MUSÉE DE LA CROIX-ROUGE

"En quoi l’action humanitaire nous concerne-t-elle tous et toutes, ici et maintenant ? " Telle est la question posée ! Vous partirez – virtuellement – à la rencontre des êtres déracinés à travers le temps, autour du monde. La présentation des divers thèmes est originale et interactive. Vous ne resterez pas indifférent lors de votre visite, qui s’apparente presque à une exploration de « terrain » bien plus concrète qu’une brève narration dans les médias. Dans ce sujet toujours d’actualité, le terme de réfugiés, utilisé trop souvent, a tendance à déshumaniser ces personnes qui quittent leur pays parce qu’elles n’ont pas le choix. Jetées bien malgré elles sur les routes de l’exil, et souvent sans espoir de retour, celles-ci font encore partie des « privilégiées » (tout est relatif) dans ce cauchemar quotidien qui les pousse à tout quitter. Celles-ci ont les moyens de partir. Elles sont néanmoins arrachées à leur terre, en proie à la déchirure et au traumatisme d’une séparation familiale ou de l’abandon de leur quotidien. En raison d’une guerre, d’une famine, d’un cataclysme, elles fuient la misère, réduites pour beaucoup au statut d’apatrides, à la recherche d’une vie meilleure, d’un eldorado qui n’existe pas. Sous le terme de « réfugiés » dont les médias parlent si souvent, derrière les masses anonymes apparaissent des femmes, des jeunes filles, des enfants et des hommes qui vous raconteront leur histoire. Le musée du CICR (Croix-Rouge et Croissant-Rouge) a mis en place « L’aventure humanitaire », une exposition présentant le drame de l’exil particulièrement intéressante et très bien faite.

Dans l’exposition permanente, trois thèmes sont abordés : « défendre la dignité humaine », axée sur le droit international humanitaire impliquant le respect de la vie et de l’intégrité de la personne, un enjeu permanent (n’oublions pas que la Croix-Rouge est née de l’action d’Henri Dunant, horrifié par le cauchemar de la bataille de Solférino, une « boucherie »).

Le second thème, « Reconstruire le lien familial », évoque le traumatisme et la déchirure de la séparation des membres d’une famille ou « comment reconstruire les liens », lorsque ceux-ci sont brisés (les victimes perdent une partie de leurs repères et de leur quotidien, avoir des nouvelles les uns des autres est fondamental pour leur équilibre). Il est stipulé que « les liens qui nous unissent les uns aux autres contribuent à nous définir, lorsque les liens sont brisés nous perdons une partie de notre équilibre et de nos repères ». Ainsi, le CICR aide les réfugiés à reconstruire ces liens, en reconnectant les membres des familles ayant perdu les traces des uns et des autres grâce à des photos, entre autres. Le témoignage de ces retrouvailles ou la lecture de lettres de personnes retrouvant des êtres chers sont poignants.

Le troisième thème, « Limiter les risques naturels », évoque la prévention pour lutter contre les épidémies et les catastrophes naturelles. C’est une visite interactive où vous serez impliqué. On évoque d’abord la déchirure de la séparation. Afin de mieux vous permettre de comprendre ce drame, vous revivrez le contexte, par exemple, la recherche d’un prisonnier de guerre en suivant la même démarche que lors de la guerre de 1914-1918 en parcourant les archives.

Plus récemment, vous serez frappés par le regard des enfants ayant perdu leurs parents et séparés de leur famille lors du génocide au Rwanda, par leurs photos présentées sur un mur magistral. Vous pourrez écouter le témoignage d’une jeune fille tutsi ayant dû fuir ce pays, sur sa survie dans les camps de réfugiés en charge de ses petits frères et sœurs. On entendra encore ce journaliste travaillant pour la chaîne qatarie Al Jazeera, couvrant la guerre d’Afghanistan, arrêté au Pakistan et envoyé à Guantánamo pendant six ans coupé de sa famille. Une jeune Chinoise raconte le traumatisme du tremblement de terre au Sichuan en Chine. D’autres réfugiés, présentés sous forme d’hologrammes, racontent également leur expérience. Vous pourrez ainsi suivre bien d’autres témoignages, poignants. Le CICR présente à travers ces témoignages ses actions dans le monde qui permettent de recréer le lien entre les membres des familles. Le journaliste de Guantánamo reçoit ainsi une première lettre de sa famille grâce au CICR après plusieurs années de détention. Certains enfants du Rwanda sont récupérés par des membres de leur famille ayant retrouvé leur trace grâce aux photos.

La conception de l’exposition est unique, la visite très originale. On passe sous une pluie de chaînes en acier pour évoquer la reconstruction du lien familial et on découvre le métier des archives en mode réel. Ce parcours a été conçu par l’architecte Diébédo Francis Kéré (Burkina Faso). La salle « Défendre la dignité humaine » dessinée par l’architecte Gringo Cardia (Brésil) nous montre l’exemplaire original de la Convention de Genève de 1864. Dans la salle « Limiter les risques naturels », on explique également comment on peut essayer d’anticiper les cataclysmes, s’adapter aux nouveaux risques climatiques d’un environnement dégradé en changeant de culture, de type d’habitat, d’élevage… Le sujet est vraiment d’actualité et la présentation des catastrophes naturelles ne se contente pas de dénoncer le phénomène, mais surtout et aussi de chercher et de trouver des solutions, en faisant appel, entre autres, aux connaissances des natifs et à leurs connaissances ancestrales de gestion et de respect de notre mère la Terre. Une visite passionnante.