Histoire Histoire

Vous allez entrer dans un vieux pays dont l’histoire est encore toute jeune et entrecoupée de violents soubresauts. Tour à tour province puis capitale d’empire, soudainement indépendante et aussi soudainement soustraite à la scène internationale par la chape de plomb soviétique, sortie pacifiquement de l’URSS après plusieurs tentatives plus frontales, divisée sitôt redevenue indépendante… la Tchéquie semble ne jamais vouloir arrêter le rythme trépidant de son histoire. La beauté de Prague réside en grande partie dans les traces que la ville a su garder de chacun des épisodes de son histoire : de l’orgueilleux château aux temples protestants, des sculptures soviétiques aux rives bucoliques de la Vltava et jusqu’au sous-sol d’une certaine église Saint-Cyrille-et-Méthode. Chaque regard porte sur une page d’histoire captivante,  dont nous n’écrivons ici que les plus grandes lignes, pour vous aider à les décrypter.

400 av. J.-C.-Ve s. apr. J.-C.

Entre Celtes et Germains

Les Celtes de la tribu des Boïens investissent l’espace géographique couvert par l’actuelle Bohême. Ils n’y restent que peu de temps mais le nom de la région dérive directement de celui de ce peuple. Les Germains leur succèdent et la Bohême est agitée par de violentes guerres tribales pendant de longs siècles. Chassés par les Huns d’Attila, les Slaves arrivent dans la région au début du Ve siècle et vont la stabiliser en y échafaudant une première structure étatique organisée.

Vers 720

Fondation de Prague

Selon la légende, une des tribus tchèques de Bohême, sans héritier mâle, dut confier le pouvoir à la princesse Libuše, fille d’une magicienne et douée pour la prophétie. Forcée de prendre un mari, elle choisit contre toute attente un pauvre laboureur du nom de Přemysl. De leur union naquit le premier prince de la dynastie des Přemyslides, et Libuše prédit alors, sur le site actuel de Vyšehrad, la naissance d’une splendide cité.

867-894

Bořivoj Ier, premier prince chrétien de Bohême

En 855, Bořivoj Ier, héritier des Přemyslides et qui ne gouverne alors qu’une petite partie de la Bohême, s’allie au roi de Grande Moravie contre le Carolingien Louis II de Bavière, ce qui vaut à la région de devenir un duché. Il fonde un premier château en 870 et se convertit au christianisme en 883. Son fils Spytihnev se retournera ensuite contre l’ancien allié de son père pour prendre le contrôle de la Grande Moravie et de la Bohême. Ce rapprochement n’aura qu’un temps, puisque rapidement Spytihnev se détache de la partie slovaque de son empire pour se rapprocher des Carolingiens.

907-935

Venceslas Ier

Saint Venceslas, neveu de Spytihnev, né en 907, accède au pouvoir âgé de 19 ans tout juste. Son règne ne dure que quelques années, mais va marquer très durablement l’histoire du pays, au point d’en faire LA figure historique de référence encore aujourd’hui. Il libère pacifiquement la Bohême repassée sous le joug germanique en signant un traité de non-agression en échange d’un tribut annuel. Fervent croyant et pacifiste convaincu, il fait détruire les potences, privilégie la culture, l’économie et surtout la religion. Ce faisant, il attise les haines et les jalousies, notamment celles de son frère, qui l’assassine alors que Venceslas refuse de se défendre. Très populaire, Venceslas sera canonisé et deviendra le saint patron de la République tchèque.

1055-1212

Le duché de Bohême devient royaume

Vers la moitié du Xe siècle, les souverains Přemyslides contrôlent la Bohême mais également la Moravie et une bonne partie de la Silésie. Prague devient un évêché et enfin, sous le règne d’Ottokar Ier (1192-1230), le duché de Bohême est érigé en royaume par la bulle d’or de Sicile de Frédéric II, empereur du Saint Empire romain germanique. En 1306, l’assassinat de Venceslas III, qui n’a pas d’héritier mâle, met brutalement fin à la dynastie des Přemyslides. Une guerre de succession s’engage.

1310-1436

La dynastie des Luxembourg

Après quatre années de guerre, Jean de Luxembourg sort vainqueur du conflit grâce à un habile mariage avec Eliška, la sœur de Venceslas III. Il accède ainsi au trône de Bohême en 1310. Allié des Français, Jean de Luxembourg trouve la mort en 1346 en se battant contre les Anglais, au cours de la bataille de Crécy. Son fils Charles IV lui succède.

1316-1378

Charles IV

Roi de Bohême, puis empereur du Saint Empire romain germanique, Charles IV marquera d’un sceau indélébile son pays. Marié à Blanche de Valois, ce souverain mécène, polyglotte, cultivé, croyant et pacifique, est appelé par son peuple « Père de la patrie ». Il procède à l’embellissement de Prague, aménageant le château, créant une université, construisant le pont Charles, la cathédrale Saint-Guy et un grand nombre d’églises et de monastères. Prague est alors la troisième ville d’Occident après Rome et Constantinople. À la mort de Charles IV, en 1378, la cité a doublé sa superficie et rayonne économiquement et culturellement dans le monde entier.

Statue en bronze à Prague de Charles IV. ©  Kajano -shutterstock.com.jpg

1415-1437

Les guerres hussites

En mars 1402, Jan Hus, un professeur de théologie à l’université de Prague et un prédicateur réformateur, dénonce les abus et la vie opulente de la hiérarchie du clergé. Ses idées se répandent rapidement chez les Tchèques mais, sous la pression de l’Église, Jan Hus finit par être arrêté, condamné et brûlé vif, le 6 juillet 1415. Sa mort suscite un soulèvement national et les hussites, organisés en bandes armées, détruisent les couvents. Conduits par le général Jan Žižka puis par Prokop Holý, ils résisteront plus de vingt ans. La révolution hussite durera jusqu’en 1437 et marquera profondément l’histoire du pays.

1526-1618

Les premiers pas des Habsbourg

Avec l’accession au trône en 1526 de l’archiduc autrichien Ferdinand Ier de Habsbourg, c’est le début d’une dynastie qui durera jusqu’en 1918. Ferdinand Ier contribue à l’introduction du style Renaissance à Prague, mais il faudra attendre son successeur, Rodolphe II, pour que Prague redevienne capitale, en 1586, au détriment de Vienne. En 1611, sous le règne du roi catholique Ferdinand II de Habsbourg, les conflits politiques et religieux s’enveniment, et la crise éclate ouvertement au château de Prague, lors de la défenestration du 23 mai 1618.

1618-1648

La guerre de Trente Ans

La défenestration marque le début de la guerre de Trente Ans : la Bohême protestante se soulève contre l’Autriche catholique. La bataille décisive de la montagne Blanche, en 1620, scelle la défaite des protestants et marque la mise sous tutelle autrichienne du royaume de Bohême. Les têtes des vingt-sept leaders protestants décapités sont empalées sur le pont Charles, pour décourager toute tentative de reprise des hostilités. La langue et la culture allemande sont imposées ! Pendant le long règne de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, tout début de mouvement contestataire à Prague sera sévèrement réprimé.

1765-1790

Le règne de Joseph II et la détente

Lorsque le fils de Marie-Thérèse, Joseph II accède au trône, il autorise de nouveau le culte protestant et redonne leurs droits civiques aux non-catholiques, en particulier les Juifs. Hélas, les réformes n’auront qu’un temps et seront abolies par François II alors que, parallèlement, l’émergence de la culture tchèque commence à se faire sentir : on écrit et on joue de nouveau des pièces de théâtre en langue tchèque, et des historiens et hommes politiques comme František Palacký (1798-1876) dirigent un mouvement pour la renaissance de la culture slave. C’est le début du réveil national.

1775-1848

Le réveil national

Ce mouvement débute dans le dernier quart du XVIIIe siècle et touche la société sous tous les angles : à travers la langue tchèque, que l’on parle à nouveau dans la rue, mais aussi à travers les arts qui la véhiculent : la musique, la littérature, le théâtre, et ceux qui représentent l’identité de la nation tchèque : la peinture, l’architecture, la sculpture…

1914-1918

La Première Guerre mondiale

Au cours de la Première Guerre mondiale, trois hommes politiques tchèques, Masaryk, Beneš et le Slovaque Štefánik s’exilent en Suisse, puis à Paris, où ils organisent un Conseil national tchéco-slovaque. Ils parviennent à convaincre les Alliés de la nécessité d’un pays slave entre l’Autriche et l’Allemagne. La République tchécoslovaque est proclamée à Prague le 28 octobre 1918, suite à la dissolution de l’Empire austro-hongrois et, le 14 novembre, T. G. Masaryk est élu premier président de la nouvelle République. Elle réunit la Bohême-Moravie et la Slovaquie.

1918-1938

La première République tchèque

La République tchécoslovaque devient un pilier démocratique en Europe centrale. La ligne politique est entretenue surtout par l’influence de son président Masaryk, démocrate et philosophe. Le pays connaît une conjoncture économique exceptionnelle dans les années 1925-1929, avant d’être atteint par la crise mondiale. Mais en octobre 1938, à Munich, la Grande-Bretagne et la France acceptent la confiscation par Hitler des Sudètes, territoires fortement peuplés d’Allemands.

1938-1945

La République tchèque en exil

Beneš, qui a succédé à son ami Masaryk en 1935, constitue un gouvernement en exil à Londres, alors que les communistes tchèques cherchent protection auprès de Moscou. Durant cette période, la Slovaquie devient un État fasciste et théocratique, contrôlé par Hitler. L’un de ses dauphins pressentis, Reinhard Heydrich, est nommé Gauleiter à Prague pour venir à bout des mouvements de résistance. Il installe un véritable régime de terreur avant d’être abattu par un commando de soldats tchèques parachutés depuis l'Angleterre. Lorsque la guerre se termine, en mai 1945, les Tchèques accueillent avec enthousiasme l’Armée rouge comme leur libératrice. Le Parti communiste rassemble 38 % des électeurs et devient le premier parti politique du pays.

1942

Le drame de Lidice

L’assassinat d’Heydrich donna lieu à une vaste opération de représailles. Le village de Lidice, soupçonné à tort d’avoir abrité le commando, fut entièrement rasé et sa population massacrée. Face à ce drame, l’Angleterre et la France libre décidèrent de dénoncer le traité de Munich et de reconnaître la Tchécoslovaquie comme un État à part entière. Aux États-Unis, de nombreuses jeunes filles furent baptisées du nom de Lidice dans les années suivantes.

1945-1963

Derrière le rideau de fer

L’illusion de liberté ne dure qu’un temps. Lorsque le rideau de fer s’abat sur l’Europe de l’Est, la Tchécoslovaquie tente vainement de faire revivre le rêve de la courte indépendance qui a été la sienne dans les deux décennies suivant la Première Guerre mondiale. En février 1948, c’est « le coup de Prague ». Klement Gottwald obtient de Beneš la nomination de ministres communistes et prend le pouvoir. Une nouvelle Constitution entre en vigueur et la nationalisation des entreprises commence.

1963-1968

Un second réveil national ?

On assiste à un deuxième réveil national du peuple tchèque, en 1963, lorsque les dirigeants tchécoslovaques tentent de réformer l’économie et de réhabiliter les victimes des procès des années 1950. Ces années (de 1963 à 1968), que l’on appelle les Cinq années dorées, connaissent une libéralisation des médias et une renaissance de la vie culturelle à Prague.

1968

Le Printemps de Prague

L’idée d’un socialisme à visage humain fait de nombreux adeptes. Le premier secrétaire du Parti, Alexandre Dubček, tente de faire vivre ce concept, mais l’élan est brisé le 21 août 1968 par l’invasion des troupes du pacte de Varsovie. Dès lors, les communistes entreprennent la « normalisation », qui immobilisera le pays pendant de nombreuses années. Seul un groupe de dissidents, mené par Václav Havel, fonde un mouvement d’opposition appelé Charte 77.

1989

La révolution de velours

Après la chute du mur de Berlin, en 1989, un grand mouvement se crée afin de renverser le régime communiste. L’écrivain Václav Havel est l’homme de cette révolution qui aboutit, le 24 novembre 1989, à la démission du gouvernement communiste. La période soviétique de la Tchécoslovaquie prend fin de manière pacifique, ce qui vaudra son surnom à la « révolution de velours ».

1989-1993

De la Tchécoslovaquie à la Tchéquie

Le 5 juillet 1990, Václav Havel est réélu président de la République pour deux ans à la tête de l’État tchécoslovaque. Le retrait des troupes soviétiques sur le territoire marque la fin définitive du pacte de Varsovie et ouvre le pays à l’Europe démocratique. En 1992, le Parti nationaliste slovaque revendique l’indépendance pour son peuple. Inévitablement, contre la volonté de Havel, la partition est officiellement décrétée le 1er janvier 1993.

1991-1999

La voie de l’intégration européenne

Le pays, membre du Conseil de l’Europe depuis 1991, multiplie après la partition les signes de sa volonté de faire partie de l’Union européenne. La nouvelle République tchèque entre à l’ONU (19 janvier 1993) puis adhère à l’UNESCO (22 février 1993). En 1995, la Tchéquie est le premier pays de l’ancien bloc de l’Est à rejoindre l’OCDE. Enfin en 1999, ce sera l’intégration à l’OTAN.

2003-2010

L’élection de 2003 et le virage libéral

En février 2003, Václav Klaus est élu à la présidence de la République. Klaus est loin d’avoir l’aura de son prédécesseur. Il est ouvertement libéral et prône la privatisation massive des entreprises. Sur le plan international, la Tchéquie fait sont entrée officielle dans l’Union européenne en 2004.

2011

Décès de Václav Havel

L’ancien président et figure emblématique de la révolution de velours décède le 18 décembre 2011. Jusqu’à son dernier souffle, Václav Havel sera resté un défenseur de la liberté et un dissident. Trois jours de deuil national sont décrétés. La cérémonie d’adieu se déroule dans la cathédrale Saint-Guy devant un parterre de dirigeants politiques venus des cinq continents et une nation tchèque unie dans le recueillement.

2013

Première élection au suffrage universel

Les Tchèques désignent pour la première fois leur président au suffrage universel fin janvier 2013. Le président du Parti des droits civiques, Miloš Zeman, en sort vainqueur et devient le nouveau locataire du château de Prague avec une division très marquée entre Prague qui vote majoritairement pour le candidat Schwarzenberg et le reste du pays pour Zeman.

2016-2019

Prague fait son cinéma

Prague s'invite au cinéma avec le 75e anniversaire de l'attentat perpétré contre Reinhard Heydrich (27 mai 1942), le favori d’Hitler. Le sujet est traité à travers deux films : Anthropoid (Sean Ellis, 2016) et HHhH (Cédric Jimenez, 2017). Deux ans plus tard, c’est la mémoire de Jan Palach, l’étudiant qui s’était immolé par le feu pour protester contre le Printemps de Prague, qui sera portée à l’écran pour commémorer le 50e anniversaire du Printemps de Prague.

Décembre 2021

Petr Fiala prend le pouvoir en tant que Premier ministre. Ce politicien de droite de la coalition « Ensemble » a battu le populiste milliardaire Andrej Babis.

Septembre 2022

Élections municipales

Les élections municipales de 2022 sont dans la lignée des précédentes et témoignent de l’impossibilité de gouverner Prague avec un tant soit peu de vision. Fin septembre, les partis de la coalition gouvernementale sortent bien en tête des urnes avec une confortable avance et un candidat idéal, Bohuslav Svoboda, qui a déjà été maire de Prague entre 2010 et 2013. Mais le problème survient lors des négociations postélectorales, qui n’aboutissent pas. La majorité des conseillers municipaux élus, au lieu de se mettre d’accord sur le nom du maire, se mettent d’accord pour reporter la nomination à février 2023… Zdeněk Hřib perd aors son poste après des mois sans aucun moyen d'action, et Bohuslav Svoboda retrouve, à 79 ans, son fauteuil grâce à un accord avec le parti Pirate et le mouvement des Maires Indépendants.

2023

Un nouveau président

Miloš Zeman n'étant pas rééligible, les élections présidentielles voient s'affronter deux nouveaux candidats : Petr Pavel, un ancien général candidat sous la bannière des Indépendants, et Andrej Babiš, ancien premier ministre de 2017 à 2021. Au second tour, contrairement à leur habitude, les tchèques se mobilisent avec 70% de participation, ce qui est du jamais vu au pays où l'absentéisme est roi. Petr Pavel l'emporte largement au second tour avec près de 60% des voix : deux scores qui illustrent bien l'envie de changement des tchèques. La position très europhile du nouveau président contraste avec celle de ses prédécesseurs, mais le flou artistique de son programme laisse encore planer le doute sur les orientations qu'il donnera au pays.

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