Temps forts de toute visite d’Erevan, ce musée a fait l’objet d’une restauration complète. Le bâtiment de basalte gris, construit en 1957, s'élève toujours à l'extrémité nord de l'avenue Machtots, mais depuis 2012 (année durant laquelle Erevan fut désignée « capitale mondiale du livre » par l'Unesco, au moment où l'on fêtait le 500e anniversaire du premier livre imprimé en arménien à Venise), il est flanqué d'une nouvelle aile, dont l'architecture s'inscrit harmonieusement dans le décor. Tout a été fait pour optimiser et moderniser les moyens de conservation de ce patrimoine inestimable que constituent les milliers de manuscrits entreposés ici, d'en acquérir d'autres aussi, encore dispersés à travers le monde. C'est là en effet que sont précieusement gardés quelque 20 000 manuscrits anciens, dont la plupart sont des dons ; 17 000 d'entre eux sont en langue arménienne, les autres sont en persan, grec, arabe, etc. On y trouve également des archives et documents diplomatiques du XIVe au XIXe siècle. Un trésor national sur lequel veillent, à l’entrée de l’édifice, les statues de Mesrop Machtots (361-440), l’inventeur de l’alphabet, et de grands penseurs, savants, philosophes et théologiens arméniens. Ce sont eux – Anania de Chirak (VIIe s.), Grégoire de Tatev (XVe s.) ou encore Moïse de Khoréne (Ve s.) – qui ont contribué à la diffusion du livre en ouvrant leur culture aux grands classiques grecs, dont les manuscrits ont été réunis en Arménie pour y être traduits dès la création de l’alphabet national en 405. Le Maténadaran (« bibliothèque » en arménien ancien) témoigne de l’importance accordée au livre dans la culture arménienne. « Pour le sot, le manuscrit n’a nulle valeur, pour le sage, il a le prix du monde », peut-on lire dans le colophon (note finale d’un ouvrage) de l’un de ces livres pieusement conservés. Le livre, où les Arméniens ont donné le meilleur de leur art pictural, dans ses riches enluminures, est un objet sacré qu’il fallait préserver à tout prix, au sacrifice de sa vie, et de sa vue, en ce qui concerne les copistes médiévaux qui se sont abîmé la vue à transcrire les textes sacrés ou savants, guidés par cette conviction exprimée dans plusieurs manuscrits : « Cette main redeviendra poussière, le livre écrit perpétuera son souvenir. » Ces précieux manuscrits étaient conservés en partie dans la bibliothèque du Catholicossat, mais aussi dans les églises et monastères disséminés à travers le pays. Leur sauvegarde, durant les massacres de l’Empire ottoman en 1915, donnera lieu à des actes d’héroïsme, tel celui de ces deux femmes qui ramèneront au péril de leur vie l'Homélaire de Mouch (Turquie) aujourd’hui au Maténadaran (n° 7779). Sur les 30 000 livres arméniens existant aujourd’hui dans le monde, qui furent copiés entre le haut Moyen Âge et le XVIIIe siècle, époque à laquelle l’usage de l’imprimerie se répand, 11 000 manuscrits, dont près d’un tiers illustré, sont intégralement conservés au Maténadaran, auxquels il faut ajouter 2 000 fragments, environ 430 parchemins, le reste (plus de 3 000) étant constitué de manuscrits médiévaux européens et orientaux. Un patrimoine énorme qui désigne l’Arménie comme l’un des pays les plus riches en manuscrits enluminés. Né sans doute au Ve siècle, l’art de la miniature a atteint son apogée dans l’Arménie cilicienne, au XIIIe siècle. Son grand maître fut Toros Roslin, qui sut à merveille illuminer les pages des évangéliaires et autres manuscrits, de scènes et de personnages expressifs dont la vivacité des couleurs n’a pas été ternie par le temps. Au Maténadaran, c’est dans une cave blindée qu’on tente d’ailleurs de lutter contre les dégradations du temps ; ce fragile trésor, auquel n’ont accès que les chercheurs dûment patentés, est conservé dans un microclimat, à l’abri de la poussière et des autres agressions. Car il ne faut pas oublier que le Maténadaran est aussi un institut qui attire chercheurs et orientalistes du monde entier. L’incunable le plus ancien est l’Évangile de Lazare (887), les ouvrages antérieurs n’étant parvenus qu’à l’état de fragments. Les premiers écrits arméniens ont été des traductions, réalisées par des savants que l’on honore aujourd’hui encore comme les Saints Traducteurs lors de la fête de Tarkmantchatz. Certains de ces écrits ne nous sont parvenus que dans leur version arménienne ; c’est le cas notamment de la Chronique d’Eusèbe de Césarée ou du traité de philosophie De la nature de Zénon, le maître de l’école stoïcienne.
Les salles du musée, au premier étage, renferment assez de trésors pour éblouir le visiteur : une succession d’ouvrages savants, qui parlent d’histoire, de philosophie, de mathématiques et de médecine, mais aussi le plus grand manuscrit arménien au monde (34 kg), dont la confection a nécessité 700 peaux de veau. Le contraste n’en est que plus frappant avec un manuscrit « miniature » de 12 g (3 x 4 cm) exposé dans une autre vitrine. Des évangéliaires du XIe au XVe siècle nous entraînent dans le monde merveilleux de l’enluminure, mélangeant les ors aux rouges vifs, et dont le revêtement de métal et d’or ouvragé rend parfois la couverture plus spectaculaire encore, comme pour cet Évangile de 1255 enchâssé dans un véritable écrin. On peut y voir aussi, un antique manuscrit assyrien ou un manuscrit indien en forme d’éventail sur des feuilles de palmier.
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Avis des membres sur MATENADARAN - INSTITUT DES MANUSCRITS ANCIENS
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