VIe-IIe siècle av. J.C

A l’origine, Milan n’est qu’un petit village habité par des populations celtes, les Bituriges. La raison pour laquelle cette région insalubre et marécageuse attire l’installation humaine n’est pas claire. Entre 616 et 579 av. J.-C., sous le gouvernement des Tarquins, Belloveso, fils d’un roi gaulois insubrien, en fait un centre très actif, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention des Romains qui, en 222 av. J.-C., envahissent la basse plaine padane. Occupée en 196 av. J.-C., Milan prend le nom latin de Mediolanum (de medio moitié et lanum plaine, soit ville située au milieu de la plaine) et se transforme en un important carrefour de communications entre Rome et ses possessions gauloises.

222 av. J. C.- 404 ap. J.C

Après la victoire romaine de Clastidium en 222 av. J.-C., le consul Claude Marcel entreprend une lente et efficace pénétration pacifique des modèles culturels et économiques romains dans la Gaule cisalpine, dont Mediolanum est proclamée capitale. On accorde aux populations gauloises padanes la possibilité de battre leur propre monnaie. Par ailleurs, le statut de colonie permet à Mediolanum de conserver ses lois, son système juridique et le droit de commercer librement. Plusieurs travaux d’agrandissement sont entrepris autour du noyau original de la ville ; l’actuelle structure en anneaux de Milan date de cette époque. Mediolanum consolide sa position en 286, quand la ville devient capitale de l’Empire romain d’Occident. Elle le restera jusqu’en 404, époque où elle sera remplacée par Ravenne.

En 313, l’empereur Constantin proclame par l’Edit de Milan la liberté du culte chrétien dans tout l’Empire. Mediolanum se convertit au christianisme et saint Ambroise, l’un des pères de l’Église et qui sera le saint patron de la ville, devient évêque de Milan en 374.

Ve - XIe siècle

Mediolanum n’est pas épargnée par les invasions barbares. Entre le Ve et le milieu du VIe siècle apr. J.-C., la cité est convoitée par plusieurs populations barbares comme les Huns et les Goths (539). Après 150 ans de guerre, les Lombards (Longobardi) l’emportent sur les autres envahisseurs. Entre 568 et 774, ils établissent leur capitale à Pavie ; pour Milan commence alors une période de tranquillité mais aussi de décadence, notamment sur le plan politique. Il faut signaler la figure de la reine lombarde Théodolende qui, fervente catholique, obtint avec l’aide du pape Grégoire le Grand la conversion de sa cour établie à Monza. La fin du royaume lombard commence en 773 quand Charlemagne, roi des Francs, entreprend une campagne de conquêtes en Lombardie contre le roi Désiré. Tout au long de l’Empire carolingien, alors que les Arabes contrôlent la Méditerranée, Milan poursuivit une intense activité commerciale dans l’Adriatique, entre Orient et Occident. Plusieurs ordres religieux, comme les Bénédictins et les Cisterciens, construisent d’importantes abbayes en assainissant les campagnes du Milanais, et en développant l’activité agricole, aujourd’hui encore l’une des plus importantes du pays.

XIe-XIIIe siècle

Entre 962 et 1266, la scène politique est dominée par les querelles entre pouvoir civil et religieux. Au XIe siècle, Milan est gouvernée par les évêques, mais les luttes intestines les contraignent à recentrer leur pouvoir dans le domaine religieux, laissant le champ libre à la naissance des communes. Au début du XIIe siècle, Milan est déjà une commune puissante, et son influence est telle qu’elle est capable de coaliser autour d’elle une grande partie des forces hostiles à la politique d’expansion impériale des Hohenstaufen. Occupée par Frédéric Ier en 1162, c’est en 1176, près de Legnano, que les troupes de la Ligue lombarde, guidées par le condottiere Goffredo da Giussano, remportent la victoire sur les troupes impériales, consacrant le rôle de leader de Milan dans toute la plaine du Pô. Il faudra de féroces disputes intestines pour mettre en crise la commune et préparer le passage au régime de la seigneurie.

1317-1447

Ayant réussi à prendre le pouvoir sur la famille des Torriani, les Visconti gouvernèrent Milan jusqu’au milieu du XVe siècle. Leur ascension commence avec la nomination de Ottone Visconti par le pape Urbain IV. Avec Gian Galeazzo (1351-1402) nommé duc par l’empereur, le duché de Milan, qui réunit jusqu’à 35 villes dont Gênes, Bologne, Pise et Sienne, devient l’un des plus prospères et puissants d’Europe. En 1386 commence la construction de la cathédrale, le Duomo ; les maisons de la ville sont bâties en pierre et les corporations de commerçants se développent et s’enrichissent.

1447-1535

En 1447, le duc Filippo Maria Visconti étant mort sans héritier, Milan se donne pour une courte période une constitution républicaine, la République Ambrosienne. Elle devient la proie d’un condottiere, Francesco Sforza, qui, après avoir épousé la fille d’un Visconti, instaure une dynastie qui durera jusqu’en 1535. Sous le règne de Ludovico dit « il Moro » (1452-1508), la cour du duché du Milan rayonne artistiquement et intellectuellement. La ville s’enrichit de nombreux monuments et accueille les plus grands artistes de l’époque, comme Léonard de Vinci et Bramante. En 1499, la descente en Italie des rois français Charles VIII et Louis XII marque la fin de cette époque dorée. La domination française se poursuit jusqu’en 1529. Le retour de Sforza est de courte durée, jusqu’en 1535.

1535-1713

En 1535, à la mort du dernier Sforza, le duché de Milan est annexé par l’empire espagnol suite aux nombreuses batailles entre la France et l’Italie pour la mainmise sur le territoire. Cette domination durera près de deux siècles et laissera une trace néfaste dans l’histoire de la ville. Impôts trop élevés, violences et une gestion économique irresponsable condamnent la ville à la misère et provoquent la diffusion de la criminalité. Milan connaît également la famine et les épidémies. La population milanaise est réduite d’un tiers en cinquante ans. Le seul soulagement pour les Milanais en cette période vient de la famille Borromée. Installée à Milan au XIVe siècle, elle y avait entrepris une activité florissante dans la banque. Saint Charles Borromée, archevêque de Milan jusqu’en 1584, et Frédéric Borromée, grand mécène à qui l’on doit la création de la Bibliothèque et de la Pinacothèque Ambrosienne, en sont les principaux représentants.

1713-1796

La guerre de succession d’Espagne et le traité d’Utrecht de 1713 entre Philippe V d’Espagne et l’empereur Charles VI d’Autriche précipitent la fin de la domination espagnole. Après une période de gouvernement franco-piémontais, entre 1733 et 1736, Milan passe définitivement sous la domination des Autrichiens. Grâce à l’action réformatrice de Marie-Thérèse d’Autriche, la ville retrouve son aura. Les réformes de l’impératrice font de Milan l’une des villes les plus avancées d’Europe. Milan compte alors 100 000 habitants, qui s’entassent à l’intérieur des remparts limités par les Navigli. Malgré plusieurs travaux qui modifient entièrement la structure urbaine de la ville, Milan conserve encore plusieurs de ses rues étroites, caractérisées par la présence de nombreux hôtels particuliers appartenant à des familles aristocrates.

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1796-1815

La Révolution française reçoit en Italie un soutien immédiat, notamment parmi les classes bourgeoises. Napoléon, après avoir battu en 1796 les Piémontais et les Autrichiens et avoir conquis à seulement 27 ans la Lombardie au cours d’une « guerre éclair », crée la République Cisalpine, qui englobe la plupart de l’Italie du Nord, avec comme capitale Milan. L’avancée de Napoléon ne s’arrête pas là ; après de nombreuses conquêtes, il se proclame le 26 mai 1805 roi d’Italie et s’auto-couronne avec la Couronne de fer (trésor de la reine lombarde Théodolende conservé à Monza) dans le Dôme de Milan. Milan vit un profond renouveau urbain. Le Foro Bonaparte et l’Arco della Pace construits en 1814 en sont le meilleur exemple. Toutefois, le royaume d’Italie n’est pas destiné à une longue existence. Le 14 mai 1814, Napoléon doit se rendre, et Milan est de nouveau occupée par les Autrichiens qui y instaurent un gouvernement réactionnaire. Cette brève expérience napoléonienne réveille le nationalisme des Italiens, notamment chez les bourgeois milanais imprégnés de l’esprit du Siècle des Lumières. C’est le début du Risorgimento, le mouvement révolutionnaire qui conduira à l’unité de l’Italie. 

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XIXe siècle

Le Congrès de Vienne, en 1815, décide la création du royaume « Lombardo-Veneto » sous autorité autrichienne. Le gouvernement répressif des Autrichiens provoque la réaction des indépendantistes italiens ; Milan devient le centre du regain nationaliste italien. En 1848, les « Cinque Giornate di Milano » (les Cinq Jours de Milan) marquent une étape glorieuse pour la ville dans la lutte vers l’indépendance. Le matin du 18 mars, des bourgeois libéraux manifestent contre le général Radetzky. La manifestation se transforme en une révolte populaire, qui dure jusqu’au 23 mars et atteint son sommet avec l’assaut de la Porta Tosa (aujourd’hui Porta Vittoria). Les Autrichiens, craignant une intervention piémontaise et française, abandonnent Milan et plusieurs villes lombardes. Après la guerre de Crimée de 1855, le Piémont de Victor Emmanuel II de Savoie et de son Premier ministre Camillo Benso, comte de Cavour, et la France de Napoléon III signent les accords de Plombières (1858), qui permettent le déclenchement de la première guerre d’Unité italienne. Le 8 juin 1859, Napoléon III et Victor Emmanuel II entrent dans Milan après la sanglante bataille de Magenta.
A partir de 1861, après la création du nouvel Etat italien sous l’autorité de Victor Emmanuel II, l’histoire de Milan se confondra avec celle de la péninsule. La situation de l’administration milanaise ne subit pas de changements marquants car elle reste entre les mains des conservateurs bourgeois qui lancent le développement industriel de la ville. Les Piémontais assainissent le centre historique, obligeant les classes les plus pauvres à se déplacer vers la banlieue. Pendant cette période, l’activité éditoriale, un des points forts de l’économie milanaise, prend son essor avec la création de plusieurs maisons d’édition (Hoepli, Rizzoli, Mondadori). En 1856 apparaît le Corriere della Sera, qui est encore aujourd’hui le principal quotidien italien. Les industries mécaniques, chimiques et textiles (naissance des industries Pirelli et Alfa) font leur apparition et l’industrie de luxe (carrosses, bijoux, artisanat d’art) et celles de l’agroalimentaire renforcent leur présence. En 1883, la première centrale électrique d’Europe s’installe à Milan.

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Le XXe siècle

Au XXe siècle, il est clair que si Rome représente le centre politique de l’Italie, Milan en est le centre économique. La puissante bourgeoisie milanaise s’affiche dans un développement immobilier insensé : la ville se transforme selon des schémas haussmanniens et s’entoure de faubourgs industriels. La Première Guerre mondiale vient marquer un temps d’arrêt à ce développement. L’Italie et Milan traversent une période de grands troubles politiques et sociaux. La CGL (Confédération générale du travail) et la Ligue des entrepreneurs apparaissent en 1906. Les voitures de l’usine Fiat turinoise circulent en grand nombre dans la ville. Une exposition internationale est organisée dans le parc Sempione autour du château Sforza. Dans cette atmosphère d’effervescence naît en 1908 le Mouvement futuriste de Filippo Tommaso Marinetti, dont le manifeste est publié également dans Le Figaro. Milan devient ainsi la ville symbole de ce mouvement propulsé vers l’avenir. Dans l’entre-deux-guerres, la ville devient l’un des centres les plus actifs des anciens combattants. En 1919, Benito Mussolini fonde à Milan les Fasci di Combattimento, ancêtre du Parti fasciste, auxquels adhèrent la plupart des anciens combattants. Suite à la Marche sur Rome en 1922, Milan entre comme le reste du pays dans l’ère mussolinienne, une époque contrastée, car source à la fois de douleur et de progrès pour le pays. De cette époque date la construction de la Gare centrale, des bâtiments modernes de la piazza Affari (Bourse de Milan), du stade San Siro et le réaménagement du centre historique avec la couverture bétonnée des Navigli. La population milanaise atteint rapidement le million d’habitants.

1950-2020

Détruite par la guerre et les bombardements, théâtre d’une résistance militaire et civile courageuse (Milan fut le centre de coordination de la Résistance du nord de l’Italie), Milan sort meurtrie du deuxième conflit mondial : le théâtre de la Scala est en partie détruit et tous les espaces verts de la ville sont mis à la disposition des habitants pour la culture de moyens de subsistance. Dans les années 1950 cependant, grâce à la foire commerciale (la Fiera), Milan est de nouveau la ville la plus dynamique d’Italie. C’est à Milan qu’en 1953 a lieu le premier essai de transmissions télévisées du pays. Dans les années 1970 et 1980, on assiste à la transformation de la capitale lombarde en capitale créative de la péninsule. Ce changement atteint son apogée lorsque la ville reçoit le titre de « capitale mondiale du design et de la mode ». Au même moment, Milan devient aussi la cible privilégiée du terrorisme. Le 12 décembre 1969, elle est frappée par le premier attentat terroriste : une bombe explose à l’intérieur de la Banca dell’Agricoltura sur la piazza Fontana, à deux pas du Duomo (Strage di Piazza Fontana). Le bilan est de 16 morts et 90 blessés. Cependant, le penchant pour les affaires des Milanais ne s’essouffle pas. Les années 1980 et 1990 sont marquées par un développement financier et économique incontesté, ce qui accroît le désir des habitants de la ville de concurrencer le centralisme de Rome en tant que capitale administrative et politique. C’est au cours de cette période que naît la Lega Lombarda, transformée ensuite en Lega Nord dont la devise sera « Roma ladrona » (Rome voleuse). En 1992, c’est à Milan qu’un groupe de magistrats milanais lance l’opération « Mains propres », dévoilant un système politique corrompu et dégradé. La réponse à l’écroulement de ce système sera l’annonce de Silvio Berlusconi de son entrée en politique – la discesa in campo (« la descente sur le terrain ») – et la fondation d’un nouveau parti, Forza Italia. Cette initiative politique rencontre un vif succès à Milan, au point de garantir une période ininterrompue de gouvernance par le centre droite pendant près de 18 ans. La victoire du candidat de centre gauche Giuliano Pisapia en 2011 marque un tournant sans précédent dans l’administration de la ville, alors qu’en même temps l’Exposition universelle de 2015 contribue à renforcer Milan dans son rôle de grande métropole européenne, d’un point vue économique, social et culturel. Les élections administratives de 2016 et celles de 2021 confirment la tendance de Milan à gauche par la victoire du candidat du Partito Democratico, Giuseppe Sala. Une direction municipale qui doit cohabiter avec un gouvernement de région résolument à droite ; à la tête de la région Lombardie siège en effet, depuis 2018, Attilio Fontana, membre émérite du parti de la Lega Nord. Contre toute attente, en février 2020, Codogno, petite ville de la province de Lodi, devient l’épicentre de la pandémie de Coronavirus en Italie et en Europe. Le premier confinement de l’Union européenne aura lieu en Lombardie, et la région a été terriblement touchée par la pandémie.