MONTE RORAIMA

La plupart des trekkings et des séjours d’escalade pour le mont Roraima partent de Santa Elena de Uairén, petite ville vénézuélienne à la frontière avec le Brésil. Ce mont emblématique, le plus haut des tepuys du plateau des Guyanes (2 810 m), situé à la triple frontière (Triple Point) du Brésil, de la Guyana et du Venezuela, aurait inspiré Sir Arthur Conan Doyle pour son roman Le Monde perdu.

La première chose que vous devez savoir, c’est que vous ne pouvez pas grimper seul sur le Roraima. La présence d’un guide est obligatoire, non seulement afin que votre trek rémunère la population locale, mais aussi car vous pouvez vous perdre. Au sommet, dans le brouillard, il est même extrêmement facile de perdre tout repère – et alors, bonne chance ! En gros, vous avez deux possibilités :

Passer par une agence. Il s’agit de la solution la plus confortable, la plus sûre et la plus chère évidemment. Vous pouvez compter sur le fait que le guide connaît bien le terrain, qu’il possède un téléphone portable : en cas de coup dur, l’agence est rodée, elle possède une assurance et enfin, elle a intérêt à ce que vous reveniez content pour lui faire ensuite une bonne publicité ! De plus, auprès d’une agence, vous pourrez réclamer de l’argent en retour en cas de gros problème occasionné par sa faute, ce qui n’est pas le cas des pirates.

Les agences les plus économiques et, par la force des choses, les mieux préparées se trouvent à Santa Elena, alors que d’autres opèrent depuis Ciudad Bolívar, Caracas ou ailleurs.

A vous de voir ensuite si vous escaladerez le Roraima seulement avec un guide ou vous attacherez les services d’un porteur pour soulager votre sac à dos (tente, nourriture), voire de 2 porteurs pour que vous n’ayez plus rien du tout à porter. 20 US$/jour par porteur.

Passer par un pirate. La règle, selon laquelle plus vous êtes proche du site et plus votre tour s’avère bon marché, se vérifie absolument dans le cas du Roraima. Il est possible de contacter un guide du côté de San Francisco de Yuruaní (66 km au nord de Santa Elena) ou de Paraitepuy (vous pouvez y dormir en dortoir pour pas cher), avec différentes variantes : soit le guide achète la nourriture, soit vous l’achetez vous-même, ce qui constitue dans ce cas une meilleure option si vous voulez être sûr de manger à votre faim et raisonnablement bien. Vous n’êtes alors pas obligé d’emmener de la nourriture pour votre guide, mais ceci est fortement conseillé, car il compte dessus… et vous avez tout intérêt à entretenir de bonnes relations avec votre guide indien. José Hernandez qui vit à San Francisco de Yuruani est un excellent guide habitué à travailler avec les tour-opérateurs de Santa Elena. Il demande 120 Bs.F par jour. Un porteur exigera 80 Bs.F… pour 20 kg maximum. Au-delà, il faudra le payer davantage !

A ces frais, à moins de vouloir marcher les 25 km qui séparent San Francisco de Yuruani de Paraitepuy (comptez 6 heures), vous devrez ajouter le prix du Toyota 7 places : 240 Bs.F (aller simple), ou 400 Bs.F depuis Santa Elena. Certes, vous pouvez tenter le stop, mais les voitures sont très rares et vous pouvez être sûr que les agences ne vous prendront pas.

Équipement. Vous devrez vous adapter au climat. Il est important de prendre suffisamment d’habits chauds, que vous tenterez de garder secs pour la nuit. Chaussettes, col roulé, pull polaire et gants constituent des vêtements idoines. Si vous avez même un bonnet, tant mieux, car 40 % de la chaleur du corps se perd au niveau de la tête. Avoir un bon imperméable est, sinon nécessaire, très recommandé. Sachez qu’on ne trouve pas de bon imperméable à Ciudad Bolívar, et bien sûr encore moins à Santa Elena. De bonnes chaussures de marche s’avèrent aussi fortement recommandées, alors que des chaussures de plage style Teva sont utiles pour traverser certaines rivières. Enfin, n’oubliez pas votre maillot de bains. Ustensiles indispensables : de grands sacs plastiques résistants dans lesquels vous envelopperez vos vêtements, avant de les ranger. Une protection contre la pluie pour votre sac à dos également ; Il faut en effet passer sous une chute d’eau pour atteindre le sommet du Tépuy…

Comme vous allez camper, assurez-vous d’avoir une bonne tente, imperméable il va sans dire, dont les fermetures éclairs fonctionnent correctement. Prendre suffisamment de nourriture – les hydrates de carbone sont très conseillés, de même que les soupes – est également important afin de vous maintenir en bonne condition et enfin, pour laisser le Roraima en bonne santé, des sacs en plastique pour ramener vos déchets. Pour votre information, Inparques inspecte vos bagages avant que vous partiez et vérifie lorsque vous redescendez ce que vous ramenez. Rapportez donc tous vos déchets, mais pas de cristaux, à moins que vous ne vouliez payer quelques centaines de dollars d’amende.

Pour vraiment profiter de votre excursion, il vaut mieux compter au moins 5 jours de marche et une journée complète au sommet du Roraima.

1^er jour. Vous partez du village indien de Paraitepuy. Après environ une heure de marche, un superbe point de vue s’offre à vous. De ce mirador, on voit quasiment toute la chaîne de Tepuys. De gauche à droite : Ilu Tepuy (au nord), Wakapiapa (le plus fin, comme un doigt sortant de la plaine), Yuruani, Kukenan, Roraïma et enfin le Wey-Tepuy à l’Eet. En 3 ou 4 heures, après des montées et descentes de collines s’élevant de terrains un peu marécageux, vous atteignez le río Tek, très joli pour se baigner. Une partie forme une petite piscine naturelle. Bon endroit pour camper, mais les puripuris y sont particulièrement redoutables. A part vous badigeonner de la fameuse potion magique (huile pour bébé et vitamine B12 injectable), il n’y a rien d’autre à faire qu’éviter de camper trop près de la rivière. Si vous êtes parti tôt, marcher 45 minutes supplémentaires jusqu’au río Kukenán, tout aussi bien pour passer la première nuit, mais fréquenté par les mêmes insectes. La traversée de cette rivière est parfois difficile, à cause des courants parfois violents, mais toujours possible grâce à la perspicacité de votre guide.

2^e jour. Une montée permanente et agréable d’environ 3 heures à travers la savane – broussailles, herbes folles, etc. – vous mènera à ce qui s’appelle le Campamento base, que vous aurez traduit de vous-même comme étant le camp de base. Afin de se protéger du vent, il est tactique de monter la tente vers des arbustes. Pendant la journée, vous aurez observé la majesté des 2 tepuys Roraima et Kukenán (il est interdit d’escalader ce dernier depuis la disparition mystérieuse d’un enfant) et le paysage de troncs brûlés – souvenir de la Gran Quemada de 1923 qui a ravagé la forêt jusqu’au Brésil.

3^e jour. Place aux choses sérieuses : une marche à travers la jungle vous emmène en environ 3 ou 4 heures jusqu’au sommet, lequel sera probablement enveloppé dans les nuages. Pour cela, vous devrez affronter des pentes très raides et passer sous une chute d’eau… Mais la beauté du paysage fait vite oublier tous les efforts. Après avoir traversé la partie boisée, où l’on croise des petits ruisseaux bordés de fougères primitives qui peuvent atteindre 5 m de hauteur, on longe la paroi rocheuse verticale du Tépuy (environ 500 m de hauteur). La vue panoramique sur la plaine est alors saisissante, et le chemin parcouru semble ridiculement court… Les jeux d’ombre et de lumière sont incroyables et paraissent magiques ! Attention, dans la dernière montée, après la chute d’eau, le terrain est très glissant et lorsqu’il pleut, le chemin se prend pour une rivière. Une fois en haut, le paysage change du tout au tout : bienvenue sur la lune !

Commencez par réserver votre « hôtel » – c’est ainsi que l’on nomme les quelques abris naturels protégés par des rochers où l’on campe. Sachez qu’en haute saison, ces emplacements très stratégiques sont pris d’assaut, alors venez aussi tôt que possible. Pour plus de tranquillité et un point de vue unique, ne restez pas près de l’entrée. En poursuivant sa route pendant une demi-heure, on atteint l’hôtel « Las Vegas » qui se trouve à quelques mètres du précipice… Vous partirez ensuite à la découverte du sommet : Jacuzzis naturels (mais n’attendez pas un bain chaud), sable rose qui se détache des pierres noires, flore endémique exceptionnelle et des champs de cristaux de 2 ou 3 centimètres s’offrent alors à vous. Merci de bien vouloir admirer lesdits cristaux, en prendre 50 photos en macro, mais de les laisser où ils sont !

4^e jour. Il est consacré à l’exploration du sommet. Deux options s’offrent alors à vous : suivre un circuit court, ou bien traverser la quasi-totalité du Tepuy pour atteindre le Punto Triple (8 heures environ). Cette dernière option est vivement recommandée, si vous n’êtes pas épuisé par 3 jours d’efforts répétés. Cette excursion traverse une quantité de paysages, tous plus impressionnants les uns que les autres, déambulant dans un monde presque irréel constitué de petits canaux et de piscines naturelles, entourés de formations rocheuses aux allures étranges. Vous passerez tout d’abord par El foso (la fosse) : un trou circulaire de 5 ou 6 m de profondeur, dans lequel se jette une cascade. Il est possible d’accéder à cette magnifique piscine naturelle aux eaux cristallines, en passant par des galeries souterraines, pour une baignade plus que rafraîchissante. Vous atteindrez ensuite le Punto Triple où se rejoignent Venezuela, Brésil et Guyane. Vous pénétrerez ainsi illégalement dans ces pays, autant de fois que vous le voudrez. De la totalité de la superficie du Roraima, 85 % appartient au Venezuela, 10 % à la Guyane et 5 % revient au Brésil. Enfin, la balade se termine par la vallée des cristaux (El Valle de los Cristales) tapissée de quartz, avant de regagner votre hôtel.

5^e jour. Vous retournez jusqu’aux ríos Kukenán ou Tek, appréciant peut-être les chutes d’eau qui s’élancent depuis le tepuy. Attention : la première partie de la descente peut être très glissante s’il vient de pleuvoir.

Le 6^e jour enfin, vous regagnez la civilisation et reprenez une activité normale.