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CITÉ ANCIENNE DE SILA

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Goz Beïda, Tchad
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Les ruines de l'ancienne cité sont au cœur d'un cirque de schiste. Il s'agit de reliquats de pierres sèches, cimentées de terre, qui formaient l'ancien palais du sultan, bordé par d'épaisses murailles. On distingue encore la chambre du sultan, au centre des ruines, ainsi que les chambres des épouses et des concubines, tout autour. Au loin, vers le nord, on aperçoit le pic de Sila, qui tient son nom d'une montagne du Yémen, près de laquelle auraient vécu les lointains ancêtres dadjo. Une vallée septentrionale, elle aussi obturée par une muraille, offre, par temps clair, une belle vue sur Goz Beïda et ses environs. Les Dadjo sont de fervents musulmans venus du Yémen, descendants d'Abdoullaye, l'un des proches du Prophète. Ils ont probablement une origine voisine de celle des Tama et des Zaghawa. Ils sont restés au Yémen de 619 à 892, avant de fuir, poussés par l'arrivée des Zaydites, vers le Darfour soudanais, où ils sont restés jusqu'au XVIIe siècle. Là, ils se sont déplacés du Djebel Marra au Hadjar Kadjano. À cette époque, la coutume veut que chaque sultan élève, dans les cinq années qui suivent son intronisation, un tata différent de celui de son prédécesseur. Les Dadjo sont alors vassaux du sultan du Darfour, auquel ils paient un tribut. Poussé par de nombreux Dadjo qui ont réalisé des missions de reconnaissance vers l'ouest et y ont découvert un pays giboyeux et fertile, le sultan Saleh, qui a régné de 1664 à 1703, quitte le Darfour pour installer son tata à Anostoua, à plusieurs dizaines de kilomètres à l'est de l'emplacement où s'élève aujourd'hui Goz Beïda. Son fils, le sultan Charaf, qui règne de 1703 à 1735, estime qu'Anostoua est encore trop proche de la zone d'influence du sultan du Darfour et transporte sa cour dans un site isolé, difficile d'accès, qu'il nomme Hougouné, nom qui signifie « le cirque montagneux ». En souvenir du Yémen et de la montagne Sila qui domine le pays de ses ancêtres, il appelle Sila le pic qui avoisine la nouvelle cité. De même, la nouvelle contrée, qu'il dirige seul, est nommée Dar Sila, qui signifie « le pays de Sila ». Il regroupe alors tous les Dadjo et organise son pays sous l'égide de quatre chefs nobles, les kamakilié, qui devaient surveiller les chefs de village, les firshé. Son successeur, Issa Hadjar, qui règne de 1735 à 1779, construit une triple enceinte autour de son tata. Cette construction sauve les Dadjo de l'attaque des Ouaddaïens. En effet, ces derniers ne pourront jamais franchir la troisième enceinte et s'enfuiront, donnant aux Dadjo une réputation de redoutables guerriers. La dynastie suivante essuie toutefois une deuxième guerre contre les Ouaddaïens, engendrée par un prétendant au trône mécontent. La bataille a lieu à Gaciré, 20 km à l'est d'Hougouné. Là encore, les Dadjo seront vainqueurs. Le sultan Mohamed Bolad, qui règne de 1851 à 1879, confirme définitivement les frontières avec ses puissants voisins ; le sultan du Darfour octroiera même au Sila les régions du Dar Sinyar et du Fongoro qui seront pacifiées par les armes. C'est sous le règne du sultan Mohammed Bakhit (1900-1916) que le Sila connaît son apogée.Le sultanat a été installé à Goz Beïda par le père de Bakhit, Ishaq Abou Rishe (1879-1900) en 1879. Toutefois, le sultan Doudmourah du Ouaddaï prend ombrage de l'expédition pour la chasse aux éléphants et la récolte de l'ivoire (alors très lucrative) organisée par le sultan Bakhit sur ses terres ; il se prépare à l'attaque lorsque surviennent les Français, précédés de la réputation de soldats invincibles, qui ont même défait les armées de Rabah. Le sultan envoie alors des émissaires aux Français, pour mettre son pays à leur disposition. En 1909, le premier lieutenant français, Georges de Meef, arrive, puis le 1er janvier 1912, c'est au tour du colonel Largeau. Les Dadjo doivent payer un impôt aux Français, arrêter la traite des captifs et abandonner certains pouvoirs à l'administration. Mais, en 1914, les Français sont tous mobilisés pour la campagne du Cameroun et ne reviennent que l'année suivante. Le nouveau colonel, Hilaire, est hostile au sultan ; les deux hommes s'affrontent en mai 1916. Les Dadjo sont vite défaits, et le sultan s'enfuit au Darfour, où il est fait prisonnier et destitué. On le remplace plus tard par l'un de ses obscurs fils, Yacoub, qui est vite déposé et remplacé par le sultan Moustapha, fils cadet et héritier légal de l'ancien sultan. Cependant, ses pouvoirs sont alors devenus négligeables, ses sources de revenu quasi nulles, et le malchanceux sultan, qui est très pieux, courageux et loyal, est bien malmené par les différents administrateurs de la ville. Le sultan actuel est son petit-fils. Le sultanat du Sila était musulman, esclavagiste, mais moins cruel que celui du Ouaddaï ; on n'y aveuglait pas les prétendants au trône et les proches du sultan n'étaient pas sacrifiés. Le sultan tirait ses revenus de la zakka, impôt annuel constitué du 10e de la récolte des sédentaires, et du trentième du bétail chez les nomades. Il avait également droit à la fotra, soit environ trois kilos de mil par habitant, mais la laissait en général à son imam et aux chefs de village ; le reste servant à aider les pauvres. Le sultan avait encore droit à une bande de gabak par chef de famille, à des prestations en nature des commerçants, aux produits de la chasse, et notamment à l'ivoire. Mais le plus gros de ses revenus provenait des razzias, de la vente des captifs et des amendes sanctionnant les manquements des chefs au Coran et aux coutumes.

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