.

Après la billetterie, prenez le chemin qui part sur la gauche et mène à deux niveaux de galeries voûtées remontant à l’époque croisée. Le niveau inférieur servait originellement d’écuries et mène à la porte des Croisés. Cette porte étroite a été construite de telle manière que les défenseurs voulant revenir dans ses murs exposeraient leur côté gauche, et donc leur bouclier, à l’ennemi. Au fond de la galerie, une pierre sculptée représentant un buste rappelle l’occupation du site par les Nabatéens au II^e siècle, bien avant la construction du fort. Les habitants de Kérak, quant à eux, vous diront qu’il s’agit d’une représentation de Saladin. Par un petit escalier, vous atteignez la tour nord, aujourd’hui en ruines.

Depuis la statue nabatéenne, un passage part vers le sud : vous passez devant la caserne, à votre gauche, et les cuisines, à droite. De là, une porte donne sur un grand four. Poursuivez à travers le passage, jusqu’à atteindre l’extérieur, sur le front est du château. Celui-ci abrite plusieurs tours reflétant les travaux d’extension effectués après la période franque. En contrebas se trouve l’énorme glacis franc, qui plonge sur le flanc de la colline… C’est de là, paraît-il, que Renaud de Châtillon précipitait ses prisonniers dans le vide.

En montant dans la cour supérieure, vous voyez les restes d’une citerne et de bâtiments d’habitation. De la terrasse, à l’extrémité nord du château (au-dessus de la galerie des Croisés), la vue sur la vallée s'étale, imperturbable. Dominant la cour, les ruines d’une église romane sont facilement visibles. Celle-ci était suffisamment grande pour accueillir toute la garnison, et des offices y étaient certainement célébrés. A côté se trouve la sacristie, à laquelle on accède en descendant les marches.

Le sud du site conserve son donjon mamelouk, construit par le sultan Baybars en 1264, et reconstruit depuis. Il défend l’endroit le plus exposé de la forteresse, le versant faisant face à la colline Umm al-Thallaja, qui surplombe légèrement le château, constituant une position d’artillerie idéale.

Un fossé avait été creusé par les Croisés au pied de l'ouvrage afin de rendre toute attaque plus difficile. Il est désormais comblé par une route. On peut également voir un vaste réservoir permettant de recueillir les eaux de pluie et d'alimenter le fort en eau potable.

On accède au palais mamelouk par un escalier partant de la citerne. Au centre, deux salles voûtées servaient de salle de réception. Une pièce à l’est de la salle, accessible depuis la cour, semble avoir servi de mosquée : une niche se trouve dans le mur du sud, orienté vers la Mecque. Au sud de l’église croisée, vous pouvez aussi accéder à deux couloirs : celui de gauche passe devant sept cellules, tandis que dans celui de droite, vous pourrez voir une rosette gravée dans la pierre, au pied des marches. Un troisième passage, enfin, part vers le nord et mène à l’ancienne place du marché. En poursuivant vers le nord, vous rejoignez la sortie.

La cour inférieure fut construite à l’origine par les croisés avant d’être aménagée par les mamelouks au XIII^e siècle. C'est là que se trouve le musée archéologique récemment rénové. Il mérite de s'y arrêter un instant. Il abrite quelques vestiges préhistoriques majeurs, des céramiques remontant à la période nabatéenne, quelques pièces de monnaie de la période mamelouke, ainsi qu'une copie de la fameuse stèle de Mesha datant de 850 av. J.-C. Elle commémorerait la libération du pays de Moab par le roi Mesha en personne. Ce qui reste de l'original de la stèle est exposé au musée du Louvre à Paris.

La muraille ouest est percée par l’entrée monumentale mamelouke – aujourd’hui condamnée – dont l’arche s’élève à près de 12 mètres de hauteur. Du haut des remparts, la vue sur le Wadi Karak est magnifique. Sachez que la cour inférieure recouvre deux grandes galeries souterraines, qui étaient connectées à la porte mamelouke et permettaient de fuir en cas d'attaque.