Aux origines
A Castellaro Lagusello, près du lac de Garde, vous pourrez découvrir d’étonnants sites dits palafittiques, comprenant des vestiges d’habitat néolithique conçu sur pilotis pour s’adapter à cette région lacustre. Les vestiges antiques de la région sont également impressionnants. Brixia, le parc archéologique de la Brescia romaine, est un immanquable avec son temple capitolin aux belles colonnes corinthiennes, ses fresques en trompe-l’œil, ses mosaïques et les vestiges de son théâtre. Lorsque vous emprunterez la Via Gombito et les Via Lupo et Via San Lorenzo à Bergame, vous marcherez sur les decumanus et cardo romains, artères principales des plans en damier antiques. Pragmatiques, les Romains n’en étaient pas moins de grands amateurs de luxe, comme en témoignent les vestiges des somptueuses villas que se faisaient construire les élites. La Villa Romana de Desenzano de Garda abrite parmi les plus belles mosaïques polychromes de la région, de même que les vestiges d’étonnants thermes semi-circulaires. Mais la plus célèbre des villas romaines est bien sûr celle que l’on a baptisée les Grottes di Catullo, non loin de Sirmione. Ces « grottes » sont en réalité les ruines d’une villa aux dimensions impressionnantes (167 x 105 m) et dont les murs et arcades pouvaient atteindre une hauteur de 3 étages. C’est également durant l’Antiquité qu’apparurent les premiers trésors paléochrétiens, marqués tant par la Rome antique – beaucoup de ces édifices ont été construits sur d’anciennes basiliques civiles ou d’anciens temples – que par Byzance, notamment dans l’usage des coupoles et des fresques. La Basilica San Lorenzo Maggiore de Milan est l’une des plus grandes églises à plan circulaire de l’Empire romain d’Occident. Remarquez comment les 16 colonnes d’un temple antique ont été réutilisées pour édifier son portique monumental. Une splendeur décorative que l’on retrouve dans la chapelle San Vittore in Ciel d’Oro de la basilique Sant’Ambrogio de Milan, avec ses mosaïques sur fond d’or et d’azur datées du Ve siècle. Le Duomo Vecchio de Brescia est un autre superbe exemple de ce syncrétisme. L’église originelle date du VIe siècle et abrite les fragments de mosaïques ayant appartenu… à des thermes antiques !
Trésors médiévaux
La puissance des Lombards se manifesta d’abord par l’édification de nombreuses tours et fortifications. Le site archéologique de Sibrium, près de Castelseprio, abrite ainsi les vestiges d’un castrum ou ancien village fortifié. Monastères et églises furent, eux, les lieux d’expression privilégiés du style lombard, empruntant tout à la fois aux empires romain, byzantin et germanique. Le complexe monastique de Santa Giulia et la basilique San Salvatore en sont les plus beaux représentants. Voyez ces superbes chapiteaux sculptés et surtout cette incroyable crypte littéralement couverte d’une forêt de colonnes. Couplée aux influences romanes, cette architecture donna naissance au style romano-lombard, qui se reconnaît à ses plans à nefs et absides multiples, à l’utilisation de la brique ou de la pierre, et à l’emploi de la bande lombarde (bandes verticales de faible saillie reliées entre elles par de petites arcatures aveugles), de motifs géométriques ou en zigzags ou bien encore floraux. C’est autour de Côme que s’est particulièrement développée cette architecture, portée par le savoir-faire de ceux que l’on a appelés les Maîtres de Côme. Parmi leurs chefs-d’œuvre, notons la basilique Sant’Abbondio de Côme, avec ses motifs géométriques sculptés en façade, et l’abbaye San Nicolo di Piona qui possède un superbe cloître à la belle polychromie de brique et pierre locale. Les Cisterciens, eux, établirent deux superbes abbayes : celle de Morimondo, qui s’organise autour d’une très belle église à trois nefs au décor empreint d’une sobriété chère à l’ordre, et celle de Chiaravalle, qui porte la marque du grand Bernard de Clairvaux, qui introduisit en Lombardie non seulement l’architecture cistercienne, mais aussi et surtout des techniques d’ingénierie très poussées comme celles des canaux d’irrigation. Après ces trésors romano-lombards, la Lombardie va connaître une effervescence gothique dont le plus célèbre représentant est le Duomo de Milan. La blancheur de son marbre et la finesse de ses décors qui rappellent de la dentelle sont les symboles d’un gothique ornementé et foisonnant. Autre chef-d’œuvre de l’époque, le Torrazzo de Crémone. Du haut de ses 111 m coiffés d’un octogone gothique, il est le plus haut beffroi d’Europe ! Cette période gothique est aussi celle de la naissance des puissantes cités-États dominées par les rocca (forteresses) et protégées par d’imposants systèmes de remparts. Parmi les plus beaux représentants de cette architecture militaire, notons le château de Sirmione dont la hauteur des enceintes croît à mesure que l’on s’approche du donjon central et la citadelle de Bergame. Les cités se dotent également de nouveaux édifices, symboles d’un pouvoir communal : le broletto et le palazzo della ragione, qui se caractérisent par un rez-de-chaussée à arcades surmonté d’un étage. Ne manquez pas les Brolettos de Côme et Brescia et le Palazzo della Ragione de Bergame. Ces édifices sont mis en valeur par un urbanisme dont le point central est la piazza, bordée d’arcades et de portiques, vers laquelle toutes les rues convergent. A Mantoue, ne manquez pas les trois belles places de la ville (piazza Broletto, piazza Sordello et piazza delle Erbe) et l’incroyable Palazzo Ducale aux décors truffés de trompe-l’œil. A Pavie, les Visconti se font ériger la plus somptueuse des églises-mausolées, la chartreuse de Pavie (Certosa di Pavia), faisant appel aux plus grands artistes et important les plus prestigieux matériaux, le marbre de Carrare en tête. Un chef-d’œuvre qui opère une élégante transition vers la Renaissance.
Renaissance et baroque
La Renaissance est fondée sur une vision idéalisée du monde. Rien d’étonnant, donc, à ce que cette période coïncide avec le développement des jardins à l’italienne qui se déploient autour des villas et palais. Haies symétriques, labyrinthes à la précision toute géométrique, et fontaines et sculptures aux lignes rappelant la rigueur antique, l’homme ordonne la nature dans des jardins qui se font les pendants d’une architecture aux lignes pures et harmonieuses. Parmi les très belles villas du XVIe siècle, notons la Villa d’Este sur le lac de Côme. Ce souci d’ordonnancement se retrouve dans les nouvelles créations urbanistiques de l’époque, à l’image de la magnifique Piazza Vecchia de Bergame ou de la Piazza Ducale de Vigevano à laquelle travailla un certain… Léonard de Vinci. Le grand maître de la Renaissance contribua aussi à l’amélioration technique des canaux de Milan et au renforcement des fortifications du château des Sforza.
Bramante, autre maître de la Renaissance, marqua Milan de son empreinte, avec l’harmonieux cloître et la tribune de l’église Santa Maria delle Grazie avec son imposant dôme à 16 pans ; et l’incroyable chœur en trompe-l’œil de la chapelle Santa Maria Presso San Satiro, ainsi réalisé pour donner de la perspective dans un espace restreint. A Mantoue, c’est Léon Battista Alberti, le plus grand théoricien de la Renaissance, qui dessina notamment la basilique Sant'Andrea. Etonnants travaux de génie hydrologiques, travaux d’agrandissement et de rénovation, édification de somptueux palais, tel le Palazzo Te, chef-d’œuvre du maniérisme avec ses fresques, trompe-l’œil et somptueux jardins : Mantoue se transforme en laboratoire de la Renaissance. Sabbioneta, elle, est l’image de la cité idéale. Construite en 1558 par Vespasien Gonzague et protégée par une enceinte bastionnée aux formes hexagonales régulières, la ville déploie de somptueux palais et un théâtre aux lignes harmonieuses imaginés par Vincentino Scamozzi, élève du grand Palladio. Opérant une élégante transition entre Renaissance et baroque, les Sacri Monti sont les joyaux de la région des Lacs. Ces parcours de dévotion, aménagés sur une montagne, sont composés d’une série de chapelles représentant chacune une étape de la vie de Jésus ou du saint célébré. L’un des plus beaux est le Sacro Monte d’Orta avec ses superbes chapelles blanches aux toits de lauze, typiques de la région. Certaines chapelles portent la marque d’un baroque très théâtral qui va trouver son apogée dans la somptueuse Isola Bella, île-palais des Borromée, à l’harmonieuse et élégante démesure. Ne manquez pas la salle du trône avec ses pilastres de marbre rouge et ses voûtes décorées de stucs, et les étonnantes « grottes » en rez-de-chaussée décorées de mosaïques mêlant tuf, stuc, coquillages et pierres brillantes. Les jardins aussi participent à cette splendeur baroque : voyez ces étagements en 10 terrasses qui donnent à l’ensemble des allures de pyramide végétale. Inoubliable !
Lignes classiques et renouveau urbain
Après le foisonnant baroque, le XVIIIe siècle se tourne vers les lignes sobres et harmonieuses du classicisme. Un choix en partie dû aux Autrichiens qui contrôlent alors le Duché de Milan. C’est d’ailleurs à Marie-Thérèse d’Autriche que l’on doit la construction d’un des plus célèbres théâtres du monde : le Teatro alla Scala de Milan, œuvre de l’architecte Giuseppe Piermarini. C’est à l'un de ses collaborateurs que l’on doit également l’étonnante Villa Reale souvent surnommée le petit Versailles de Milan. Les villas aussi se font classiques, à l’image du très beau Parc Villa Serbelloni et de la somptueuse Villa Olmo avec ses jardins qui associent aux très rigoureux jardins à l’italienne les fantasques jardins à l’anglaise imitant la nature. Prisés des élites, les rivages des lacs voient apparaître, au XIXe siècle, de somptueuses demeures néoclassiques. La Villa Erba de Cernobbio, demeure des Visconti, et la Rotonda à Inverigo en sont les belles représentantes. Avec l’apparition du chemin de fer, de nombreux villages se transforment en véritables cités de villégiature se dotant de belles promenades ou lungomare donnant sur les lacs, tout en se parant des atours d’un éclectisme puisant dans les répertoires antiques, médiévaux… et même montagnards ! Mais le XIXe siècle est aussi une période de renouveau urbain, pour Milan notamment. La ville se développe à grand renfort de percement de nouvelles artères. La ville se dote également de nombreux espaces verts à l’image de son cimetière-jardin monumental dont les tombeaux rivalisent d’originalité et d’extravagance, ou bien encore du Parc de Monza, un des plus vastes parcs d’Europe. Alors que les styles néo sont toujours très en vogue, surtout le néoclassique et le néogothique que l’on emploie dans de nombreuses restaurations dont celle du château des Sforza ou dans l’édification d’usine, telle la centrale hydroélectrique de Trezzo sull’Adda, la ville voit aussi apparaître les premiers exemples d’une architecture mêlant prouesse d’ingénierie et modernité formelle. La Galleria Vittorio Emanuele II, avec sa verrière haute de 47 m, en est le plus bel exemple. Une effervescence industrielle qui s’accompagne également de nouvelles recherches urbanistiques, comme le montre très bien le village de Crespi d’Adda, entièrement imaginé par la famille Crespi, riches industriels du tissage. Pensé comme une cité idéale, le village s’organise autour de l’usine, que l’on reconnaît à ses hautes cheminées de brique, selon un plan tracé au cordeau. Une cité-usine idéale… pourtant marquée par l’opposition constante entre patrons et ouvriers, les premiers vivant dans les villae padronale aux allures de châteaux, les seconds habitant de modestes maisons aux petits jardins potagers.
Effervescence moderne et contemporaine
Le tournant du XXe siècle va être marqué par le style Liberty, nom donné à l’Art nouveau en Italie. A Milan, la Bibliothèque Venezia, à la façade riche de volutes, motifs floraux et rubans stylisés, témoigne de cette nouvelle liberté formelle. Les villas aussi succombent à la mode Liberty. La plus célèbre d’entre elles est la Villa Bernasconi avec ses céramiques, vitraux et décors en fer forgé. A ces courbes voluptueuses succéderont les lignes plus sobres et géométriques de l’Art déco, comme le montre bien la Villa Necchi Campiglio de Milan. C’est également à cette période que débute la carrière de Gio Ponti. Ses premières réalisations sont un étonnant mélange de styles, à l’image de la maison réalisée Via Randaccio qui mêle éléments Art déco, baroques et classiques ou de la Casa Borletti dont il a pensé tous les détails, y compris les décors en mosaïques et céramiques. En parallèle, la région voit apparaître de nombreux exemples d’architecture fasciste. Des bâtiments administratifs sortent de terre et écrasent de leur monumentalité classique des piazzas nouvellement construites. C’est le cas sur la Piazza Monte Grappa de Varèse avec sa Torre Civica, énorme beffroi dont la base possède un arengario (ce terme, qui désignait autrefois des palais municipaux, est réintroduit par les fascistes qui apprécient le concept de ces édifices publics possédant un balcon d’où ils peuvent haranguer la foule) ; ou bien sur la Piazza della Vittoria de Brescia, bordée d’édifices à portiques et colonnes de marbre. A Milan, le Palais de l’Arengario, composé de deux édifices parfaitement symétriques, et la Gare Centrale, sont également deux grandes réalisations de l’ère fasciste. Mais l’un des plus étonnants témoins de cette période est la Casa del Fascio à Côme. Œuvre de Giuseppe Terragni, elle fait harmonieusement dialoguer emprunts aux canons classiques et lignes rationalistes. Après-guerre, les plus grands architectes participent à la reconstruction. A Milan, Gio Ponti, en collaboration avec Pier Luigi Nervi, imagine notamment la Tour Pirelli, le premier gratte-ciel de la ville (Pirelli qui contribua à la construction de la dalle en caoutchouc du métro milanais !). Aujourd’hui, ce sont les plus grands architectes du monde qui réinventent la ville. Parmi les incontournables : la Fondazione Prada installée dans une ancienne distillerie réhabilitée par Rem Koolhaas avec une tour de 60 m ; le MUDEC imaginé par David Chipperfield sur le site d’anciennes usines sidérurgiques ; l’étonnant Bosco Verticale de Stefano Boeri avec ses 27 étages entièrement végétalisés ; et bien sûr la Piazza Tre Torri, ainsi baptisée car s’y déploient dans une danse étonnante trois gratte-ciel imaginés par Zaha Hadid : Tour Generali, tout en torsion hélicoïdale, Tour Arata Isozaki (209 m de verre rythmés par des surfaces bombées) et Tour Daniel Libeskind (tour incurvée rappelant une voile de bateau). Mais le record de la plus haute tour est désormais détenu par la Tour Unicredit de César Pelli qui culmine à 231 m. Une vitalité créatrice que l’on retrouve dans le Quadrilatero d’Oro rassemblant les plus grandes enseignes de mode et de design, car Milan est aussi une des capitales mondiales du design. Vous avez tant à voir !