CINCINNATI OBSERVATORY

Un bel endroit pour un joli observatoire ! Telle pourrait être la définition de l'observatoire de Cincinnati tellement il conjugue à merveille astronomie ancienne et écrin architectural savoureux. Nichés dans un parc au bout d'une impasse, ses bâtiments et coupoles s'intègrent parfaitement au quartier résidentiel environnant, avec ses grandes maisons de style victorien qui bordent l'allée principale. Le "Centre de l'observatoire de Cincinnati" est en fait connu pour être le "berceau de l'astronomie américaine" ! Il abrite en effet l'une des plus anciennes lunettes astronomiques professionnelles du pays et fut le premier observatoire public de l'hémisphère occidental. Rien que ça ! Récemment restauré à l'identique, il est entièrement fonctionnel, utilisé quotidiennement par les astronomes comme par le public ou les amateurs. Ses principaux instruments sont une magnifique lunette Merz & Mahler de 280 mm de diamètre, datant de 1842, et une lunette Alvan Clark & Sons de 406 mm datant de 1904 ! Les bâtiments de l'observatoire ont été déclarés "monuments historiques nationaux".

Son histoire commence en 1842 quand Ormsby MacKnight Mitchel, professeur à Cincinnati, popularise l'astronomie auprès du grand public. Il décide de collecter des fonds pour l'acquisition d'un télescope et la construction d'un bâtiment dédié. Il fait un véritable porte-à-porte, démarchant sans relâche toutes les bonnes volontés disponibles. En un mois et demi, il recueille près de 7 500 $, une belle somme suffisante pour acheter une lunette chez un fabricant réputé européen. C'est finalement à Munich, en Allemagne, qu'il découvre un objectif de 280 mm de diamètre, d'une qualité remarquable, déjà fabriqué mais jusqu'à présent jamais utilisé. Pour accueillir cette pièce rare, il fait construire un tube en laiton et en acajou et, une fois l'ensemble terminé, commence un long acheminement jusqu'à la ville de Cincinnati, via la Nouvelle-Orléans et les rivières du Mississippi. L'observatoire se trouve à l'origine au sommet du mont Ida (renommé par la suite mont Adams, en hommage à l'ancien président des États-Unis venu poser la première pierre de sa construction), et le 9 novembre 1843 une foule immense assiste à l'inauguration de l'observatoire baptisé "Le phare du ciel". Lorsque la lunette voit sa première lumière le 14 avril 1845, elle est alors la plus grande lunette de l'hémisphère occidental et la troisième plus grande au monde. Dès le début, l'observatoire de Cincinnati s'avère unique car accessible non seulement aux nombreux actionnaires qui ont permis sa construction, mais aussi au public. En 1873 hélas, il doit déménager d'une dizaine de kilomètres pour échapper à la pollution lumineuse du centre-ville ! C'est l'architecte Samuel Hannaford qui conçoit le nouveau bâtiment de style renaissance grecque. En 1904, une nouvelle lunette astronomique est installée, cette fois de 406 mm de diamètre. Après la Seconde Guerre mondiale, l'observatoire reste actif grâce aux efforts de l'un de ses directeurs, Paul Herget, qui devine l'intérêt croissant pour l'utilisation de machines informatiques électroniques dans les calculs astronomiques. En 1979, le site devient officiellement membre du Département de Physique de l'Université de Cincinnati. Dans les années 1980, les deux lunettes, tombées quelque peu en désuétude, sont restaurées par des passionnés, amoureux du lieu. Mais dans les années 1990 c'est la douche froide : les propriétaires des bâtiments ainsi que l'Université de Cincinnati envisagent de vendre le terrain à des promoteurs immobiliers ! Il faut tout le courage des habitants de la région, historiens, astronomes amateurs et professionnels pour que le site soit sauvé ! Si bien qu'en 1999, l'observatoire de Cincinnati devient un centre d'éducation astronomique. Le public est au rendez-vous ! La proximité de la ville n'est plus un handicap, mais un avantage pour les citadins, les familles, les écoliers de la région, etc. Cet observatoire est le symbole même de la reconversion réussie, et doit servir de modèle pour de nombreux autres qui, à travers le monde et en France notamment, végètent et se complaisent dans leurs microcosmes feutrés, entre personnels scientifiques discrets et fonctionnaires tranquillement casés. Voilà un lieu scientifique accessible à tout le monde, facilement, et qui offre aux néophytes le bonheur de pouvoir observer dans des instruments prestigieux !