Découvrez BERLIN : Beaux-Arts (Peinture / Sculpture / Street Art / Photo)

Le nom de Berlin évoque instantanément la culture indépendante. La capitale allemande est considérée comme la destination idéale pour vivre son art. La scène artistique évolue dans deux directions opposées : d’un côté, elle s’internationalise, et de l’autre, elle redéfinit sans cesse ses particularités. Au cœur de cette effervescence, le quartier de Mitte fait figure d’enfant sage. Chic et somptueuse, l’île aux musées couvre toutes les époques dans ses cinq institutions. Difficile de choisir entre antiquités classiques, sculptures médiévales, art égyptien dont le captivant buste de Néfertiti et peintures modernes, comme Le Moine au bord de la mer de Caspar David Friedrich. Et si vous visitez Berlin en été, ne manquez pas d’ajouter à votre programme quelques manifestations en extérieur prisées par la population locale. Arts et gastronomie donnent alors le tempo le long des berges et dans les parcs publics de l’infatigable métropole.

Début de la peinture

Tandis qu’en Italie, en France et en Hollande, la peinture de la Renaissance est un art porté par de grands maîtres à partir du XVe siècle, il faut attendre le XVIe siècle pour que le premier grand courant pictural allemand perce avec Albrecht Dürer (1471-1528), Matthias Grünewald (1460-1528), Lucas Cranach l’Ancien (1472-1553), Hans Holbein le Jeune (1497-1543) et Albrecht Altdorfer (1480-1538). Ces peintres sont marqués par un sens aigu d’imaginaire religieux où les exigences de la Réforme ne cèdent en rien à un intense souci de réalisme, parfois quasi entomologique. En combinant l’art médiéval avec les acquis de la Renaissance, ces premiers grands noms de la peinture allemande créent un style unique en Europe. Les XVIIe et XVIIIe siècles sont surtout des périodes glorieuses pour la sculpture. Au XIXe siècle, on retient surtout Les Falaises, le vent et les nuages de Caspar David Friedrich (1774-1840), de loin la figure la plus importante de la peinture romantique allemande. Ce n’est qu’au XXe siècle que l’Allemagne renouera avec le faste qui fut le sien trois cents ans auparavant.

Renouveau et avant-garde

L’Allemagne est le berceau de nombreuses avant-gardes au cours de la première partie du XXe siècle. L’école expressionniste est le plus parfait représentant. Mouvement qui ne prend son appellation définitive qu’en 1911, l’expressionnisme glorifie l’instinct, l’émotion et le désespoir humain. Inspiré par le Norvégien Edvard Munch (1863-1944) et Vincent van Gogh (1853-1890), ce courant se scinde en deux mouvements : Die Brücke (Le Pont) et Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu). Le premier compte dans ses rangs Ernst Ludwig Kirchner, Erich Heckel et Emil Nolde et dure de 1905 à 1913 ; le second, créé en 1911 à Munich à l’initiative de Wassily Kandinsky et de Franz Marc, réunit August Macke et Paul Klee. Die Brücke s’installe à Berlin en 1911, la ville étant alors le centre de la vie artistique allemande et sera dissout en 1913. Ce mouvement expressionniste à la vision panthéiste est créé à Dresde en 1905. A une période où les menaces de la crise économique et la montée du nazisme se précisent, Otto Dix (1891-1969) est le symbole d’une nouvelle approche picturale, plus réaliste, trouvant sa source dans la vie sociale.

Peu après, en 1919, la peintre Käthe Kollwitz (1867-1945) devient à 52 ans la première femme membre de l'académie des Arts de Berlin. Sculptrice, graveuse et dessinatrice, elle enseigne à l’école artistique pour femmes de Berlin. Connue pour ses séries de gravures titrée La révolte des tisserands (1893-1897), elle se tourne ensuite vers la sculpture. Socialiste de cœur, elle dénonce la misère de ses contemporains à travers ses œuvres bouleversantes. Le musée Käthe Kollwitz de Berlin fait découvrir le parcours de cette artiste intemporelle.

Le peintre protestataire Geroge Grosz, né et décédé à Berlin (1893-1959), organise la Première foire internationale Dada à Berlin le 5 juin 1920. Surnommé Maréchal Propagandada, il participe au mouvement Dada mais aussi à la Nouvelle Objectivité.

Le tournant

L’arrivée d'Hitler au pouvoir oblige nombre d’artistes à émigrer en France ou aux Etats-Unis. « L’art dégénéré » n’a plus sa place en Allemagne. Après la guerre, des artistes s’affirment des deux côtés de la ville de Berlin, bien qu’à l’Est le réalisme socialiste dicte ses codes. Dans les années 1960, la Berliner Schule (école berlinoise) voit éclore des œuvres sensuelles. La décennie suivante s’intéresse davantage à l’individu et à sa place dans la société. A l’Ouest, l’abstraction domine la scène artistique. Dès lors, la vie artistique berlinoise continuera d’accueillir les explorations les plus novatrices.  

Après la Seconde Guerre mondiale, ce n’est pas avant les années 1970 que la Berlin artistique retrouve son panache en dépit du souffle de révolte qui anime les artistes berlinois. Les courants allemands qui se font remarquer à l’étranger sont peu représentés dans leur pays. Les artistes Edward Kienholz et George Rickey participent grandement au renouveau de la capitale. En 1972, Kienholz réalise The Art Show, une œuvre qui reconstitue un vernissage regroupant des modèles de leur cercle, des personnalités du monde de l’art. Tous les regards se tournent vers Berlin. A l’inverse, les artistes allemands rejoignent des courants étrangers comme le tachisme en France ou l’action painting aux Etats-Unis. Wolf Vostell, membre de Fluxus, s’installe à Berlin en 1971 et organise un happening au pied du mur.

Helmut Newton

Catherine Deneuve, Kate Moss, Monica Bellucci, Grace Jones et Claudia Schiffer ont posé devant l’objectif de ce photographe à la renommée mondiale. De son vrai nom Helmut Neustädter, il est né à Berlin en 1920. De mère américaine et de père juif allemand, il quitte l'Allemagne nazie en 1938 pour s’installer en Australie. En 1961, il s'installe à Paris où il devient un photographe de mode réputé, collaborant notamment avec le magazine Vogue. Ses images très stylisées et au fort pouvoir érotique ont été réunies dans une célèbre anthologie, SUMO, un ouvrage de près de 500 pages. Décédé en 2004, il a été enterré dans sa ville natale à laquelle il a légué en 2003 toutes ses archives. Ses œuvres sont exposées au musée de la Photographie – Fondation Helmut Newton, dans le quartier de Charlottenburg.

La peinture berlinoise au XXe siècle

Georg Baselitz, né en 1938, est sculpteur, peintre, gaveur et enseignant. Il est connu pour ses tableaux peints à l’envers et ses coups de pinceau qui modèlent pratiquement la peinture sur la toile. Il marque, avec Pandämonium I et II en 1961 et 1962, le début du nouvel expressionnisme. Ses premiers tableaux sont confisqués pour obscénité. Mais Baseltiz assume le statut asocial de l’artiste. A travers ses tableaux, il renvoie une image de son pays auquel il s’identifie. Il participe avec les Nouveaux Fauves (« Die Neuen Wilden ») à redonner à Berlin sa place sur la scène internationale. La ville retrouve ainsi son identité culturelle en renouant avec l’art figuratif. L’expressionnisme allemand permet en outre aux peintres d’exalter leurs particularités. Une seconde génération prolonge cet élan pictural. Rainer Fetting, Helmut Middendorf, Salomé, Bernd Zimmer fondent en 1977 la galerie de la Moritzplatz, régie par un système d’auto-gérance, qui a depuis été repris par de nombreux groupes. Les artistes, travaillant dans des ateliers collectifs, dans des usines désaffectées de Kreuzberg, s’influencent mutuellement. Leurs tableaux reflètent une jungle urbaine au rythme débridé. Les coups de pinceau tranchés et les couleurs franches leur valent le terme de peinture violente, définie comme l’alliance du néo-expressionnisme et de l’action painting.

Le mur devenu œuvre d’art

Érigé dans la nuit du 12 au 13 août 1961, le Mur de Berlin a très tôt été recouvert de graffitis puis, au fil des ans, d’œuvres de plus en plus complexes. Jusqu’à sa chute, la face ouest du Mur s’est ornée de tags de protestation et d’appels à la paix. Puis des graffitis ont émergé, rapidement associés à des lettrages à même le Mur qui évolueront vers le street art. Parmi les premiers artistes à s’exprimer sur le « Mur de la honte », Thierry Noir, Lyonnais venu s’installer en RFA en 1982. Secondé par Christophe Bouchet, ils se relaient à partir de 1984 pour monter la garde. Considéré comme le premier artiste du Mur, Thierry Noir se rend à l’origine à Berlin pour s’immerger dans la musique rock et l’underground. Il loge alors dans un squat, en face du Mur qui semble le provoquer. « Le Mur était en face de chez moi. C’était une vie triste, une mélancolie au jour le jour. Il ne se passait rien du tout. »  Avec son compère, ils récupèrent de la peinture sur un chantier pour peindre un pan de mur, le premier du genre.  Les expéditions nocturnes se multiplient. D’autres artistes ne tardent pas à les suivre. Des représentations plus élaborées égaient le Mur. En 1986, l’artiste Keith Haring peindra une fresque sur fond jaune de 100 mètres de long. La chute du Mur a redistribué les cartes politiques mais aussi artistiques. 

En 1990, Christine McLean invite des peintres à s’exprimer sur une portion du Mur de 1 300 mètres. L’exposition baptisée l’East Side Gallery est désormais la plus grande galerie d’art en plein air du monde. Pour ses 3 millions de visiteurs annuels, elle réunit tout ce que le Mur a inspiré à 118 artistes de 21 nationalités. Ne loupez pas le célèbre baiser de l’amitié entre Erich Honecker et Léonid Brejnev et son slogan : « Plus de guerre. Fini les murs. Un monde uni. »

L’après

Comme dans toute l’Allemagne, l’art des rues s’est démocratisé à Berlin. Il donne lieu à des festivals et des expositions, de même qu’il continue de se renouveler dans les squats. Toutefois, les graffitis se déploient à tel point dans la ville que la municipalité a cessé de les repeindre. El Bocho est l’un des noms les plus présents. On apprécie son humour, visible sur ses grandes affiches. Alias peint de préférence au pochoir tandis que Vermibus détourne des affiches publicitaires qu’il retravaille de manière à semer le trouble avant de les recoller dans les rues de la ville.

En un sens, le street art est victime de sa popularité. C’est désormais dans les galeries et les musées qu’il s’expose. Depuis 2017, le Museum of Urban Contemporary Art de Berlin s’est adapté à la demande en associant à ses expositions des œuvres temporaires hors les murs. Sans parler de récupération, il arrive qu’une œuvre murale fasse grimper le prix d’un bien immobilier. Mais si vous préférez chasser l’art sauvage, vous en trouverez un peu partout, hormis dans le centre.

Ces vingt dernières années, le magnétisme de la dynamique Berlin ne faiblit pas. Tous les domaines artistiques font l’objet d’expériences. Les artistes d’ici ou d’ailleurs multiplient les compétences pour s’adapter à la demande internationale comme Kai Althoff, Cosima von Bonin, Anselm Reyle et Johannes Wohnseifer.
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