Les immanquables de la cuisine britannique
Il est indéniable que le petit déjeuner ou breakfast a plus d’importance chez notre voisin anglais que le déjeuner ou lunch. Pour s’en convaincre rien de mieux que de se régaler d’un gargantuesque English breakfast, idéal pour commencer une longue journée de visite. Il se compose d’œufs, au plat, pochés ou brouillés, accompagné de petites saucisses grillées, de tomates poêlées, de champignons rôtis, de haricots blancs en sauce tomate appelés baked beans ainsi que de black pudding, l’équivalent anglais de notre boudin noir. Le tout est servi avec des toasts de pain de mie accompagnés de beurre et de marmelade. Bien sûr un pareil festin demande du temps et est plutôt savouré par les Londoniens les week-ends.
Parmi les plats les plus communs, impossible de passer à côté du célèbre fish & chips. Si cette street-food traditionnellement vendue dans des stands surnommés chippy peut sembler assez simple, sa confection est prise très au sérieux. Au point même qu’en 1913 fut fondée la National Federation of Fish Friers (NFFF) qui propose entre autres des formations pour apprendre à préparer ce mets à la perfection. Le cabillaud ou l’aiglefin sont les poissons les plus communément utilisés. Ils sont enduits d’une pâte fine puis frits et accompagnés de grosses frites arrosées de vinaigre que les Anglais appellent chips – contrairement aux Américains qui leur donnent le nom de French fries. Parmi les autres spécialités de rue que l’on peut trouver à Londres, la Cornish pasty est un gros chausson originaire de Cornouailles dans le Sud-Ouest du pays. Garni de bœuf haché, de pommes de terre, d’oignon et de rutabaga, il est symbolique de la cuisine des ouvriers et des classes pauvres. Belle revanche, la Cornish pasty fait l'objet d'une indication géographique protégée (IGP) dans l'Union européenne. Autre en-cas, typiquement londonien cette fois-ci, le Scotch egg ou « œuf à l'écossaise » est composé d'un œuf dur au cœur d'une boule de garniture de chair à saucisse, panée et frite. On le mange, chaud ou froid, souvent lors de pique-nique. Malgré son nom cette recette fut inventée à Londres en 1738.
Plus raffiné, quoique plus consistant, le bœuf Wellington est symbolique d’une cuisine anglaise bourgeoise et une peu surannée, mais délicieuse. Il se compose d’un rôti de bœuf généralement garni d’une émincée de champignons, puis enveloppé d’une pâte feuilletée bien croustillante. Beaucoup plus rustique la shephard’s pie est l’équivalent de notre hachis parmentier, mais ici le bœuf est remplacé par de l’agneau ou du mouton. Dans le même genre le bangers and mash est le plat rural par excellence composé de saucisse de porc généralement du Lincolnshire ou de Cumberland, et de purée de pommes de terre, le tout nappé d’une riche sauce aux oignons. Plus solennel le Sunday roast ou Rôti du dimanche est un déjeuner en famille qui consiste en une pièce de viande rôtie, généralement du gigot d’agneau, du rôti de porc ou de bœuf, mais aussi du poulet, accompagné de légumes à la vapeur, de gravy – un jus de viande épais – et du fameux Yorkshire pudding qui ressemble à un soufflé feuilleté.
Si le vin devient de plus en plus populaire chez nos voisins d’outre-Manche, la bière reste indissociable de la cuisine britannique. Contrairement aux Allemands, la Grande-Bretagne produit majoritairement des bières d’origine de fermentation haute, c’est-à-dire à température ambiante élevée, donnant principalement des ales. On en trouve de nombreuses variétés comme la pale ale à la couleur délicatement ambrée et rafraîchissante ou la slight ale ou bitter ale ambrée avec un goût de houblon assez appuyé. La brown ale ou mild ale brune ou cuivrée, sa saveur est moins amère que les précédentes. La Christmas ale, brassée et consommée pendant les fêtes de fin d’année, de couleur rouge, très forte, elle déploie un goût de levure qui s’impose en bouche. Quant à la Indian Pale Ale (IPA) elle devait notamment supporter le transport vers les colonies et contient d'ordinaire plus d'alcool et de houblon que les autres, lui donnant un goût plus acidulé. Pour les plus réticents à la bière, il faut noter que l’Angleterre a une longue tradition de cocktails, avec notamment de nombreuses créations à base de gin, alcool parfumé aux baies de genièvre, dont certaines variétés sont d’ailleurs toujours produites dans la région londonienne. Le Pimm’s est d’ailleurs une liqueur dérivée du gin et parfumée à l’orange. On y ajoute ainsi de la limonade, des morceaux de fruits, des feuilles de menthe et quelques rondelles de concombre, pour obtenir un Pimm’s cup, un cocktail frais et très apprécié en été.
Côté douceurs, il existe un grand nombre d’entremets comme le délicat Eton mess, à base de fraises, de crème fouettée et de meringue, dont le nom vient du prestigieux internat privé d’Eton où ce dessert était traditionnellement dégusté lors des matchs de cricket. Plus riche le trifle, est composé de couches successives de génoise imbibée de liqueur, de crème pâtissière, de compote de fruits rouges, puis finalement couronné de chantilly et parsemé d’amandes effilées. Parfait pour les grosses faims. Le très nourrissant sticky toffee pudding est un gâteau spongieux et fondant à base de pâte de dattes, nappé de caramel. Plus frais, le syllalub, était originairement préparé à partir de crème caillée grâce à l’ajout d’un acidifiant : jus de fruit, de cidre ou de vin doux. Ce dessert très ancien ressemble plus de nos jours à une mousse légère, souvent parfumée au citron. On trouve également bien d’autres pâtisseries typiquement anglo-saxonnes dont Londres a fait sa spécialité comme les cupcakes, muffins et autre carrot cake parfumé aux noix et à la cannelle.
Un tea time royal
Néanmoins impossible de continuer cette liste de douceurs sans évoquer une tradition bien vivante : l’afternoon tea. Le thé joue un rôle majeur dans la culture britannique et les Anglais comptent parmi les plus gros consommateurs de thé au monde. S’il est connu des Chinois depuis plus de 4 000 ans, il est importé en Europe par les Portugais lors de la fondation du comptoir de Macao, au sud de la Chine. Le thé arrive alors en Angleterre à partir du XVIIe siècle et l’usage s’y répand grâce à la reine Catherine, épouse de Charles II qui prend l’habitude d’en boire au Portugal. Bientôt, deux façons de consommer le thé apparaissent. Le low tea, pratique aristocratique où la présentation et la dégustation occupent une place importante dans le cérémonial, et le high tea correspondant plus à un vrai repas. Le thé est longtemps servi dans des Coffee Houses, clubs privés réservés aux hommes. Une autre coutume adoptée par les Anglais est celle des tea gardens. Il est courant de fréquenter les salons de thé dans les jardins publics de Londres. On se promène, on prend le thé, on écoute de la musique jouée dans les kiosques et, le soir, on vient admirer le feu d’artifice. À la fin du XIXe siècle, de grands hôtels proposent également des tea rooms où toute la bonne société victorienne vient converser.
Il existe plusieurs sortes de thés dont la plus connue est sans doute l’English Breakfast, thé noir dont l’origine est attribuée Robert Drysdale qui servit ce thé au château d’Édimbourg, alors simplement nommé breakfast. Au XIXe siècle, il devient très populaire grâce à la reine Victoria, et se répand dans les Tea Houses de Londres, puis finalement aux USA où il prit alors son patronyme English. On le sert généralement pur, mais il se boit également avec du lait ou du citron, ou même glacé. Le Earl Grey, quant à lui devrait son nom à Charles Grey, Premier ministre du roi William IV, qui aurait rapporté la recette de l’un de ses voyages diplomatiques en Chine. Commercialisé initialement par la compagnie Twinings, il est en réalité fabriqué à base de thé noir indien et sri-lankais, parfumé à la bergamote, Charles Grey n’ayant d’ailleurs jamais mis les pieds en Chine. Enfin, le Darjeeling, qui tire son nom d’une ville indienne située dans le Bengale-Occidental. Dans cette région montagneuse, on produit un thé au goût unique, servi nature ou avec du citron mais jamais avec du lait. Attention toutefois à la contrefaçon: seulement 11 000 tonnes de thé Darjeeling sont produites chaque année, alors que sa consommation mondiale est estimée à plus de 40 000 tonnes par an...
Et pour servir le thé, bien sûr il existe une infinie variété d’en-cas salés comme sucrés. Les scones sont l’emblème même de l’afternoon tea. Ces petits gâteaux compacts, à peine sucrés sont généreusement tartinés de beurre, de confiture et de clotted cream, une crème extrêmement riche, similaire au mascarpone. On retrouve également des shortbreads, sorte de sablés très friables, des lemon bars, fourrés de crème au citron ou des English madeleines. Côté salé, les fingers sandwiches à base de pain de mie sont le plus souvent garnis de fromage frais, de rondelles de concombre, de saumon fumé ou même de Coronation chicken, composé de poulet froid émincé avec de la mayonnaise et du curry. D’autres snacks sont également proposés comme des quiches ou plus simplement du fromage – cheddar, stilton, Sage Derby, parfumé à la sauge, par exemple – avec des crackers.
Un afternoon tea complet est rarement bon marché, néanmoins cela reste une expérience des plus raffinées. Parmi les adresses les plus célèbres on peut citer le Claridge’s, le Lanesborough, le Brown’s Hotel, le Ritz ou encore le Savoy. Et pour les irréductibles qui veulent absolument rentrer avec des thés anglais d’excellence dans leurs bagages, on ne saurait que leur conseiller un détour dans les deux épiceries fines les plus prestigieuses de la capitale. Fortnum & Mason et Harrods, ouverts respectivement en 1707 et 1849, sont des lieux d’infini raffinement où il est possible de trouver tout ce que l’on désire en matière de produits anglais de qualité. À tel point que ces deux enseignes bénéficient du titre de Royal Warrant, c’est-à-dire fournisseur officiel de la famille royale britannique.
Un Londres multiculturel
Malgré les nombreuses spécialités locales à tester lors d’un séjour dans la capitale britannique, les curieux désirant expérimenter autre chose ne seront pas déçus. Londres offre un vaste choix de cuisine du monde entier. La ville brasse des millions de personnes de toutes les communautés offrant un véritable melting-pot culinaire. Les lieux les plus réputés sont certainement les restaurants indiens et chinois installés dans les quartiers de Brick Lane, Euston, Chinatown et Bayswater, mais on trouve également de très bons restaurants thaïlandais, japonais, africains, polonais, grecs et moyen-orientaux. Contrairement à de nombreux pays d’Europe continentale, très attachés à leur terroir, les Britanniques sont plus désinhibés face aux cuisines étrangères faisant de Londres un lieu idéal pour découvrir des spécialités exotiques. Sans oublier les restaurants pour les vegans et les végétariens qui continuent d’avoir le vent en poupe.
Parmi toutes ces cuisines il en est une qui à la fois typiquement anglaise et en même temps profondément exotique. La cuisine anglo-indienne s'est développée pendant le Raj britannique en Inde, lorsque la couronne britannique dominait le sous-continent indien, entre le milieu du XIXe siècle jusqu’en 1947. Elle fut néanmoins introduite en Angleterre qu’à partir des années 1930, notamment grâce au restaurant Veeraswamy, le plus ancien restaurant indien en Angleterre encore en activité. Situé sur Regent Street à deux pas de Picadilly Circus, Veeraswamy a permis d’introduire de nombreux mets mêlant un savoir-faire britannique et indien.
On retrouve ainsi le kedgeree, une salade froide ou chaude de riz et de haddock parfumé de curry et garnie d’œufs durs et de raisins secs. La mulligatawny est une soupe de lentilles au lait de coco alors que le pish pash est une sorte de porridge de riz au poulet. Contrairement à la véritable cuisine indienne, la plupart de ces recettes sont très délicatement épicées pour plaire à un public anglais alors encore peu habitué au piment. Le chutney est l'un des rares aliments anglo-indiens toujours populaires de nos jours. Ce condiment, souvent préparé avec de la mangue, de l’oignon, du citron vert ou encore au concombre, est proche d’une confiture légèrement épicée, mais dont le sucre reste atténué par l’ajout de vinaigre. Plus récent le poulet tikka masala, ressemble énormément à un plat indien, mais a bien été créé en Grande-Bretagne dans les années 1960.
La tendance est néanmoins à un retour vers une cuisine plus authentique et même le Veeraswamy a diversifié sa cuisine offrant des spécialités venant des quatre coins de l’Inde tels que le Punjab, Lucknow, le Cachemire ou Goa. Un lieu idéal pour ceux qui aimeraient plonger dans toute la diversité culinaire que Londres a à offrir.