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Bien que la Constitution de 1978 soit laïque et ne reconnaisse par conséquent aucune religion officielle, l’Espagne reste un pays fortement marqué par la tradition chrétienne catholique. Cependant, la religion, très présente et très pratiquée jusque dans les années 1970, est actuellement en perte de vitesse : environ 78 % des Espagnols se considèrent catholiques, mais seulement 26 % d’entre eux se déclarent pratiquants. Le protestantisme et l'islam, bien que minoritaires, sont également des cultes que l'on retrouve dans l'île. Mais avant le christianisme, Ibiza – et plus généralement les Baléares – ont été occupés par d'autres civilisation dont l'héritage demeure mystérieux, nécropoles puniques en tête. À Ibiza, le folklore est riche d'histoires captivantes, mais aussi de mystères. D'aucuns diront que l'île d'Es Vedrà possède un magnétisme inouï, tout comme le lieu-dit Atlantis, où bien des hommes auraient reçu des révélations...

Christianisme et célébrations traditionnelles

La plupart des Espagnols sont catholiques, au moins de tradition si ce n’est de confession, et pour ce qui est de la religion, les habitants d'Ibiza se comportent à peu près de la même manière que les péninsulaires. Les mœurs évoluent toutefois, et les bancs des églises sont de plus en plus vides, notamment lors des messes dominicales. De fait, un bon quart des Espagnols se déclarent athées et les occasions de se rendre à l'église se résument aux moments de célébrations – qui a bien des égards sont plus des rassemblements sociaux que réellement religieux – que sont mariages, enterrements et baptêmes. Le catholicisme continue toutefois de jouer un rôle déterminant dans le déroulement de l'année. En effet, en plus des nombreux jours fériés à caractère religieux rythmant le calendrier, la Fiesta de los Reyes de Oriente (fête des rois, début janvier) ou la Semana Santa (semaine de Pâques) sont des moments d'authentique ferveur religieuse. Les villes et villages de l'île – portant tous le nom de saints à l'exception d'Eivissa et de Jesus – célèbrent également chaque année en grandes pompes leurs fêtes patronales : ce sont des moments importants où petits et grands se rencontrent dans l'espace public et rendent hommage dans un esprit de fête bon enfant au saint patron de leur localité.

Ainsi, on célèbre le défilé des Rois Mages (Cavalcada de Reis) qui, le 5 janvier, apportent des cadeaux aux enfants sages ; on rend grâce à saint Antoine le 17 janvier à Sant Antoni de Portmanyà et à sainte Agnès le 21 janvier dans la ville de Santa Agnès de Corona ; on monte d'incroyables processions lors de la Semana Santa (Pâques) ; on loue la Verge del Carme, protectrice des marins-pêcheurs, dans tous les ports des Baléares le 16 juillet, et même en mer ; la ville d'Eivissa est prise d'hystérie le 5 août pour célébrer Santa Maria de la Nieves, sainte patronne de la ville, puis à nouveau trois jours plus tard autour de la figure de San Ciriaco, patron de l'île...

Autres religions et cultures préchrétiennes

À ces célébrations religieuses se mêlent des fêtes païennes plus anciennes, incorporées ensuite dans le catholicisme, à l'image de la Nit de Sant Joan, le 24 juin, grande fête païenne glorifiant l'arrivée de l'été. Notons par ailleurs, du fait de l'arrivée de nombreux ressortissants de pays étranger, la pratique d’autres religions comme l’islam ou le protestantisme qui, bien que minoritaires, ont également leurs adeptes et leurs propres lieux de culte dans l'île.

Le bouddhisme, apporté par les hippies passés par Katmandou dans les années 1960, a également sa place sur Ibiza, dans sa version européanisée et quelque peu édulcorée. Des spiritualités variées, plus au moins associées au bouddhisme et au mouvement zen, ont naturellement trouvé un terreau fertile sur cette île de liberté. Enfin, quelques sectes se trouvent implantées à Ibiza, tels que les Témoins de Jéhovah, les Bahaïs ou encore l'Église mormone.

Mais Ibiza et les îles Baléares, avant l'arrivée de la chrétienté, ont été habitées par diverses civilisations possédant leurs propres croyances qui ont laissé derrière elles quelques vestiges : les nécropoles et leurs milliers de sépultures datant de l'époque phénicienne-archaïque (VIIe siècle av. J.-C.) telles que celle de Puig des Molins (Ibiza) ou de Punta dels Fenicis (Majorque) d'où les archéologues ont pu extraire divers objets liés à des rites funéraires.

Concernant ces amulettes puniques (civilisation carthaginoise), pièces d'os taillées ou colliers de perles et de cloches de bronze à la typologie clairement égyptienne, la plupart ayant été retrouvées dans des tombes d'enfants, l'hypothèse la plus vraisemblable consiste à affirmer qu'il s'agissait de fétiches censés protéger les plus jeunes, et donc les plus faibles, des maladies. De l'époque punique nous vient également le figure de Tanit, déesse d’Ibiza.

Quelques légendes d'Ibiza

L'histoire d'Ibiza regorge de témoignages sur d'étranges cultes, vols de sorcières et apparitions d'OVNI. Chacun a sa version et n'hésite pas à ajouter sa petite touche personnelle : il n'est en effet pas rare de recueillir pour un même sujet une bonne vingtaine de versions différentes. Tel est notamment le cas du culte voué à la déesse Tanit, sur l'île. Ibiza ayant été occupée par de nombreuses civilisations (Phéniciens, Carthaginois, Romains, Vandales et Arabes), on retrouve dans le folklore ibicenco une grande mixité due aux legs de ces diverses cultures, avec tout de même une nette prédominance de légendes mâtinées de christianisme. Voici quelques-unes des histoires et légendes les plus remarquable de l'île blanche.

La déesse Tanit. La grande dame de Carthage est aussi la déesse d'Ibiza. Vraisemblablement importé par les Cathaginois lors de leur occupation pré-antique de l'île, son culte était assimilé à celui de Ba'al Hammon (le dieu principal de Carthage, lui-même associé au culte de Cronos/Saturne). Selon Diodore de Sicile, historien grec du Ier siècle avant J.-C., le sacrifice humain faisait partie des pratiques lorsqu'on lui rendait hommage. Sans que le fait n’ait jamais pu être avéré, des urnes funéraires abritant des ossements d'enfants mêlés à ceux d'animaux,, découverts sur Ibiza ont tendance à appuyer cette thèse. À l'époque de Diodore de Sicile, il semblerait également que l'île ait eu la réputation d'une terre sur laquelle on s'adonnait à une sorte de prostitution sacrée sous la figure de Tanit. Rumeur ou vérité ? Quoi qu'il en soit, bien longtemps après la chute de Carthage, la déesse a continué à être honorée à travers l'ensemble du bassin méditerranéen, des Berbères d'Afrique du Nord aux Romains, qui l'associèrent à leur déesse Junon (reine des dieux et protectrice du mariage et de la fécondité). On pourra se rendre du côté de la Cala de Sant Vincent (Punta Grossa) pour se rendre aux pieds de la grotte d'Es Cuieram : au creux de la caverne a été découvert, en 1907, un temple carthaginois dédié à la déesse Tanit.

La légende des fameliars. Selon la légende, il existerait du côté de Santa Eulària des petits êtres particulièrement laids, doués d’une force de travail absolument stupéfiante : les fameliars. Pour en capturer un, il faut se rendre sous le Vieux Pont de Santa Eulària, équipé d’une bouteille noire dans laquelle on aura préalablement versé un peu d’eau bénite, et de cueillir une fleur scintillante qui n’apparaît qu’en ce lieu la nuit précédant la fête de la Saint-Jean, pour l’introduire dans le récipient. Quelque temps plus tard, un fameliar y naît, que le propriétaire peut libérer à volonté en s’assurant de pouvoir assouvir l’appétit féroce de ce petit être devenu son serviteur, à savoir, lui fournir en colossales quantités du travail ou de la nourriture. Car, à peine sorti de la bouteille, le fameliar réclame bestialement « Feina o menjar ! » (« travail ou nourriture ! ») et ne se calme qu’une fois l’une de ses deux requêtes satisfaites. Dans le cas où le maître du fameliar se trouve dans l’incapacité de lui procurer une quantité de nourriture à hauteur de son appétit ou bien une masse de travail à la hauteur de sa force, le fameliar dévore l’intégralité du garde-manger. L’unique solution pour éviter une telle calamité serait de demander au petit être d’accomplir une tâche impossible... Le long de la rivière de Santa Eulària serpente un petit chemin le long duquel on pourra croiser quelques fameliars… statufiés !

Es Vedrà et ses légendes. La région sud-ouest d'Ibiza a toujours été féconde en mythes et légendes : on y rendit un culte à la déesse Tanit, on y chercha les sirènes de la cité engloutie de l'Atlantide, mais aussi, avec l'arrivée de la new wave, des OVNI, dans les profondeurs marines. Si la science a tendance à réfuter toutes ces hypothèses, l'expérience vécue par un moine quelque peu anticonformiste de l'ordre du Carmel sur l'îlot d'Es Vedrà en 1864, est, elle, tout ce qu'il y a de plus historique. Francisco Palau (1811-1872), élément devenu gênant pour l’Église en raison de ses idées peu conventionnelles, fut envoyé à Ibiza en 1854 par les autorités ecclésiastiques, où il fit un ermitage dans une grotte du côté d'Es Cubells. Début 1864, il est décidé à s'investir à nouveau dans la vie de la cité, avec comme objectif d’exorciser les paysans impies de l'île. Bientôt las de sermonner le tout-venant et aidé par un ami pêcheur, il se retire dans une grotte d'Es Vedrà, s’adonnant pleinement à la méditation. C'est alors que lui vient une série d'intenses révélations nocturnes qu'il compilera plus tard dans un recueil mêlant le thème de l'autotransformation extatique à un symbolisme lié au jardinage, activité que les habitants de l'île portent en haute estime. Francisco Palau devint alors une figure importante de l'île et son premier ermitage d'Es Cubells se convertit en un important lieu de pèlerinage. Le moine sera béatifié en 1988.

Le bouddha d'Atlantis. À une centaine de mètres au-dessus des piscines naturelles du lieu-dit Atlantis, partiellement dissimulé derrière des branches de genévriers, on trouve l'un des trésors cachés d'Ibiza : une immense peinture circulaire imprimée à même la roche représentant un bouddha. La rumeur dit qu'elle aurait été réalisée par un vétéran du Vietnam d'origine japonaise, à en juger par la date qui accompagne le dessin, 1979, écrite en idéogrammes nippons. Il s'agit en réalité d'un Bodhisattva de la compassion aux multiples bras qui devint dans les années 1980 un symbole de l'île. En 2011 toutefois, l'œuvre a été vandalisée à grands coups de bombes de peinture, que des admirateurs du bouddha ont par la suite minutieusement reproduit. Aujourd'hui encore, le lieu est un sanctuaire pour qui cherche la paix et il n'est pas rare d'y croiser des apprentis méditant en position du lotus. Il n'en reste pas moins que le mystère demeure autour de l'auteur du bouddha d'Atlantis. Tout ce que l'on sait, c'est qu'il se nommait Mabo et qu'il avait quelque chose à voir avec l'île de Kyushu.

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