THE OWL HOUSE

La maison de l'artiste Helen Martins, sa vie, ses œuvres. Drôle de personnage que cette Helen Martins, née à Nieu-Bethesda en 1898, morte au même endroit en 1976. Après avoir soigné ses vieux parents, et essayé deux maris, cette institutrice s’était enfermée dans sa maison du bord de la rivière pour créer. Elle lisait beaucoup Blake et Khayyam. Elle était passée vivante de l’autre côté du réel, actrice de ses fantasmes, victime de ses rêves les plus fous. Pendant dix-sept ans, seule puis secondée par Koos Malgas, son bras, sa main (son double resté sur terre ?), Helen Martins brisa des milliers de bouteilles de verre, des bleues, des vertes, des rouges, pour ensuite coller les éclats scintillants sur les murs de sa maison. Puis, avec Koos, elle imagina une folle méharée dans son jardin. Travaillant parfois jour et nuit, à la lueur des bougies, le couple de créateurs – elle, vieille femme blanche, lui, métis dans sa quarantaine – fit naître un bestiaire de ciment et de verre, une crèche païenne en marche. Entrez donc dans cette Owl House, sentez l’odeur de soude et de mort, puis sortez dans la cour des miracles pour découvrir les têtes de girafes, les chevaux ailés, les hommes mangeurs de serpents, les bouddhas à coiffe de verre bleu, et ces deux créatures accrochées à la pendule d’un clocher, espérant retenir les heures. Helen Martins, voyant peut-être le sablier couler trop vite, se donna la mort à 78 ans en avalant de la soude caustique. « Son vrai nom était Mona Lisa », écrit encore Breytenbach. « Certaines nuits, elle allumait toutes les lampes et la goélette incandescente remplie d’une cargaison de rêves et de globes célestes de toutes les couleurs faisait voile dans les ténèbres du Karoo, en se reflétant dans une mer d’étoiles. » La maison des chouettes n’a pas fini de faire courir l’imagination des artistes, de plus en plus nombreux à Nieu-Bethesda. Le grand dramaturge sud-africain Athol Fugard a écrit une pièce de théâtre inspirée de la vie d’Helen Martins. L’oeuvre en question, The Road to Mecca (Faber and Faber, Londres), a été adaptée au cinéma. Un film, avec Athol Fugard lui-même, Yvonne Bryceland et Kathy Bates, tourné ici en 1991. On aime ou on déteste la maison des chouettes. Ce lieu est en tout cas en accord avec le climat de la vallée, à la fois intimidant et serein. L’écrivain David Robbins a voulu attendre la nuit dans le jardin d’Helen. Sous le ciel bleu marine, il a vu l’arche de pierre s’animer, les chameaux se mettre à marcher vers le désert. Dans la chambre d’Helen, une statue est couchée au pied du lit.