MONUMENT AUX HÉROS DU KOSOVO

Installé sur une colline à 50 m au-dessus de la plaine, ce monument (Monumenti memorial i Gazimestanit, Spomenik kosovskim junacima na Gazimestanu) commémore la bataille de Kosovo Polje (1389). Constitué principalement d’une tour avec plateforme panoramique, ce symbole de l’identité serbe a été réalisé durant la période socialiste, en 1953. Ni l’œuvre ni la vue ne sont réellement intéressantes, mais on est ici au cœur de l’histoire et dans un haut lieu du nationalisme serbe. C’est ici qu’en 1989, le président serbe Slobodan Milošević prononça le célèbre « discours de Gazimestan » annonciateur des guerres de Yougoslavie. Placé sous haute protection, l'endroit n’est pas désigné de la même manière par les Serbes (« monument aux héros du Kosovo ») et par les Albanais (« monument mémorial de Gazimestan »).

Histoire

Depuis plus de six siècles, les Serbes célèbrent ici ce qui est devenu leur fête nationale : Vidovdan, le « jour de la Saint-Guy » qui marque chaque année, le 28 juin, le souvenir de la bataille de Kosovo Polje.

Anciens monuments. Un premier monument fut érigé ici dès 1402 par Stefan Lazarević, fils de Lazar Hrebeljanović, le prince serbe qui mena la coalition balkanique face aux Ottomans en 1389 et qui fut canonisé par l’Église orthodoxe serbe. Cette colonne de marbre a disparu durant la période ottomane, mais une reproduction est visible sur le site. Après 1912, lorsque le Kosovo redevint une province serbe, fut lancé l’ambitieux projet d’un « temple de Vidovdan » confié au grand sculpteur croate Ivan Meštrović (1883-1962). L’idée fut cependant abandonnée du fait de la Première Guerre mondiale. En 1924, un nouveau monument fut érigé : un petit obélisque surmonté d’une croix dédié aux « héros du Kosovo ». Le site devint le lieu de grands rassemblements serbes. Mais après l’invasion allemande de 1941, l’obélisque fut détruit par les fascistes albanais.

Monument actuel. Au début des années 1950, les autorités socialistes confièrent un nouveau projet à l’architecte serbe Aleksandar Deroko (1894-1989). Ami de Picasso, c’est notamment à lui que l’on doit la cathédrale Saint-Sava de Belgrade (1939). Achevé en 1953, le monument devint à son tour un important lieu de commémoration pour les Serbes, attirant en moyenne 100 000 personnes pour la fête de Vidovdan.

Discours de Gazimestan. Le 28 juin 1989, pour les six cents ans de la bataille et en pleine montée des nationalismes, un million de personnes se rassemblèrent ici pour écouter le nouveau président serbe Slobodan Milošević. Dans un discours fleuve au ton patriotique, quelques phrases apparurent a posteriori comme annonciatrices des guerres qui allaient secouer la Yougoslavie : « Je vous promets que de nouvelles batailles attendent les Serbes », mais aussi « Je garantis le droit des Serbes à vivre réunis entre eux dans un seul État ».

Depuis 1998. Le monument fut relativement épargné par les nationalistes albanais durant la guerre du Kosovo (1998-1999). Gardé par les soldats de l’Otan jusqu’en 2010, il est depuis cette date sous la responsabilité de la police kosovare. Des rassemblements et messes en plein air continuent d’y être organisés chaque 28 juin, comme en 2014, avec un discours d’apaisement tenu par le président serbe Tomislav Nikolić.

Visite

Une fois passé le contrôle de sécurité, il faut poursuivre à pied sur 40 m jusqu’au monument conçu par Aleksandar Deroko.

Architecture. Une rampe d’accès en pierre monte jusqu’à un terre-plein, lui-même dallé de pierres et composée de deux carrés entrelacés formant une étoile à huit branches, l’une des branches étant masquée par la rampe. Au centre du terre-plein se dresse une tour en pierre taillée inspirée des donjons du Moyen Âge qui s’élève à 25 m de hauteur. Elle est cernée de six cylindres biseautés en béton.

Inscription. Dans une niche, au pied de la tour, est inscrit en serbe (cyrillique) le poème La Malédiction du Kosovo : « Quiconque est serbe et de naissance serbe / Et de sang et de culture serbes / Sans venir à la bataille du Kosovo / Puisse-t-il ne jamais obtenir la descendance que son cœur désire ! / Ni fils ni fille / Puisse rien ne pousser de ce que sème sa main ! / Ni vin sombre ni blé blanc / Et puisse-t-il être maudit de siècle en siècle ! » Si la tradition attribue ce texte au prince serbe Lazar Hrebeljanović, mort à la bataille de Kosovo Polje (ici appelée « bataille du Kosovo »), cette version nationaliste a été rédigée au XIX^e siècle.

Plateforme panoramique. Le sommet de la tour est accessible par un escalier intérieur d’une centaine de marches. On domine alors la plaine d’environ 75 m de hauteur. Mais la vue n’est pas palpitante et l’horizon est le plus souvent bouché par des fumées grises. Une plaque en bronze indiquant le déroulement de la bataille est placée en direction du lieu supposé de l’affrontement, aujourd’hui occupé par la tour de refroidissement de la très polluante centrale électrique « Kosovo B ».

À côté du monument. Dans l’enceinte entourée de grillage, se trouve la reproduction de la colonne érigée en 1402 par Stefan Lazarević. Elle est située à l’ouest, sur l’herbe et derrière les arbres. Le texte gravé sur le marbre blanc reprend la célèbre Inscription du pilier du Kosovo (Natpis na Kosovskom stubu) narrant la bataille de 1389. Celle-ci est considérée comme un des premiers textes de la littérature serbe.