Les icônes russes

Les icônes dominent le paysage artistique russe jusqu’au XVsiècle. L’art ne connaît que les sujets religieux et obéit à des normes perpétuées par les peintres grecs invités à travailler en Russie. La peinture d’icônes atteint un niveau d’excellence avec des maîtres comme Andreï Roublev. Entre autres collections, le Musée russe et la galerie Tretiakov offrent un vaste panorama des images religieuses du XIIe au XVe siècle, dont les écoles de Pskov et Novgorod.

Il faut attendre Pierre le Grand pour que de nouvelles thématiques apparaissent. Le tsar détache Saint-Pétersbourg des influences moscovites en faisant d’elle sa capitale. Moscou demeure le centre de l’art religieux, tandis que Saint-Pétersbourg voit éclore une nouvelle école de peinture. Pour cela, Pierre Ier convie des peintres étrangers à former les artistes russes. Familiarisés avec la peinture allemande, française et italienne, les peintres s’orientent vers de nouvelles directions. Le portrait, en premier lieu, bien que l’influence européenne reste palpable. Ivan Nikitine réalisa plusieurs portraits du souverain dont le frappant Pierre le Grand sur son lit de mort (1725).

Affirmation d’une identité

L’émancipation se poursuit au XIXe siècle. Les formats s’agrandissent et les genres se multiplient : les marines et les fresques historiques aussi saisissantes que L’apparition du Christ au peuple d’Alexandre Ivanov ou Le dernier jour de Pompéi de Karl Brioulov. On considère que ces peintres marquent la naissance d’un art russe. Par la suite, la peinture russe explore la veine réaliste avec notamment Vasily Perov qui aborde des thèmes sociaux comme l’alcoolisme.

Le souffle réaliste conduit progressivement à une peinture sociale revendicatrice, symbolisée par les Ambulants. Sensible à la cause paysanne, ce groupe sillonne la Russie dès 1863 pour éveiller le monde rural à l’art. Parmi ses membres, Ilya Répine (1844-1930) peint notoirement Les Chanteurs de la Volga et Les Cosaques zaporogues écrivant au sultan turc. À la fin du XIXe siècle, 300 mosaïques réalisées par les artistes les plus talentueux de l’époque (citons Nikolai Kharlamov) viennent orner la cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-Sang-Versé. Elles représentent des scènes et des figures bibliques entre des compositions ornementales.

Rayonnement de l’avant-garde

Entre 1885 et 1925, une nébuleuse de mouvements artistiques russes voit le jour. Regroupés sous le terme d’avant-garde, ces courants bouleversent la scène internationale. Un cercle d’artistes novateurs se réunit autour du mécène Savva Mamontov. Il en découle le courant symboliste qui rompt radicalement avec le réalisme. Mikhaïl Vroubel (1856-1910) s’écarte résolument de la tradition sociale et produit une œuvre fantastique qui fait de lui le précurseur de l’art pour l’art. Le musée de l’Avant-garde retrace l’histoire de ce bouillonnement créatif à travers une collection de peintures, dessins, photographies et divers documents uniques.

Le souffle novateur se poursuit avec Kandinsky (1866-1944) qui rejette toute représentation figurative. Composition VII marque en 1913 la naissance de l’abstraction. Autre grande figure révolutionnaire, Malevitch et son Carré blanc sur fond blanc réorientent l’art vers le suprématisme. Le sculpteur Archipenko questionne quant à lui la relation entre les formes et l’espace. Bien que vivant à l’étranger, Marc Chagall manie un vocabulaire poétique profondément attaché à sa terre natale. Associée au cubisme puis au constructivisme, Alexandra Exter fait carrière entre la France et la Russie et peint à la fin de sa vie des miniatures à l’aquarelle. À Saint-Pétersbourg, l’art moderne se découvre à la Nouvelle galerie Tretiakov à Krymsky Val.

Vers la Perestroïka

La révolution de 1917 scinde l’art en deux tendances : l’exil ou le réalisme socialiste. Les canons socialistes imposent de représenter la vie des travailleurs sous un jour favorable au nom de la propagande. Comme les artistes qui ne respectent pas les canons sont interdits d’exposition, ils organisent des expositions d’appartement.

Alexandre Rodtchenko (1891-1956) s’intéresse à la photographie en 1924 après avoir exploré la peinture, le collage puis le photomontage. Nourri par son travail constructiviste, il recherche en photographie de nouveaux angles de vue en collaboration avec sa femme Varvara Stepanova.  

Des artistes proches du Nouvel Académisme, principal mouvement post-Perestroïka, forment l’école de photographie de Saint-Pétersbourg autour de Timour Novikov. Ce dernier, artiste visuel, musicien et théoricien de l’art est considéré comme une figure majeure de l’anticonformisme. En Russie, la photographie entretient un lien particulier avec la politique. Premier d’une lignée de dirigeants ayant favorisé l’essor de cette discipline, Lénine s’en servit comme outil de propagande intérieure et extérieure. Seconde spécificité russe, toutes les classes sociales adoptent très tôt la photographie pour documenter leur pays. Des associations sont fondées dès 1925 pour encourager l’art photographique, perçu comme un moyen de diffuser des messages accessibles au plus grand nombre. Désormais, Saint-Pétersbourg est considérée comme le berceau de la photographie russe. Le Musée de la photographie présente l’histoire de cette discipline des premiers daguerréotypes à nos jours tandis que Rosfoto accueille des expositions temporaires de photographes russes et internationaux.

Lieux d’expression contemporaine

Malgré son fastueux passé, Saint-Pétersbourg propose de nombreux lieux d’exposition consacrés à l’art de notre temps. Le musée d’art contemporain Erarta possède une collection de 3 000 œuvres russes, peintures, sculptures et art vidéo allant de l’après-guerre à nos jours. La galerie d’art Manège, installée dans un ancien manège de la garde montée, met ses 4 500 m² au service de l’art contemporain.
Depuis 2012, le Street Art Museum rassemble fresques, collages et sculptures. Dans le même esprit, le festival annuel Shine met à l’honneur l’art des rues depuis 2015. Le centre de Saint-Pétersbourg étant classé au Patrimoine de l’Unesco, le street art est sérieusement prohibé. Mais il suffit de s’éloigner du centre pour repérer des œuvres laissées par des artistes locaux et étrangers. Pour info : le graffeur new-yorkais Futura a décoré, avec l’accord de la Ville, un skate park dans la rue Vvedenskaïa. Au 29 de la rue Italianskaïa, le Colisée surgit sur une palissade bleue peinte par le groupe « Énergie de la nation ». L’espace alternatif Troisième cluster propose des bars et des showrooms, mais aussi des fresques murales. L’espace Sevkabel Port, haut lieu de la création et du chill out, accueille des festivals de street art dans ses deux hangars.

Parcours le long de la Volga

Depuis des siècles, les artistes russes puisent leur inspiration dans la Volga. Ce parcours est conçu pour découvrir les multiples facettes de l’histoire artistique locale.

À Ouglitch, l’histoire nous donne rendez-vous à l’église Saint-Dimitri-sur-le-Sang-Versé. Elle fut bâtie sur le lieu de l’assassinat du prince Dimitri qui marqua le début des Temps des troubles. À l’intérieur, les peintures illustrent le crime du tsarévitch et le soulèvement populaire. Ivan, le second fils d’Ivan le Terrible est quant à lui mort dans des circonstances mystérieuses. On raconte que son père l’aurait incidemment frappé avec un bâton. Cette scène inspira au peintre Ilia Répine son plus célèbre tableau visible à la galerie Tetriakov.

La cathédrale de la Transfiguration-du-Sauveur aux bulbes verts renferme des ornementations imprégnées de Renaissance italienne ainsi qu’une exceptionnelle collection d’icônes du XVIIe siècle.

Suivons le cours de la Volga jusqu’à Iaroslav, prisée pour ses ornementations murales. En 1658, l’incendie de la ville épargna miraculeusement l’intérieur de l’église du Prophète-Élie. Après quoi, elle fut décorée de fresques signées par deux artistes de Kostroma : Nikitine et Savine. Autour de la splendide iconostase, leurs œuvres illustrent la vie du prophète parmi des scènes de la vie rurale. 

Le musée d’Art présente les icônes de l’école de Iaroslav dont le célèbre Christ Pandokrátor du XIIIe siècle. Également une galerie de portraits anciens de petits bourgeois locaux et une salle d’avant-garde russe. 
Deux sculptures publiques à voir : le monument aux morts qui montre le soldat allié à l’ouvrière. Plus moderne, la sculpture noire de la Trinité réalisée par Mukhin en 1995 à l’occasion du millénaire de l’évangélisation de la Russie. Il émane des trois silhouettes épurées une profondeur bouleversante.

Kostroma est célèbre pour ses églises. Le monastère de l’Épiphanie d’Anastasia abrite l’icône de la Mère de Dieu Fedorov, vénérée par toute la communauté orthodoxe. Datée du Xe siècle, elle accomplirait des miracles et aurait été peinte par l’évangéliste Luc. L’église de la Résurrection de la Debra semble irréelle avec ses façades sculptées et ses fresques colorées. Les insertions qui ornent ses portes à l’effigie d’une licorne, d’une sirène et d’un aigle à deux têtes sont associées à la fête de la Résurrection.

Plus à l’est, la ville de Kazan offre des témoignages de l’ancienne présence musulmane dans le Tatarstan. La mosquée Qolcharif est également un centre culturel qui abrite le musée de la Culture islamique de la Volga.

La Galerie nationale d’art de Kazan est dédiée aux artistes locaux depuis le XIXe siècle. La variété des genres représentés permet de découvrir aussi bien des paysages de la province que les événements majeurs de l’histoire de Kazan.
Dans la cathédrale de l’Annonciation, construite en 1552 sur ordre d’Ivan le Terrible, les fresques racontent l’histoire de la célèbre icône de Notre-Dame de Kazan.
Le musée des Beaux-Arts de la république du Tatarstan est désormais le plus grand musée de la Région de la Volga avec ses 20 000 pièces. Peintures, sculptures, œuvres graphiques et icônes allant du XIVe au XIXe siècle, venues d’Orient et d’Occident ainsi que l’art local du XIXe à l’époque contemporaine.

Direction Samara et son musée des Beaux-Arts qui propose une collection d’œuvres soviétiques des années 1920 aux années 1970 en plus d’une collection unique de peintres russes du XVIIIe siècle et XIXe siècle et des toiles d’avant-garde.

Il faut grimper la plus haute colline de Volgograd pour rencontrer l’une des sept merveilles de la Russie : le Mémorial de Mamaïev Kourgan et sa statue de 8 000 tonnes qui incarne l’appel aux armes de la « Mère Russie ».

Seul musée d’art de Volgograd, le musée des Beaux-Arts a été constitué à partir d’œuvres sélectionnées à l’Ermitage et à la galerie Tretiakov. Il s’est enrichi de legs et d’une collection d’art contemporain ouverte aux artistes locaux.

Dernière étape, la galerie de peinture de Pavel Dogadine d’Astrakan offre un panorama sur les icônes russes du XVIe au XXe siècle. Elle expose également des œuvres des maîtres Kandinsky et Malevitch.