VIEUX-PONT DE MOSTAR
Enjambant la Neretva depuis 1566, le Vieux-Pont de Mostar (Stari Most) est une des plus belles réalisations de l’Empire ottoman dans les Balkans : une grande arche de couleur claire, aux lignes pures et en dos-d’âne de 27 m de portée, de 4 m de largeur et de 29 m de longueur. Situé au cœur de la vieille ville et gardé par deux puissantes tours défensives à chaque extrémité, l’ouvrage est superbe. Il impressionne aussi par sa hauteur : de 21 à 29 m au-dessus de l’eau selon le niveau de la Neretva. Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2005, ce vénérable pont piéton est le monument le plus célèbre de Bosnie-Herzégovine et d’ex-Yougoslavie, visité par des centaines de milliers de touristes durant la saison estivale. Malgré l’affluence, on ne se lasse pas de l’emprunter pour passer d’une rive à l’autre de la vieille ville, de l’admirer à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit depuis les terrasses des restaurants massés autour et d’assister au spectacle toujours fascinant (terrifiant aussi) des jeunes hommes de Mostar qui, été comme hiver, s’élancent majestueusement depuis son parapet pour plonger dans les eaux vives, froides et peu profondes de la Neretva. Le Vieux-Pont doit aussi sa renommée à sa… destruction. Le 9 novembre 1993, il s’effondra sous les coups de l’artillerie du HVO (Comité de défense croate) qui assiégeait alors la vieille ville bosniaque. Les images de cette destruction firent le tour du monde. L’émotion fut telle que la reconstruction à l’identique de l’ouvrage devint une priorité, avant même la fin de la guerre de Bosnie-Herzégovine. Il fallut pas moins de dix ans d’études et de travaux menés sous l’égide de l’Unesco pour que le Vieux-Pont renaisse en 2004.
Origines. Les fouilles réalisées à l’occasion du chantier de reconstruction ont prouvé qu’il a existé ici deux versions d’un pont en bois à partir du XIe siècle. Passage stratégique, le site permettait aux marchands de Raguse (Dubrovnik) de remonter avec leurs caravanes jusqu’au cœur de la Bosnie. À chaque traversée, les commerçants devaient s’acquitter d’une taxe auprès des mostari. Ce sont ces « gardiens du pont » qui ont donné leur nom à la ville, faisant de Mostar la seconde cité la plus riche de la région derrière Dubrovnik. Après la conquête ottomane, en 1470, la ville continue de se développer et il apparaît bientôt nécessaire de transformer le « vieux pont » en bois en une structure plus solide en pierre. On fait pour cela appel à Mimar Hajrudin (v. 1490-1570), élève du plus grand architecte ottoman Mimar Sinan et concepteur notamment de la mosquée Bayezid II d’Istanbul. Celui-ci arrive sur place vers 1557 et imagine une arche d’allure légère, mais d’une grande solidité. Cela grâce à une technique révolutionnaire : les 456 blocs de pierre calcaire qui composent le pont sont maintenus entre eux par la force de la poussée, mais surtout par des broches de fer scellées au plomb. La légende prétend que Hajrudin s’enfuit avant que l’on retirât les échafaudages, de peur que le pont s’écroule. En fait, la robustesse de l’édifice était telle que le Vieux-Pont a résisté pendant plus de quatre siècles aux tremblements de terre et à tous les conflits, sauf le dernier.
Destruction. Elle intervient alors que Mostar est assiégée par le HVO et l’armée de la Croatie depuis le 9 mai 1993. En septembre, l’ARBiH (armée de Bosnie-Herzégovine) lance une contre-offensive victorieuse. Mais celle-ci est stoppée net par le gouvernement bosnien, moralement déstabilisé par l’assassinat de soixante soldats bosno-croates par ses propres troupes. Le HVO soumet alors les quartiers bosniaques de la vieille ville à un déluge de feu durant l’automne 1993 : par vengeance, mais aussi parce qu’il n’a pas les moyens de vaincre l’ARBiH, solidement retranchée de part et d’autre de la Neretva. Tour à tour, tous les ponts s’effondrent sous les coups de l’artillerie du HVO. Le Vieux-Pont, qui avait tenu pendant quatre cent vingt-sept années, est le dernier à s’effondrer, le 9 novembre, touché par environs 60 obus. Par la suite, le HVO admettra l’avoir visé délibérément certes, mais pour des raisons stratégiques. En fait, avant ce coup de grâce, le Vieux-Pont endommagé ne permettait plus de ravitailler les troupes de l’ARBiH postées sur la ligne de front de la rive droite. La destruction avait avant tout un objectif politique et symbolique : faire disparaître un monument associé à la culture islamique et bosniaque. En 2013, les principaux officiers croates et bosno-croates qui dirigèrent le HVO dans le secteur ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, notamment pour la destruction du Vieux-Pont, considérée comme une violation des lois ou coutumes de la guerre.
Reconstruction. La vision du Vieux-Pont détruit a été un choc pour les habitants de Mostar, qui n’imaginaient alors pas que celui-ci puisse être rebâti. Pourtant, quatre mois après le pilonnage du monument, alors que la Bosnie-Herzégovine est encore en guerre, l’Unesco lance un appel pour la reconstruction le 10 mars 1994. De grandes institutions financières internationales, quelques mécènes et des pays comme la France et la Turquie répondent favorablement, plus tard rejoints par la Croatie. Une passerelle temporaire est installée à la place du pont par des soldats du génie espagnol. Tandis que des plongeurs de l’armée hongroise récupèrent certains blocs pesant jusqu’à huit tonnes dans la Neretva, on va chercher des pierres calcaires de même qualité (de type tenelija) dans les carrières de la région déjà utilisées au XVIe siècle. Mais un scandale éclate. Le projet initial prévoyait de former des tailleurs de pierre locaux, recrutés parmi toutes les composantes de la population, cela dans le but de rapprocher les communautés et de faire du pont un symbole de réconciliation. Mais c’est finalement une entreprise turque spécialisée dans la restauration de bâtiments ottomans qui sera mandatée en 2001. Maîtrisant mal les techniques très particulières mises au point par Mimar Hajrudin, celle-ci n’est pas parvenue à reproduire la forme parfaite de l’arche initiale. Après deux ans et demi d'un laborieux chantier, le « nouveau Vieux-Pont » est inauguré en grande pompe le 23 juillet 2004.
Quartier. Le 15 juillet 2005, moins d’un an après la réouverture du pont, celui-ci est inscrit sur la prestigieuse liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Ce n’est pas seulement l’ouvrage, mais l’ensemble du « quartier du Vieux-Pont de la vieille ville de Mostar » qui a été classé par l’organisme culturel des Nations unies. « Le quartier du Vieux-Pont, avec ses caractéristiques architecturales (pré-ottomanes, ottomanes de l’Est, méditerranéennes et d’Europe occidentale) est un exemple remarquable d’occupation urbaine multiculturelle, explique l’Unesco. Le pont reconstruit et la vieille ville de Mostar sont un symbole de la coopération internationale et de la coexistence de diverses communautés culturelles, ethniques et religieuses. » La zone inscrite au patrimoine mondial s’étend sur un espace de 7,6 ha entièrement piéton dans le quartier historique de Stari Grad (« vieille ville »), de part et d’autre du Vieux-Pont sur les deux rives de la Neretva. Sur la rive droite, à l’ouest, la zone protégée comprend : la tour Halebija qui garde l’entrée ouest du Vieux-Pont, une portion des rues Onešćukova (anciens ateliers transformés en boutiques) et Rade-Bitanje (ancien quartier des tanneurs de Tabhana avec la mosquée Hadži Kurt et le hammam Ćejvan-Ćehaja) ainsi que les environs du petit pont dit « recourbé ». À l’est, la zone classée est plus étroite. Elle longe la rive gauche de la Neretva entre la tour Tara (qui abrite le musée du Vieux-Pont) et la belle mosquée Koski Mehmed-Pacha, reliées entre elles par la splendide petite rue Kujundžiluk (ateliers d’artisans et boutiques de souvenirs) et la rue Mala-Tepa (« petite colline »). L’ensemble de ce quartier historique est entouré par une zone tampon de 48 ha où toute construction est – en théorie – strictement réglementée. C’est dans ce périmètre restreint que se concentrent la plupart des hôtels, des restaurants, des bars, des agences de voyages et des lieux de visite de Mostar.
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