ÉGLISE SAINT-GEORGES DE KURBINOVO (ЦРКВА СВЕТИ ЃОРЃИ ВО КУРБИНОВО)
Cette église byzantine abrite certaines des fresques les plus précieuses du pays. Après une importante campagne de restauration menée en 2014-2015, elle est de nouveau ouverte au public. Construite à la fin du XIIe siècle, elle constituait le catholicon (église principale) du monastère Saint-Georges dont le reste des bâtiments a aujourd’hui disparu. Ses fresques sont datées de 1191 – au niveau de l’abside, une inscription indique que les peintres ont commencé leur travail le 25 avril de cette année-là. Elles sont considérées comme un des plus beaux exemples de l’art byzantin du XIIe siècle. De facture plutôt classique, mêlant les dogmes constantinopliens et les particularismes « provinciaux », elles sont, selon les chercheurs, un « aboutissement extrême » du grand mouvement artistique de la dynastie des Comnènes (1081-1185) dont on retrouve les influences jusque dans les peintures murales de la cathédrale Notre-Dame du Puy-en-Velay (Haute-Loire). Les auteurs des fresques, eux, restent anonymes. Mais la portée de ces œuvres est telle qu’on en attribue la direction à un artiste surnommé le « grand maître de Kurbinovo ». Celui-ci venait sans doute d’un atelier de la prestigieuse école de peinture de Kastoria (aujourd’hui en Grèce). D’ailleurs, on retrouve ici plusieurs points communs avec certaines églises de cette ville, notamment avec les fresques de l’église des Saints-Anargyres réalisées entre le XIe et XIIe siècle.
Bâtiment. De l’extérieur, l’église ressemble à un corps de ferme. Il s’agit d’un bâtiment rectangulaire (17 x 7 m) construit en pierre avec quelques linteaux de brique. C’est la plus grande église à nef unique du pays, simplement dotée d’une abside semi-circulaire. Elle a subi quelques transformations dans les années 1920 : ajout d’un porche et d’un plafond en bois, fermeture des entrées sud et nord transformées en fenêtres. Située sur colline aplanie et entourée d’arbres, elle offre un très beau panorama sur le lac. L’entrée principale se trouve à l’ouest. Une deuxième porte a été préservée côté sud. Les murs conservent quelques fragments de fresques extérieures du XIIe et du XVIe siècle. Sur la façade ouest, sous le porche, subsistent une partie des portraits réalisés au XIIe siècle : ceux de saint Georges, patron de l’église, figuré en cavalier avec les saints Théodore et Démétrios également à cheval, des donateurs (sans doute un couple de nobles byzantins), d’Isaac II Ange (dernier empereur byzantin avant la prise de Constantinople par les croisés en 1204), de son épouse l’impératrice Marguerite de Hongrie et de Jean V Kamateros, archevêque d’Ohrid de 1183 à 1216. Les murs intérieurs de 5 m de hauteur sont entièrement recouverts de fresques à l’exception de certaines parties perdues, notamment sur le mur ouest et sur toutes les zones supérieures. L’église ne possède en revanche pas d’iconostase ni d’icônes de valeur.
Fresques de l’abside. Le mur est, à l’opposé de l’entrée principale, est décoré des fresques les plus importantes et les mieux préservées de l’église. Il s’agit d’un vaste ensemble divisé en trois zones. Le fronton, au-dessus de la conque absidiale accueille la scène de la Pentecôte, la révélation de l’Esprit-Saint aux apôtres cinquante jours après Pâques : le Christ en majesté (très endommagé) apparaît à la Mère de Dieu entourée des archanges Gabriel et Michel, puis des apôtres répartis de part et d’autre. La conque elle-même développe le thème de l’Annonciation, c’est-à-dire l'annonce faite à Marie de sa maternité divine par l'archange Gabriel. La Mère de Dieu présente l’enfant Jésus en symbole de l’Agneau de Dieu (victime sacrificielle). Elle est une nouvelle fois encadrée des archanges Gabriel (à g.) et Michel. Cette représentation de Gabriel, surnommée « l’ange de Kurbinovo », est la fresque la plus célèbre de l’église et figure sur les billets de 50 denars de la République de Macédoine. De part et d’autre de la conque apparaissent, Gabriel et Marie. Enfin, au niveau de l’autel et des murs latéraux sont peints les portraits des Pères de l’Église, mais aussi de saint Georges, de saint Érasme, des deux évangélisateurs Cyrille et Méthode et de leur disciple Clément d’Ohrid, de saint Achille de Larissa (saint protecteur du tsar bulgare Samuel), ainsi que du pape Clément III (dernier évêque de Rome à avoir tenté d'éviter le schisme de 1054). Outre sa qualité stylistique (équilibre de la composition, souplesse des corps, rendu des drapés), ce cycle de fresques comporte des éléments exemplaires tant au niveau politique (l’héritage bulgare, les relations avec Rome) qu’iconographique avec la plus ancienne fresque de saint Méthode et l’unique portrait de saint Clément d’Ohrid réalisé au XIIe siècle. Enfin, c’est la première fois dans l’iconographie byzantine que l’amnos – thème de l’Agneau de Dieu – est représenté ainsi, entouré des représentants de l’Église, du ciel et de la terre, forme qui sera par la suite standardisée.
Fresques du mur sud. À droite de l’entrée principale, le mur sud est décoré du cycle des Grandes Fêtes orthodoxes (Nativité, baptême du christ, etc.). Parmi elles, l’une des fresques les plus importantes est la double scène de la Visitation. Elle se situe au niveau de l’angle avec le mur est (abside). L’épisode se déroule après celui de l’Annonciation : Marie, qui vient d’apprendre qu’elle était enceinte du Christ, part chez sa cousine Élisabeth, elle-même enceinte de six mois de Jean-Baptiste, dernier des prophètes de l’Ancienne Alliance. Dans la première scène, la jeune Marie retrouve Élisabeth, vieille femme usée et fatiguée. Elles s’étreignent et s’embrassent. La seconde scène, située à droite et en partie effacée, illustre les trois derniers mois de la grossesse d’Élisabeth durant lesquels les deux femmes vont rester ensemble. C’est surtout la scène des retrouvailles qui est émouvante, illustrant la complicité de la maternité qui unit les deux cousines. Une telle effusion de sentiments est rarement représentée dans l’art chrétien. Le peintre a d’ailleurs inscrit le terme grec « baisers » (ασπασμόζ/aspasmos) au-dessus des deux femmes. Cet aspect particulièrement touchant en fait une des scènes de la Visitation les plus célèbres de l’iconographie chrétienne. Le thème de la maternité est également abordé, toujours sur le mur sud, dans la zone inférieure, près de la porte, avec cette très rare scène d’allaitement : la mère de Marie, sainte Anne, donnant le sein à Marie. Une fresque similaire du XIIIe siècle existe dans l’église métropolitaine Agios Stefanos de Kastoria, ce qui atteste des liens entre Kurbinovo et la grande école grecque.
Autres fresques. Le mur ouest (entrée principale) est également très richement décoré. Le fronton est dominé par le Panthéon des saints, incomplètement conservé. C’est surtout ici que se terminent le cycle des Grandes Fêtes entamé sur le mur sud et celui de la Passion du mur nord. Parmi les scènes les plus marquantes, il faut noter l’Ascension (Jésus s’élève au ciel, après avoir été mis sur la croix) avec le Christ dispensateur des eaux vives (symbole de l’Esprit-Saint et de la vie éternelle) entouré de la Vierge et de Jean-Baptiste, l'entrée du Christ à Jérusalem, la Transfiguration (la révélation de la nature divine du Christ aux apôtres Pierre, Jacques, et Jean), la Dormition de la Mère de Dieu, le Jugement dernier, la Théophanie de l'Ancien des Jours (révélation divine de la venue du Messie) marquée par la présence de chérubins, de séraphins et d’anges, etc. Parmi les détails, notez sainte Marina assommant Belzébuth, scène que l'on retrouve deux fois à la Galerie des icônes d'Ohrid. Enfin, sur le mur nord, parmi les scènes du cycle de la Passion, se détachent celles de de la Crucifixion et des Lamentations. Dans la zone basse du mur nord, le grand portrait de saint Georges répond à celui du Christ symbole de la Paix du mur sud.
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