Le modèle français
Il ne subsiste au Québec aucun vestige antérieur aux premiers établissements du XVIIe siècle. Construits par des artisans venus de France, les édifices simples de cette époque sont inspirés des styles régionaux, en particulier bretons et normands. On en trouve encore aujourd’hui un exemple à Lachine, arrondissement à l’ouest de la ville, en la maison Le Ber-Le Moyne, bâtie en 1669. C’est le plus ancien exemple d’architecture du régime français de la capitale. Ses murs épais, faits de moellons grossiers assemblés par du mortier, et son toit en ardoise rappellent en effet les maisons traditionnelles du nord-ouest de la France. L’architecture s’adapte cependant aux conditions climatiques extrêmes : on limite la taille et le nombre d’ouvertures et les cheminées sont nécessaires.
Des fortifications de pierre protégeaient le bourg stratégique de Montréal. Conçues pour remplacer les anciennes palissades en bois, elles voient le jour sous le régime français. Leurs murs suivent plus ou moins le tracé du Vieux-Montréal d’aujourd’hui. Ils sont détruits au début du XIXe siècle, mais des vestiges subsistent au Champ-de-Mars, derrière l’hôtel de ville. D’autres restes sont visibles à l’entrée du musée Pointe-à-Callière, où une visite permettra de découvrir, par l’histoire et l’archéologie, l’évolution de la ville à travers les siècles. La Pointe-à-Callière correspond d’ailleurs à l’emplacement historique de la ville, lieu où Samuel de Champlain (1574-1635) établit la place Royale, un poste de traite, en 1611. Une balade dans le Vieux-Montréal s’impose pour admirer les édifices anciens, en ne manquant pas de faire un crochet par le Vieux-Port.
À la fin du XVIIe siècle, suite à l’installation au Québec des ordres des Ursulines, des Augustines et des Jésuites, l’architecture s’inspire du classicisme français. C’est le cas du Vieux Séminaire de Saint-Sulpice, dessiné par François Dollier de Casson (1636-1701) en 1684. Une série d'incendies ravageant Québec à cette époque incite sur tout le territoire à la construction d’édifices mieux adaptés au climat nord-américain : c’est la naissance d’une architecture québécoise. Le meilleur exemple en est la maison Pierre du Calvet (1770) à Montréal, qui se distingue par ses imposants murs coupe-feu qui dépassent du toit, supportant des cheminées très larges.
L’influence britannique sous le régime anglais
Après la conquête anglaise, qui s’achève avec le traité de Paris en 1763, l’influence de l’Angleterre se fait prépondérante, et va progressivement modifier le paysage architectural du Québec. Le modèle est désormais la maison anglo-saxonne, à cheminées massives et toit à quatre pentes peu inclinées. Les rives du Saint-Laurent deviennent les lieux de villégiature d’une bourgeoisie aisée. Dans le Vieux-Montréal, le Château Ramezay est à ce titre représentatif d’une demeure du début du XVIIIe siècle. Acquis par la ville en 1895, il est le plus ancien musée d’histoire au Québec, ainsi que le premier bâtiment du territoire classé monument historique. De récentes rénovations ont conduit à recréer le jardin d’agrément à la française qui le bordait à l’origine.
Durant le premier quart du XIXe siècle, le néo-palladianisme, très prisé des Anglais, domine l’architecture québécoise. Inspiré du modèle antique, il affectionne frontons, pilastres, colonnes doriques ou ioniques et corniches moulurées. Le Marché Bonsecours (1847) en est un bel exemple, reconnaissable à son dôme inspiré de la Custom House de Dublin : il est signé par l’architecte anglais William Footner.
Les formes multiples de l’éclectisme québécois
Dans la première moitié du XIXe siècle, le style néogothique s’impose dans l’architecture des églises, qu’elles soient catholiques ou protestantes (Christ Church). Victor Bourgeau (1809-1888) réalise l’intérieur néogothique de Notre-Dame de Montréal. Il adoptera aussi un style néo-baroque qui trouve sa meilleure expression dans la basilique Marie-Reine-du-Monde, caractérisée par des proportions massives et un énorme dôme. La bourgeoisie aisée adopte quant à elle le style néo-Renaissance, inspiré des villas italiennes, que l’on retrouve notamment sur l’imposant Hôtel Ritz-Carlton. Il est signé en 1912 par le cabinet Warren & Wetmore, célèbre notamment pour les plans de la Grand Central Terminal à New-York.
L’architecte Eugène-Étienne Taché (1836-1912) élève, dans le style Second Empire, d’imposants édifices gouvernementaux reconnaissables à leur toit mansardé, leurs fenêtres à linteaux cintrés et leurs crêtes faîtières en fer forgé, dont on trouve un bel exemple en la Maison Shaughnessy. À la même époque, on aime également le style néo-roman, agrémenté de tours, tourelles, mâchicoulis et toits coniques. C’est le cas du Chancellor Day Hall de l’université McGill. Ce style se retrouve aussi dans les églises ou les gares comme la Gare Windsor et la Gare Viger, à Montréal, du même architecte : l’Américain Bruce Price (1845-1903).
Enfin, très en vogue en Amérique du Nord, le monumental style Beaux-Arts, caractérisé par le mélange hétéroclite des styles gothique, Renaissance, élisabéthain, Louis XV et Louis XVI, trouve sa meilleure illustration dans le Château Dufresne, qui symbolise la réussite de la nouvelle bourgeoisie canadienne française.
Deux curieuses spécificités de l’habitat montréalais
Les escaliers d’extérieur, dits de duplex et triplex, sont une des spécificités de l’architecture résidentielle à Montréal. Ils font leur apparition à la fin du XIXe siècle et ornent de leur fer forgé les façades des bâtiments. Ils permettent de gagner un espace non négligeable à l’intérieur et de dégager une place pour de petits espaces verts devant les façades, dans une ville alors trop engorgée. Interdits à partir de 1940, ils sont finalement réintroduits en 1980 afin d’en préserver l’authenticité.
Les maisons shoe-box, appelées ainsi en raison de leur forme rectangulaire, apparaissent un peu partout à Montréal au début du XXe siècle. En brique, à la façade surmontée d’une corniche, ces charmantes petites maisons d’un étage abritent des familles d’ouvriers, et témoignent encore aujourd’hui de l’essor industriel de la ville. Après plusieurs démolitions, Heritage Montreal, en charge de la préservation du patrimoine architectural montréalais, protège désormais ces petites bâtisses.
Courants modernes
Le début du XXe siècle est marqué par la construction de nombreux édifices de plus en plus hauts, à l’image de l’Oratoire Saint-Joseph-du-Mont-Royal, une impressionnante basilique inaugurée en 1904 et dont la flèche est le point culminant de Montréal, à plus de 300 mètres du niveau de la mer, et 129 mètres du sol (97 à l’origine). À la fin des années 1920, l’édifice de la Banque Royale devient le plus haut building de l’Empire britannique, avec ses 121 mètres. Il faudra attendre 1992 pour franchir la barre des 200 mètres, avec le 1000 de la Gauchetière, qui reste à ce jour le plus haut gratte-ciel de Montréal.
Dans les années 1920, le style Art déco, importé d’Europe, fait son apparition au Québec et s’épanouira à Montréal pendant près de trente ans. Le pavillon Roger-Gaudry de l’université de Montréal est un bon exemple de l’influence Art déco, mêlée à un plan rationaliste et compact. Il a été dessiné par Ernest Cormier et inauguré en 1943. Sa tour est tout autant l’emblème de l’université que celui de la ville. C’est à ce même architecte que l’on doit la maison Cormier - qui pour sa part a été réalisée dans un pur esprit Art déco. Elle a été classée monument historique, avant d’être restaurée au début des années 1980.
Après la Seconde Guerre mondiale, on revient à des volumes simples et géométriques inspirés de Le Corbusier et de Gropius. On retrouve leur héritage sur les bâtiments de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), comme le pavillon Judith Jasmin, dont le rationalisme et la brique sombre rappellent les bâtiments modernes de Hambourg.
Les grandes tours de verre et de métal font aussi leur apparition à Montréal. La Place Ville-Marie, signée par l’architecte Ieoh Ming Pei (1917-2019), illustre le renouveau du centre-ville de Montréal dans les années 1960 et 1970. De superbes complexes lui succèdent dans les années 1980 : Place des Arts, Palais des Congrès, Place Montréal Trust...
Mais ces tours ne sont pas les seuls signes d’une ville à la pointe des formes contemporaines. Habitat 67, sur les rives du Saint-Laurent au sud du Vieux-Port, est l’un des ensembles d’habitations les plus avant-gardistes qui soient. Cet assemblage curieux de modules géométriques rappelle un jeu de construction. Il a été construit en 1963 dans le cadre d’Expo 67. C’est le bâtiment qui fit la célébrité de Moshe Safdie (1938-), un Canadien d’origine israélienne, son architecte, alors qu’il était encore étudiant à l’université McGill de Montréal ! Cette réalisation inspira fortement le mouvement métaboliste, qui prit son essor au Japon à la même époque. Impressionnant à découvrir depuis la rive en se promenant le long du Saint-Laurent !
Autre signe d’une ville résolument moderne, le métro de Montréal. Il est reconnu comme le système de transport le plus efficace en Amérique du Nord. Il a été pensé et conçu sur le modèle du métro parisien. Les voitures MR73, reconnaissables à leur design angulaire, sont encore en service aujourd’hui, et il faut bien leur reconnaître un certain charme “rétro” dont manquent cruellement les nouvelles rames, dont la difficile mise en service s’est achevée en 2019.
Postmodernisme et architecture contemporaine
À la fin des années 1980, le postmodernisme tente de rompre la monotonie de l’architecture : Place de la Cathédrale, Maison Alcan et la tour BNP-Paribas témoignent de cette période. Le Centre canadien d’architecture, de Peter Rose, est une autre remarquable réalisation postmoderne. Le bâtiment de 1989 entoure et intègre la maison Shaughnessy (1874), qui s'y imbrique parfaitement. L’édifice contemporain, réalisé en calcaire gris (particularité de Montréal), contraste dans sa forme classique avec la façade ouvragée de cette belle demeure de style Second Empire - l’une des rares maisons de la fin du XIXe siècle accessible au public. À l’image de ce bâtiment, l’architecture vise désormais à intégrer des édifices anciens dans une structure ultramoderne. C’est le cas du chantier de rénovation du Ritz-Carlton en 2006, qui voit l’ajout d’une cage de verre sur toute une façade du bâtiment d’origine.
L’université Concordia a érigé au cours des deux dernières décennies deux buildings emblématiques de l’architecture contemporaine à Montréal. Leurs formes se répondent : le bâtiment EV et celui de l’école de gestion, le John Molson Building, tous deux composés de formes géométriques imbriquées, séparant les édifices en divers blocs de verre et d’acier. Les toits des deux bâtiments ont aussi la même forme : l’université dépose sa marque sur la ville contemporaine.
Enfin, une balade sur le Mont Royal s’impose pour admirer l’étendue urbaine ainsi que la skyline de la capitale - et y retrouver les bâtiments qui font l’histoire architecturale de cette ville éclectique. Ses hauts buildings rappellent aux visiteurs qu’il s’agit de l’une des places financières les plus puissantes d’Amérique du Nord.