LA VIEILLE VILLE

Entrée 10 SDG, à payer au ghaffir, dans la maison à gauche une fois passée l'ancienne porte au bout du pont. La vieille ville, ou simplement l'île de Suakin. Un bout de terre ronde de quelques milliers de mètres carrés, au milieu d'une crique dont le chenal a été élargi au fil des siècles pour accueillir des bateaux de fort tonnage. Toute la crique est avant tout une formation de corail. C'est donc tout naturellement que la structure calcaire séchée de l'animal a servi de matériau de construction pour les bâtiments. Malheureusement, le vent, les embruns et les pluies aidant, cela n'aura pas suffi pour les préserver de l'effondrement.

Selon la légende, Suakin a été, depuis les temps du roi Salomon, le lieu de bannissement de djinns, ces démons malfaisants que nombre de Soudanais craignent encore aujourd'hui. Une triste réputation qui collait assez bien à son statut de port négrier durant plusieurs siècles. Quelle injustice pourtant pour cette île qui fut tout de même un point de passage important sur la route des Indes, avant la découverte du cap de Bonne-Espérance par les Européens et la mainmise ottomane sur la région côtière, au XVI^e siècle. Des marchands d'Europe et d'Asie s'y étaient établis. Sa localisation en faisait également le grand port africain sur la route de La Mecque. Mais, à la fin du XIX^e siècle, lorsque les Anglais investissent la région, ce n'est déjà plus qu'un village en marge du reste du monde.

Nous vous conseillons, si vous avez l'occasion avant de venir, de voir des photos de l'île datant du début du siècle dernier. Le contraste ensuite n'en sera que plus saisissant. La ville a été abandonnée, elle donne l'impression d'avoir été bombardée, mutilée. Nombre d'habitants ont été forcés de gagner Port-Soudan. D'autres sont restés et se sont installés sur le continent. Quelques bâtiments conservent toutefois une forme qui permet de les distinguer des ruines quelconques alentour.

Les deux petites mosquées tout d'abord, Shafai et Hanafi. Difficile de les dater avec certitude, mais il est fort possible qu'elles soient celles décrites par les Portugais, il y a de cela plus de 400 ans. La mosquée Hanafi (la plus à l'est) est l'objet d'un sérieuse restauration. Et il y a du boulot ! Les maisons ottomanes à deux étages, avec leur moucharabieh typiques de la mer Rouge, ont disparu. L'ancienne résidence du gouverneur de la Sublime Porte devait être la maison de Khorshid Effendi, au nord-est de l'île, près du bâtiment de la Banque d'Egypte, en "meilleur" état que les autres. Kitchener s'était fait tirer le portrait avec ses officiers dans cette maison avec un "diwan" ouvert (pièce d'apparat où se tenaient les audiences), tout de stuc décoré. A l'ouest de la mosquée Shafai, les bâtiments, vraisemblablement à vocation portuaire (des entrepôts ?), sont aussi intéressants. A côté, une maison (un palais officiel ?) a partiellement conservé son étage et son double escalier, qui tombe quand même en ruine et donne… sur le vide. Une superbe décoration de porte en stuc est tout de même encore visible à l'intérieur.

Sur le continent, ne manquez pas de faire un petit tour le long de la crique. Dans la ville "nouvelle", la mosquée Taj as-Sir (la plus proche de la vieille porte de la ville) mérite que l'on s'y arrête.