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ÉGLISE DE LA MÈRE-DE-DIEU-DE-LEVIŠA

Église - Cathédrale - Basilique - Chapelle
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Sahat Kulla, Prizren, Kosovo
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Cette église orthodoxe serbe du début du XIVe siècle (Kisha e Shën Premtës, Црква Богородица Љевишка/Crkva Bogorodica Ljeviška) renferme de précieuses fresques qui lui valent d’être inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Ancienne cathédrale transformée en mosquée au XVIe siècle, elle a connu une histoire longue et tumultueuse. Endommagée lors des émeutes antiserbes de 2004, elle est de nouveau ouverte au culte lors des fêtes orthodoxes de la Mère de Dieu : 25 mars, 15 août, 8 septembre, 1er octobre et 21 novembre. L’église est accessible ces jours-là et devait être ouverte tout au long de l’année à partir de 2022 ou 2023.

Histoire

L’histoire de cet édifice remonte aux premiers siècles de la chrétienté. L’église suit en effet les plans d’une ancienne basilique byzantine.

Fondation. L’église est fondée en 1306 par le grand roi bâtisseur Stefan Uroš II Milutin (1282-1321) à qui l’on doit notamment la forteresse de Novo Brdo et le monastère de Gračanica. Il a laissé ici une inscription sur l’abside à l’arrière du bâtiment : « J’ai renouvelé ce temple depuis sa toute première fondation. » Car le site a déjà été occupé par une première basilique byzantine à partir des Ve-VIe siècles, une église serbe ou bulgare vers le Xe siècle, une nouvelle basilique byzantine au XIe siècle et une église serbe bâtie dans les années 1210. Pour le roi Milutin, il s’agit d’offrir un siège prestigieux à la riche éparchie (diocèse) de Prizren. Celle-ci occupe alors une place centrale au sein des territoires de l’Église orthodoxe serbe qui a été reconnue comme autocéphale (indépendante) par le patriarcat byzantin de Constantinople en 1219. La nouvelle église est dédiée à l’Annonciation de Marie et elle reprend le nom grec des précédentes églises : Theotokos Éléousa (« Mère-de-Dieu-de-Tendresse »), qui est traduit en slave pour donner Bogorodica Ljeviška. En 1346, l’église est symboliquement élevée au rang de cathédrale.

Construction. L’église, typiquement byzantine, est érigée entre 1306 et 1309 avec des murs en appareil cloisonné alternant la brique et la pierre. Les fresques sont quant à elles réalisées entre 1307 et 1313. Le chantier est confié à deux grands artistes de « l’école de la cour du roi Milutin » : les maîtres Nikola et Astrapas, dont les noms apparaissent dans l’exonarthex. Le premier est un architecte serbe ou grec à qui l’on doit plusieurs réalisations dans les Balkans, dont la magnifique église Saint-Georges-le-Martyr de Staro Nagoričane (Macédoine du Nord), elle aussi commanditée par Milutin. À Prizren, le maître Nikola élabore une église en forme de croix inscrite surmontée d’un dôme principal, de quatre dômes secondaires placés en diagonale et d’un haut clocher en façade. Le plan est dicté par les bâtiments précédents, dont certaines parties sont conservées. L’ancienne basilique à trois nefs devient ainsi une église à nef unique dotée sur chaque côté d’une chapelle latérale. Cette forme peu commune se retrouve toutefois dans l’église des Saints-Apôtres de Thessalonique (Grèce) bâtie juste après celle de Prizren, en 1310, peut-être par le même architecte. Pour ce qui est des fresques, certaines datant des années 1230 sont conservées. Mais la plus grande partie des murs et des plafonds sont décorés par le peintre grec Michalis Astrapas (« Michel l’Éclair », surnom dû au fait qu’il peignait vite) et son frère Eutychios, qui travailleront plus tard au décor du monastère de Gračanica.

Transformations. L’allure générale du bâtiment a peu changé. Toutefois, au début de l’ère ottomane, vers 1517, l’église est transformée en mosquée. Celle-ci prend le nom d’Atik (« vielle » en turc), puis de Juma (« vendredi » en arabe). Le siège de l’éparchie est quant à lui transféré vers une église non identifiée de la ville, alors majoritairement peuplée de Serbes. Un minaret est construit au-dessus du clocher et un mihrab (niche indiquant la direction de La Mecque) est installé dans la partie sud. Les fresques et leurs représentations humaines, profanes au regard de l’islam, sont enduites de plâtre. Mais celui-ci adhère mal et des plaques se détachent. Si bien qu’en 1756, tous les murs sont martelés pour permettre une meilleure adhésion d’une nouvelle couche de plâtre. Au retour du Kosovo dans le giron de la Serbie, en 1912, le bâtiment redevient une église orthodoxe serbe. Le minaret et le mihrab sont retirés, mais l’on pense alors les fresques disparues. Il faut attendre 1950 pour que des scientifiques yougoslaves effectuent des sondages dans les murs et redécouvrent les vieilles peintures. Au bout d’un an de travaux, quelque deux cent fresques couvrant environ un tiers de la surface intérieure réapparaissent, toutes martelées, certes, mais pour la plupart bien conservées. Le 17 mars 2004, l’église est vandalisée lors des émeutes antiserbes : un incendie est déclenché à l’intérieur couvrant tous les murs de suie. Mais deux ans plus tard, au vu de sa valeur artistique et historique, l’église est incluse parmi l’ensemble des « monuments médiévaux au Kosovo » du patrimoine mondial de l’Unesco ainsi que sur la liste du patrimoine mondial en péril. Dans la foulée, l’Unesco obtient des autorités kosovares que les services du patrimoine de la Serbie assurent sa restauration.

Fresques

Il aura fallu quinze ans de travaux pour que les dégâts occasionnés en 2004 soient réparés. Entre 2006 et 2021, sous l’égide de l’Unesco, des spécialistes serbes et italiens de la peinture médiévale se sont relayés au chevet de l’église. Tous les murs ont été nettoyés et consolidés, les fresques, sauvegardées et restaurées. Certaines d’entre elles ont fait l’objet d’un traitement spécial : sur de petites surfaces correspondant au martelage, les parties manquantes ont été reconstituées.

Exonarthex. Ce « pré-vestibule » est placé sous le clocher. Notez sur la première arche à gauche (côté nord) une rare personnification de l’Ancien Testament avec un rhipidion (ange) tenant une sorte de faisceau rouge au sommet duquel apparaît un petit Christ Emmanuel. Sur la voûte droite (sud) subsiste une grande partie d’une très belle scène du Jugement dernier où le Christ semble placé sous des projecteurs. En dessous, les murs sont occupés par des portraits d’archevêques serbes dont tous les visages ont été effacés lors de la conversion du bâtiment en mosquée. C’est presque le seul endroit de l’église où c’est le cas. Ailleurs, les ouvriers du XVIIIe siècle se sont contentés de marteler les fresques sans tenter de les détruire, juste pour faire adhérer le plâtre.

Narthex. Vous pénétrez maintenant dans le « vestibule ». La mezzanine en bois correspond à l’emplacement de la catéchèse où les non-baptisés assistaient à la liturgie (messe). Les fresques qui subsistent en dessous de celle-ci sont consacrées à la dynastie serbe des Nemanjić (1166-1371). En face, à gauche, beau portrait du commanditaire de l’église, le roi Milutin portant l’akakia des empereurs byzantins, un étui de soie pourpre rempli de poussière rappelant aux puissants qu’ils sont eux aussi destinés à redevenir poussière. Avant de pénétrer dans le naos, retournez-vous : sous la mezzanine, le mur ouest est occupé par un grand portrait de famille : Stefan Nemanja, premier roi de la dynastie, entouré de ses deux fils, dont saint Sava, à gauche, fondateur de l’Église serbe en 1219. À côté de celui-ci se tient un personnage tenant un étrange objet blanc. Non, ce n’est pas une antenne satellite. Le jeune homme est en fait un céroféraire, un porteur de cierge.

Naos. C’est sur les quatre paires de piliers que subsistent ici le plus de fresques. Il s’agit de portraits du Christ et de saints (martyrs, guerriers, médecins…). Sur le premier pilier à droite, magnifique portrait de sainte Thédosie. La quatrième paire de piliers diffère : elle ne possède plus que ses fresques du registre supérieur avec l’épisode de l’Annonciation : Marie (pilier à droite) et l’archange Gabriel (pilier à gauche) venant lui annoncer qu’elle est enceinte. En vous retournant vers le narthex, voyez autour de la fenêtre la dormition (mort) de la Mère de Dieu : à gauche, le Christ tient contre lui un bébé emmailloté, symbole de l’âme de Marie.

Dômes. Les calottes des cinq dômes abritent chacune une représentation du Christ. Au centre du naos, le dôme principal est orné du Christ Pantocrator (« Tout-Puissant » en grec). De la main gauche, il tient les saintes Écritures. Les doigts de sa main droite forment le symbole de sa double nature, humaine et divine. Son vêtement bleu est peint à la poudre de pierre de lapis-lazuli, le plus précieux pigment du Moyen Âge. Le second registre est occupé par huit prophètes de l’Ancien Testament. Parmi eux, Daniel se distingue par sa tunique remontée au-dessus des genoux : une évocation des deux épisodes où celui-ci sort indemne de la fosse aux lions. Sous les dômes secondaires, placés aux quatre coins du naos, Jésus apparaît en Christ Emmanuel sous les traits d’un enfant (dôme sud-ouest, à droite après l’entrée), en Christ prêtre à l’allure d’un jeune adulte (nord-ouest), en Christ d’âge mûr (nord-est) et en « Ancien des Jours », représentation byzantine du Christ âgé (sud-est). Sous les dômes du Christ prêtre et le Christ d’âge mûr, notez les belles couleurs des fresques des prophètes et des patriarches de l’Ancien Testament.

Déambulatoire sud. De part et d’autre de la nef, un étroit « déambulatoire » se dessine entre les piliers du naos et les quatre arches des chapelles latérales. Dans le déambulatoire sud, au niveau du dôme principal, l’intérieur de la troisième arche abrite la plus ancienne fresque qui est aussi la dédicace de l’église : la Mère de Dieu de Tendresse et le Christ nourricier. Restaurée dès 1951, elle représente Marie tenant sur ses genoux le Christ enfant qui saisit de la nourriture dans un panier et la distribue au peuple. Cette association de la Vierge Éléousa et du Christ nourricier (aussi appelé « Gardien de Prizren ») est unique dans l’iconographie chrétienne. La fresque appartenait à la précédente église et fut peinte vers 1230 par un artiste inconnu. Deux autres fresques du XIIIe siècle furent quant à elles découvertes dans le narthex en 1951. Elles sont depuis exposées au Musée national, à Belgrade (Serbie).

Chapelle Saint-Démétrios. Le déambulatoire sud donne accès à cette chapelle dédiée à saint Démétrios de Thessalonique, mort en martyr en l’an 306. Ici se trouvait le cœur de la mosquée avec notamment le mihrab vers lequel les fidèles orientaient leurs prières. Toutefois, certaines fresques ont pu être partiellement sauvées. On devine la scène où Démétrios est condamné à mort par l’empereur Galère et celle où Nestor, le disciple de Démétrios, tue Lyaeos, gladiateur massacreur de chrétiens.

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Visité en novembre 2023
Étonnante
Plutôt étonnante cette église trônant fièrement au milieu de la ville ! Très bel édifice, surtout de l'extérieur.

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