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Apprécier le côté éphémère de la nature

Pour mieux comprendre le rapport des Japonais à leur environnement, il faut aussi l'examiner à la lumière du shintoïsme et du bouddhisme. Le shintoïsme célèbre la communion avec la nature, les divinités vénérées qui ont pour habitat les sources, montagnes ou rochers. Le bouddhisme quant à lui enseigne à ne pas s'attacher aux choses, mettant en avant l'impermanence. Le Hanami, coutume japonaise d'apprécier la beauté des arbres en fleurs au printemps, illustre cette attitude de contempler le côté éphémère de la vie, à l'image de cette extrême beauté que le moindre souffle de vent peut dissiper. Cet apprentissage du détachement permet d'accepter les aléas et d'aller de l'avant. Au XIIe siècle, Kamo no Chômei écrivait dans Notes de ma cabane de moine : « La même rivière coule sans arrêt, mais ce n'est jamais la même eau. De-ci, de-là, sur les surfaces tranquilles, des taches d'écume apparaissent, disparaissent, sans jamais s'attarder longtemps. Il en est de même des hommes ici-bas et de leurs habitations. » Ainsi Tokyo a-t-elle été détruite et reconstruite à plusieurs reprises pendant son histoire, comme lors du séisme et de l'incendie de 1923, puis pendant les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Les Japonais vivent aujourd’hui dans l'attente du « big one » un séisme de très forte magnitude qui pourrait frapper Tokyo dans les trente années à venir.

Quand le développement brutalise la nature

L'économie a également contribué à façonner le rapport des Japonais à leur environnement. Avec l'ère Meiji, au XIXe siècle, se met en place une industrialisation qui se traduit par un rapport de destruction et de prédation de la nature, qui se poursuit de manière accélérée après la Seconde Guerre mondiale. Les littoraux sont aménagés de vastes complexes industriels. Tokyo a ainsi sacrifié son littoral au profit du développement de son port et de l'aéroport d'Haneda. Le déclin de la biodiversité peut s'illustrer avec la baisse des populations de lucioles. La fragmentation de leur habitat et les pollutions agricoles sont les principaux facteurs de ce déclin, avec le commerce dont elles sont victimes, pour les transporter dans les jardins de restaurants et d’hôtels.

Les jardins japonais ou la nature créée par l'homme

Les jardins japonais relèvent d'une construction intellectuelle. La terre et l'eau constituent autant d'éléments symboliques, représentés par les étangs, que le visiteur peut contempler ou autour duquel il peut cheminer. Extrêmement travaillés, révélant une grande sensibilité et une esthétique à chaque saison, ils sont avant tout la projection d'un paradis. Les jardins zen ou jardins secs, presque exclusivement minéraux, sont des espaces qui invitent à la méditation. Le voyageur en visite à Tokyo et surtout Kyoto n'aura que l'embarras du choix pour s'immerger dans l'ambiance des jardins japonais. On estime à plus de 300 les jardins de monastères de l'ancienne capitale !

Jardin du temple Ryoan-ji : il s'agit d'un jardin zen (karesansui ) invitant à la méditation.

Jardin du Temple Ginkaku-ji (Pavillon d'Argent) : il abrite un jardin sec (dit « Mer de sable argenté ») et un jardin de mousse, composé d’étangs, ponts, petits ruisseaux et végétaux.

Jardin du Temple de Saiho-ji surnommé le « Temple de Mousse » : ce jardin coloré vous entraîne dans un parcours circulaire autour de « l'étang d'or ».

Jardin botanique de Koishikawa (Tokyo). L’occidentalisation en œuvre pendant l'ère Meiji a diffusé la botanique européenne, via la traduction d'ouvrages scientifiques apportés par les Hollandais. Ainsi est créé en 1844 le jardin botanique de Koïschikawa, qui renfermait des espèces médicinales. Attachés à l'Université, il conserve aujourd'hui une grande variété d'espèces.

Jardins du Palais impérial (Tokyo) : les jardins de l'est et le jardin national extérieur sont ouverts au public et offrent un joli havre de paix.

Parc Shinjuku Gyoen (Tokyo) vaste parc de 58 hectares, d'une grande variété, il abrite notamment plus de 1 500 cerisiers.

De la destruction de la nature aux mouvements écologistes

Au cours de son histoire, le Japon a connu plusieurs accidents graves qui ont suscité des réactions et fait naître les premiers mouvements que l'on pourrait qualifier d'écologistes, événements qui ont alimenté en 1910 un discours prononcé par Shōzō Tanaka, prônant la réappropriation de « l'harmonie naturelle », s'appuyant sur le confucianisme et le bouddhisme. Cependant l'agriculture biologique est très peu développée au Japon et vous trouverez très peu de magasins bio. La raison en est à la main-mise des coopératives, l’absence d'aide de l’État, et le goût des consommateurs pour des produits calibrés et emballés. La société civile est cependant mobilisée autour de l'environnement. Ainsi certains habitants de Tokyo ont-ils décidé de nettoyer le littoral de la ville. Grâce à leurs efforts une plage est désormais accessible aux baigneurs, ce qui n'était plus le cas depuis les années 1970 pour cause de pollution. Un habitant a même utilisé des algues et des huîtres en les attachant à des structures de bambous comme dispositif d'épuration. Par ailleurs l'agglomération s'est lancée dans programmes de traitement des eaux à l'occasion des Jeux Olympiques de Tokyo. « Nager dans la mer sera un héritage des Jeux » avait promis le maire d'Odaiba.

Vers le zéro déchet

Certaines valeurs ancestrales font partie de la culture japonaise, comme la lutte contre le gaspillage et le fait de vivre avec simplicité, sans superflu. Cet art de vivre inspiré du « wabi-sabi » facilite le déploiement de la démarche « zéro déchets » promue dans le pays. Ajoutez à cela une réglementation (collecte sélective), de la sensibilisation, et vous verrez fleurir de jolies initiatives. Parmi celles-ci citons le furoshiki où l'art d'emballer avec des tissus récupérés, le tawashi, une éponge en tissus usagés, ou l’oculi, un cure-oreille en bambou. Le journal Mainichi Shimbun est fait d'un papier recyclé composé d’eau et de graines ; une fois la lecture terminée il suffit de le planter pour avoir des fleurs. La réutilisation d'objets cassés est également rendue possible avec la technique kintsugi. A Kyoto, vous pourrez rencontrer des samouraïs anti-déchets munis de pinces à déchets. A Tokyo, un bar éphémère, le Gomi Pit, a ouvert ses portes en 2019 dans une installation d'incinération de déchets, afin de sensibiliser in situ. Car le déchet le moins polluant est bien celui qu'on ne produit pas ! La consommation de plastique liée notamment aux emballages, reste très importante, et des efforts sont à poursuivre en matière de prévention et de réduction des déchets. Le Japon entendait promouvoir sa politique zéro déchets lors des Jeux Olympiques de Tokyo (qui ont eu lieu à huis clos en 2021), avec notamment des médailles en métaux recyclés.

Climat et qualité de l'air : des questions brûlantes

La ville de Tokyo s'était engagée à la fin des années 1990 dans une politique anti-diesel. La campagne fut axée sur la santé et fondée sur des mesures visant à réduire le nombre de véhicules diesel. Le gouvernement prit au même moment une réglementation contraignante allant dans ce sens. Entre 2001 et 2011 la concentration de particules fines a diminué de 55% à Tokyo. Or en 2010, le gouvernement a fait volte-face... au nom de la lutte contre l'effet de serre (le diesel étant considéré comme moins émissif que l'essence). Les ventes de voitures diesel auraient augmenté de 80% entre 2012 et 2014 dans le pays ! Mais depuis 2020, le pays est fixé sur l'objectif "zéro carbone en 2050" et espère interdire la vente de véhicules diesel ou essence d'ici 2035.