MAKEDONIUM
Ce complexe mémorial de 12 ha (Македониум) abrite un des plus beaux monuments hérités de la Yougoslavie socialiste : un « dôme » futuriste souvent comparé à un vaisseau spatial. Commémorant l’insurrection d’Ilinden du 2 août 1903, il domine Kruševo à 1 320 m d’altitude. Le Makedonium, aussi appelé « monument Ilinden » (Споменик Илинден/Spomenik Ilinden), a été inauguré le 2 août 1974. Il s’agit de l’œuvre majeure du sculpteur Jordan Grabulovski (1925-1986). Celui-ci a collaboré avec son épouse, l'architecte Iskra Grabulovski (1936-2008), et les peintres Borko Lazeski (1917-1993) pour les vitraux et Petar Mazev (1927-1993) pour les mosaïques. Artiste le plus réputé du pays, Jordan Grabulovski – connu en Occident sous le nom de Jordan Grabul – a participé à la création du mouvement sculptural moderne en Yougoslavie dans les années 1950. Le Makedonium constitue son projet le plus abouti. Il y imprime son style résolument « optimiste », la sculpture devant former un tout avec son environnement fonctionnel.
Le parcours. Conçu comme un parcours, le complexe offre un magnifique panorama sur Kruševo et ses environs. L’entrée est marquée par le monument des Chaînes (Пранги/Prangi) : cinq arches en béton peintes en blanc qui représentent les cinq siècles de « l’oppression » ottomane. Deux d’entre-elles sont ouvertes, formant ainsi la lettre « С » du mot Слобода/Sloboda (« liberté »). Un chemin pavé de 100 m de longueur monte ensuite jusqu’au monument de la Crypte (Криптата/Cryptata). Il s’agit d’une esplanade circulaire cernée de murs blancs. Ceux-ci portent 58 cônes sur lesquels sont inscrits les noms des révolutionnaires, des intellectuels, des unités combattantes et des lieux des différents mouvements d’insurrection des XIXe et XXe siècles. On trouve ainsi le nom de Nozhot/Ножот, village de la région de Prilep où se déroula une bataille en 1907, ou celui du révolutionnaire Dimitar Vlahov (1878-1953). Le chemin continue de monter sur environ 100 m jusqu’à l’Amphithéâtre (Амфитеатар/Amfiteatar). Situé dans l’alignement du dôme, cet espace est composé de deux cercles concentriques. Le cercle extérieur est décoré de mosaïques colorées formant huit figures géométriques qui représentent les différents motifs des tapis traditionnels des régions du pays. Le cercle intérieur abrite un alignement de 270 plots blancs de 30 cm de hauteur. La signification de cette installation est aujourd’hui méconnue : le personnel sur place évoque aussi bien la représentation de la composition moléculaire de l’eau que celle du symbole des révolutionnaires morts au combat. Le chemin se poursuit sur 50 m jusqu’à la rampe qui mène à la porte d’entrée du dôme.
Le Dôme. Ce Dôme (Купола/Cupola) est l’élément majeur du complexe. Il s’agit d’une sphère blanche en béton de 34 m de diamètre et de 12,5 m de hauteur hérissée de douze excroissances percées d’ouvertures. La porte d’entrée, en bois, est ornée de la lettre M pour « Makedonia ». À l’intérieur, l’unique pièce circulaire, immaculée et bercée d’une douce lumière naturelle, abrite le tombeau de Nikola Karev (1877-1905). Celui-ci est orné d’un cube de marbre blanc poli reposant sur un coin et dont l’une des arrêtes est creusée pour symboliser la vie non-achevée du leader de l’insurrection de 1903. Les quatre ouvertures latérales, pointant vers les points cardinaux, sont dotées de grandes baies vitrées. Leurs parois sont décorées de sculptures figuratives blanches représentant, de gauche à droite, les quatre grandes étapes de la création du pays : l’invasion ottomane (1392), l’insurrection d’Ilinden et la division de la Macédoine après les guerres balkaniques (1912-1913), la guerre de Libération nationale (1941-1945), la liberté et l’unité (1945). Les quatre ouvertures intermédiaires sont dotées de vitraux colorés évoquant à la fois les saisons et les différentes composantes du peuple macédonien. La dernière série d’ouvertures, au sommet, est constituée de puits de lumière, dont la forme conique rappelle pour certains les canons en bois fabriqués par les insurgés de Kruševo en 1903. Enfin, au centre de la pièce se trouve la Flamme éternelle : un bloc à l’origine en marbre blanc poli (aujourd’hui en plastique) qui représente un soleil macédonien à 16 rayons. Ceux-ci se concentrant en huit rayons pour attirer « l’énergie cosmique » figurée par une légère lumière orange au centre, symbole à la fois du feu et du cœur qui bat. De part sa forme, le bâtiment dispose d’une acoustique particulière. Les concepteurs ont souhaité en tirer parti en demandant au compositeur Toma Prošev (1931-1996) d’écrire une œuvre spécialement pour le lieu. Il s’agit de l’oratorio Sonce na prastarata zemja (« Soleil du pays antique »), qui n’est que rarement diffusé aux visiteurs.
Le mémorial aujourd’hui. Chaque année, le 2 août, le Makedonium est le cadre de la grande célébration nationale commémorant l'insurrection de 1903. Figurant aussi sur les billets de 10 000 denars, il n’est toutefois plus très apprécié des autorités qui lui reprochent son passé yougoslave. Par sa forme futuriste évoquant les structures moléculaires, le Makedonium est pourtant un chef-d'œuvre dans le refus de la figuration. Il demeure particulièrement émouvant dans ce sens qu’il ne cherche pas à utiliser les images de la guerre et de la mort, mais à faire passer l’idée de l'esprit de résistance et de la vie qui animaient les héros de l'Ilinden. C'est un monument porteur d'espoir qui marque le début d'une nouvelle société, que l'on pensait alors idéale.
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