Voyage dans le temps au Musée d’Histoire de la Catalogne

Museu d’Història de Catalunya © MHC (PEPO SEGURA)

Le Petit Futé vous emmène aujourd’hui de l’autre côté des Pyrénées pour une visite inattendue des terres catalanes. Pour ce faire, direction Barcelone, le cosmopolite chef-lieu régional, et son étincelante méditerranée. La spécificité de notre balade tient à sa nature, bien plus historique que géographique. Authentique plongée dans la Catalogne d’hier, la proposition de l’excellent Musée d’Histoire de Catalogne (MHC) est d’une valeur anthropologique inestimable. Depuis les salles du Palau de Mar, on entreprend un véritable voyage temporel dans l’histoire millénaire de la Catalogne. Haut lieu du tourisme barcelonais, le MHC se veut à la fois un lieu de mise en valeur du patrimoine catalan, mais aussi un point de rencontre et de réflexion citoyenne. Quand l’histoire devient une discipline ludique !

Le Palais de la Mer

Salle d'expositions permanente
du Museu d'Història de Catalunya.
Museu d'Història de Catalunya © MHC (MANEL LARRIBA)

Avant de s’intéresser au fonds, arrêtons-nous sur la forme. En l’occurrence, celle de l’écrin qu’a choisi il y a un quart de siècle (1996) le MHC pour y établir sa collection : le remarquable Palau de Mar (Palais de la Mer) ! Leg de la florissante ère industrielle catalane, le colossal bloc de briques rouges fut inauguré comme espace de stockage portuaire en 1881. L’architecte, inspiré par les constructions typiques des ports britanniques de la Révolution industrielle, a conféré à son œuvre une allure évoquant celle des docks de Londres ou de Liverpool. Dans le pittoresque quartier du Vieux Port, c’est l’unique survivant de la campagne de restructuration urbaine dont Barcelone a fait l’objet lors de Jeux olympiques de 1992. C’est aussi l’un des édifices portuaires les plus emblématiques du courant noucentista (noucentisme), mouvement réformateur à la fois culturel et politique qui prit racine en Catalogne au début du siècle passé.

« La mémoire d’un pays »

Visiteurs de l'exposition permanente « La memòria d’un país ».
Exposition permanente « La memòria d’un país » © MHC (PEPO SEGURA)

L’exposition permanente du Musée d’Histoire de la Catalogne, sobrement intitulée « La mémoire d’un pays », retrace les mille ans d’histoire qu’ont traversées hommes et femmes sur l’ensemble territorial désormais nommé Catalogne. Ce résumé synthétique, mais néanmoins très complet, a été élaboré selon une présentation chronologique. Au-delà du sérieux scientifique de l’exposition, sa force tient dans la diversité des axes abordés (politique, économique, social, culturel, technologique, etc.). Autre originalité : l’intérêt porté à la vie quotidienne.

Très concrètement, la narration est délivrée salle après salle, où l’on découvre toute une collection d’objets et de documents originaux regroupés par époque et par thématique. Les scénographies sont particulièrement soignées et soulignent certains aspects de la vie quotidienne de jadis, quand elles ne mettent pas un coup de projecteur sur tel ou tel personnage qui a marqué l’histoire de la Catalogne. Les bornes interactives qui ponctuent le défilé des salles dynamisent la visite et la rendent récréative. Voyons à présent ce que nous réserve la visite, point par point.

Des racines à la formation politique de la Catalogne

Groupe d'enfants qui visitent l'exposition.
Museu d’Història de Catalunya © MHC (PEPO SEGURA)

Le premier espace, « Les racines », retrace l’émergence de l’hominidé en Afrique et ses premiers déplacements jusqu’à son arrivée en Europe, qui remonte à plus d’un million d’années. En Catalogne toutefois, les plus anciens ossements retrouvés remontent à 500 000 ans. Carrefour naturel entre l’Afrique du Nord et l’Europe centrale, la zone couverte par l’actuelle Catalogne a de tout temps été un espace de transit pour une grande variété de peuples qui chacun a laissé son empreinte.

Ainsi, l’armée musulmane a entamé sa conquête de l’Hispanie wisigothique dès 711 et la rebaptise al-Andalus. Plus au nord, ce sont les Francs qui dominent, faisant de la Catalogne une zone tampon entre deux civilisations. Le XIe est celui de l’indépendance de comtés catalans du joug de Francs, mais aussi de l’expansion vers les terres andalouses au sud et occitanes au nord. Tant et si bien qu’au XIIe siècle, la Catalogne en tant que nation est née ! Cette période est résumée dans l’espace « La naissance d’une nation ».

Au XIIIe siècle, la nation catalane conquiert Valence et élargit ses terres au-delà des mers : Majorque et les Baléares tombent sous la coupe de Jacques Ier. Barcelone s’impose comme puissance militaire et commerciale jusqu’au XVe siècle. L’art et l’artisanat prospèrent, les villes s’agrandissent et s’ornent de façades gothiques. Les institutions politiques catalanes toujours en place aujourd’hui, datent de cette époque. Une époque qu’explore l’espace « Notre mer ».

500 ans d'histoire, jusqu'à la dictature

Visiteurs de l'exposition permanente « La memòria d’un país ».
Exposition permanente « La memòria d’un país » © MHC (PEPO SEGURA)

Passé la profonde crise du XIVe siècle – inaugurée par la famine de 1333 et la peste de 1348 –, l’expansion économique et démographique catalane reprend bientôt de la vigueur… non sans soubresauts. L’espace « Aux portes de l’Empire » raconte les diverses visions de la gouvernance et de la politique qui s’affrontent alors. Au sein de la monarchie hispanique d’une part, mais au niveau européen aussi, avec entre autres les guerres des Habsbourg et l’expansionnisme ottoman. Les conflits entre la couronne espagnole et la Catalogne débouchent sur des guerres aux XVIIe et XVIIIe siècles. En 1714, la Catalogne accuse une défaite et doit se soumettre à la royauté. L’espace suivant, « Vapeur et nation », met en lumière la croissance que la révolution industrielle a permise en Catalogne : les XVIIIe et XIXe siècles sont ceux du coton et du commerce avec l’Amérique. Portée par une urbanisation exponentielle entamée en 1830, la Catalogne se spécialise dans le textile et devient vite « l’usine de l’Espagne ». Deux nouvelles classes sociales naissent alors : la bourgeoisie industrielle et la classe ouvrière. La zone « Les années électriques » s’intéresse quant à elle à la première moitié du XXe siècle, marquée par l’essor de la culture et de la politique catalanes – la Communauté de Catalogne est créée en 1914 – mais aussi par les conflits sociaux. Après une dictature (1923-1930) et la proclamation de la Deuxième République espagnole (1931), le coup d’État de 1936 débouche sur trois années de guerre civile, puis une dictature. Franco règne alors en maître sur toute l’Espagne.

La Catalogne contemporaine

Famille dans la zone du treuil du Museu d'Història de Catalunya.
Museu d'Història de Catalunya © MHC (PEPO SEGURA)

Comme pour une bonne partie du pays, la longue dictature franquiste plonge la Catalogne dans une période d’oppression particulièrement féroce. Tout mouvement républicain, catalaniste et ouvrier est invariablement réprimé avec force brutalité. La tentative d’uniformisation culturelle de l’Espagne voulue par le dictateur est peut-être celle qui a mis le plus à mal l’intégrité de l’identité catalane. Dans la clandestinité, sur place, mais aussi en exil, les Catalans s’organisent et maintiennent leur culture bien vivante. Les années d’après-guerre sont malgré tout marquées par une pauvreté galopante, que seule la reprise des années 1960 viendra contrebalancer. L’espace « Défaite et reprise » raconte cette époque, jusqu’aux années suivant la mort de Franco en 1975.

Le dernier espace, intitulé « Portrait de la Catalogne contemporaine », s’attelle quant à lui à brosser un portrait plus récent de l’unité territoriale, politique et culturelle catalane. Après Franco, le principal facteur de relance de l’économie est l’entrée de l’Espagne dans la Communauté économique européenne, qui a pour effet de dynamiser le secteur tertiaire et de diversifier l’industrie. La Catalogne, qui a accédé au statut d’autonomie en 1979, profite de cette ouverture et fortifie son économie.

En 2010, la Cour constitutionnelle s’oppose au statut plébiscité par les Catalans en 2006, créant des frictions avec le pouvoir central espagnol. À la faveur de la crise économique mondiale naît bientôt le mouvement des Indignés. L’exposition ne s’attarde toutefois pas sur les faits plus récents, mais interroge plutôt la légitimité du cadre politique dans lequel évolue actuellement le peuple catalan.

Si le cœur vous en dit, vous pourrez faire durer un peu plus longtemps ce voyage en vous rendant au dernier étage de l’édifice. On y trouve un fabuleux rooftop équipé d’un bar-restaurant : la vue à 360° sur les toits de Barcelone et sur la colline de Montjuïc est imprenable, tout autant que le panorama sur le port en contrebas et sur la mer s’étirant infiniment. D’ici, les couchers de soleil sont aussi spectaculaires que les arcanes de l’histoire catalane sont passionnants !

INFOS FUTÉES

MUSEU D'HISTORIA DE CATALUNYA

Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site internet du musée

Impossible de passer à côté du Musée d’Histoire de la Catalogne : l’imposant édifice du Palau de Mar est installé à l’entrée du Port Vell (Vieux Port) de Barcelone, Plaça de Pau Vila.

Pour vous y rendre, viser la station de métro Barceloneta, porte d’entrée de l’ancien quartier de pêcheurs de la ville, l’un des plus pittoresques de la capitale catalane. Le musée est ouvert du mardi au samedi de 10h à 19h (jusqu’à 20h le mercredi) et de 10h à 14h30 le dimanche. Il vous en coûtera 6 € pour accéder à l’exposition permanente (ajoutez 2 € pour l’expo temporaire). Audioguide en français.