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BAGNE DE SAINT-LAURENT - CAMP DE LA TRANSPORTATION

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Carte de l'emplacement de l'établissement
rue du Lt Colonel Chandon, 97320Saint-Laurent-Du-Maroni, Guyane
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C’est le lieu mythique de Saint-Laurent où tous les bagnards, à leur arrivée de métropole, étaient débarqués. Après une visite médicale, on les répartissait dans les différents centres pénitentiaires de Guyane. À l’entrée du camp, en attendant de faire la visite, on peut profiter d’une exposition photos permanente retraçant l’historique du bagne. Ensuite, le guide, maître des clés, ouvre les portes d’un autre monde et les visiteurs sont littéralement transportés dans ce lieu troublant. Les plus courageux s’imagineront à la place des prisonniers les plus célèbres tels Papillon, Seznec ou Dreyfus. Un endroit émouvant qui fut le lieu de tournage de L’Affaire Seznec (1993) d’Yves Boisset.

Les prémices. En 1644 – année de l'arrivée à Cayenne de messire Charles Poncet – vivent sur le bord du Maroni quelques Français survivants d'une petite colonie installée un an plus tôt. Une première exploration du fleuve a lieu dans les années 1820-1821, sous le gouvernement du baron de Laussat. Elle est suivie de la mission du lieutenant de vaisseau Carpentier, en 1852. Ce dernier écrit dans son rapport du 30 août 1855 : « Quant au Maroni qui limite les Guyanes française et hollandaise, il est de beaucoup supérieur aux autres rivières des Guyanes. L'Amazone et l'Orénoque, seuls, dans cette partie nord de l'Amérique du Sud, l'emportent sur lui. »

Le lieutenant est enchanté par cette région et fait une remarque élogieuse sur l'établissement du sieur Kappler : « Un fait qui se passe à cet établissement doit attirer au plus haut point l'attention des personnes qui s'intéressent à la colonisation de ces belles contrées. Une quarantaine de familles de la Frise se sont établies à Kappler et se livrent à la culture et aux travaux des bois depuis plus de trois ans. Quand je quittai la Guyane, il y a un an, on n'avait pas encore compté un seul malade parmi eux, et pourtant ils travaillaient pendant les heures les plus chaudes de la journée, sans user d'aucune précaution contre l'ardeur du soleil. »

En 1852, le commissaire général Sarda-Garriga a pour mission de rechercher un lieu plus salubre pour installer un établissement pénitentiaire en Guyane. Son choix se fixe sur la rive droite du Maroni, sur les lieux d'un ancien village galibi où s'étaient installés les Boni. Entre juillet 1852 et avril 1853 commencent des travaux devant servir à l'établissement pénitentiaire. Mais le départ de Sarda-Garriga y met fin. Son successeur ne s'intéresse pas au projet et il faudra attendre le gouverneur Baudin pour les terminer. Ce dernier arrive en Guyane en novembre 1855 et prend ses fonctions de gouverneur en février 1856. Pendant ces trois mois, il fait une tournée sur les rivières du Maroni, Mana, Sinnamary et Kourou. Il visite l'établissement de Kappler. Voici la conclusion de son rapport rendu en août 1856 : « J'ai trouvé quelques Européens parfaitement nourris, logés proprement et à l'aise, en aussi bon air qu'il est possible entre les tropiques, et cependant ils n'ont pas été à l'abri de la fièvre. »
Le travail de colonisation commence véritablement en 1858, juste après l'inauguration de la cité pénitentiaire. Saint-Laurent devient alors pénitencier agricole. L'idée de coloniser et de développer l'économie de la Guyane à la manière des Anglais en Australie se concrétise. La région de Saint-Laurent devient un exemple et plusieurs chantiers forestiers sont ouverts, dont ceux de Saint-Jean et de Sparouine. Fier de ce succès, le gouvernement français décide de sédentariser les transportés et, en 1859, arrive à Saint-Laurent un premier convoi de femmes condamnées. Toutes sont volontaires et choisies parmi celles qui ont le plus de chances de retrouver une vie normale. Mais bientôt, la situation sanitaire des bagnes de Guyane étant devenue catastrophique, Napoléon III en décide la suspension et, en 1867, son choix se porte sur la Nouvelle-Calédonie. Pendant vingt ans, Saint-Laurent-du-Maroni ne recevra plus aucun Européen.
En 1859, le manque d'ouvriers spécialisés provoque la fermeture de quatre chantiers. Seuls restent ouverts ceux de Saint-Louis et de Saint-Maurice. En 1878, Saint-Laurent-du-Maroni abrite le siège de l'administration pénitentiaire avant de devenir « commune pénitentiaire spéciale » en 1880.

L'installation du bagne, naissance d'une commune. Le pénitencier de Saint-Laurent est fondé en 1857. Dès 1852, M. Mélinon, l'un des premiers commandants de l'établissement, rêve de faire de cette région une grande exploitation agricole et forestière. La localité, appelée alors Pointe-Bonaparte, abrite quelques indigènes. En 1852, aidé d'une quarantaine d'anciens esclaves de la région de Mana, Mélinon commence à défricher la forêt et obtient par la suite que quelques dizaines de transportés viennent grossir les rangs de ses ouvriers. Venu en tournée d'inspection, le gouverneur de la Guyane, l'amiral Laurent Baudin, décide que la future ville prendra le nom de son patron, Saint-Laurent, ainsi que celui du fleuve auprès duquel elle était construite, Maroni. L'inauguration du centre pénitentiaire, en activité depuis un an déjà, a lieu quelques années plus tard, le 21 février 1858. La même année sont installés tous les services de l'administration pénitentiaire, les bureaux, les hôtels pour le personnel supérieur, les maisons des employés subalternes et des gardiens, ainsi qu'un hôpital de douze bâtiments.

Le 16 mars 1880, un décret fait de Saint-Laurent une commune autonome. Par ce décret, le président de la République, Jules Grévy, décide de l'organisation de la commune pénitentiaire de Saint-Laurent-du-Maroni. L'arrêté est promulgué à Cayenne le 7 mai par le gouverneur Marie-Alfred-Armand Huart, et un directeur de l'administration pénitentiaire est chargé de son exécution. Le territoire pénitentiaire du Maroni prend le nom de « commune pénitentiaire du Maroni ».

Les châtiments. Le tribunal maritime spécial à Saint-Laurent juge seulement les forçats. Il est présidé par un capitaine d'infanterie coloniale qui a pour assesseurs le président du tribunal civil de Saint-Laurent et un sous-chef du bureau de l'administration pénitentiaire. Un autre fonctionnaire du même grade occupe le siège du commissaire-rapporteur, et un surveillant militaire fait office de greffier. C'est lui qui, le moment venu, lit au prévenu l'acte d'accusation. La défense des transportés, bien maigre, est assurée d'une part par les surveillants et d'autre part par toute personne libre qui veut bien remplir ce rôle. La salle des séances est celle du prétoire de la commission disciplinaire : le jour de la session, la porte est ouverte car les audiences sont publiques.

La bastonnade : le nombre de coups est fixé par décret à Paris. Les fouettards, qui sont aussi bagnards, ne font pas de difficultés pour rendre encore plus terribles les supplices, selon l'humeur des gardiens. Le bagnard Maynard parle ainsi du fouettard Ambarrek : « Quand il frappait les condamnés liés au banc fatal, il se hissait sur la pointe des pieds afin que le fouet tombât de plus haut et se pelotonnant tout à coup comme un fauve, il abaissait le fouet à nœuds et le tirait horizontalement. Cet Arabe était le seul correcteur qui du premier coup arrachait avec son fouet à sept lanières des lambeaux de chair écarlate. Sa figure se contractait, ses yeux étincelaient. Il montrait toutes ses dents. Il était épouvantable. » L'arrivée de Jules Grévy à la présidence de la République met fin, au début des années 1880, aux châtiments corporels. On assiste alors à la création du tribunal maritime spécial et à l'institution des camps disciplinaires.

La guillotine : lors de l'abolition des peines corporelles, les deux machines furent placées dans un local du quartier disciplinaire de Saint-Laurent. En accueillant ces deux bascules à mort, Saint-Laurent gagna en importance et sa réputation de capitale du bagne prit son sens. Pour une exécution, les préparatifs commençaient dans la nuit. Bourreaux et aides-bourreaux procédaient à l'érection de la machine. Ils accomplissaient cette tâche dans le silence pour ne pas réveiller les occupants des deux rangées de bat-flanc. À l'aube, le groupe de « porte-clés » venait prendre le condamné. On lui remettait un dernier repas, du rhum, un litre de vin et un paquet de cigarettes. Après cette ultime collation, il était amené au greffe où il retrouvait le directeur, le procureur, le médecin et l'aumônier. Il signait le registre de levée d'écrou, puis était conduit vers la guillotine pour y être exécuté. La Guillotine utilisée pour les condamnations à mort était en permanence à la vue des autres bagnards. Le bourreau était un bagnard volontaire et lui conférait une situation « privilégiée » (primes, repas différents).

Organisation du camp. Les deux bâtiments de l’Administration pénitentiaire. Sur la droite, l’infirmerie, et sur la gauche, le logement des surveillants et des « porte-clés », chargés de surveiller les condamnés et séparés des autres bagnards pour des raisons évidentes de sécurité. Ce bâtiment abrite aujourd'hui une bibliothèque.

Un autre ensemble regroupe la cuisine, la petite chapelle et la salle anthropométrique dans laquelle les médecins étaient chargés de dresser le profil des condamnés pour ensuite leur assigner des tâches correspondant à leur niveau de compétences. On peut apercevoir un peu plus loin les vestiges de latrines, un bassin, un puits et une pompe. Au milieu de la cour se dresse fièrement un grand manguier.

On repérait également les cases doubles et simples réservées aux bagnards condamnés aux travaux forcés ; le Quartier des Relégués (généralement des petits délinquants condamnés pour vol) composé d’un bâtiment collectif pouvant accueillir jusqu’à 40 condamnés et 19 cellules individuelles ; le Quartier des Libérés, détenus dans les mêmes conditions que les relégués ; le Tribunal Maritime Spécial, chargé de juger les délits et crimes commis dans l’enceinte du Camp ; les Blockhaus avec une capacité de 40 bagnards, mais qui en accueillait parfois le double dans des conditions particulièrement pénibles : entrave pour les plus récalcitrants, promiscuité, manque d’air, de lumière et conditions sanitaires spartiates.

Le reste des édifices est réparti ainsi : le Quartier Spécial, regroupant 12 cellules réservées aux condamnés à mort (une fois la sentence tombée, les condamnés attendaient jusqu’à 4 mois avant qu’elle soit exécutée) ; le Premier Quartier, composé d’une vingtaine de cellules pour les bagnards en partance pour les Îles du Salut : le Deuxième, Troisième et Quatrième Quartier étaient quant à eux réservés aux condamnés « difficiles » et isolés des autres par des grilles. Enfin, la cellule 47 est célèbre pour avoir accueilli Henri Charrière dit « Papillon ».

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