Une gastronomie méditerranéenne de caractère, issue de l'aussi fertile qu'insolite rencontre des cultures catalane, arabe, française et anglaise, voilà une des définitions possibles de la sereine Minorque. Si de nos jours la fusion a la vent en poupe dans les diverses cuisines du monde - quelques très bonnes adresses d'inspiration italienne, japonaise et indienne émaillent d'ailleurs les villes et littoraux de l'île -, les recettes centenaires et le savoir-faire menorquín demeurent, pour notre plus grand plaisir, la norme. Pour se mettre en appétit, citons quelques plats - mondialement connus - comme la caldereta de llagosta (soupe de riz à la langouste), et dont l'existence est manifestement une raison suffisante pour que les marins sillonnant la Mare Nostrum fassent escale dans les ports de l'île. La mayonnaise est originaire de l'île elle aussi. Oui. La mayonnaise ! Lorsque les Français conquièrent Minorque en 1756, le cuisinier du maréchal alors en charge des troupes a l'audacieuse idée de supprimer l'ail à la recette du typique all-i-oli, et baptise cette nouvelle sauce "mahonnaise" en hommage à la ville de Maó, actuelle capitale de l'île. Cette simple anecdote en dit long sur la culture culinaire de l'île : des influences historiques et des traditions profondément ancrées, des produits frais et locaux et un élan naturel pour l'inventivité et l'expérimentation. Aujourd'hui, Minorque plus que n'importe quelle île des Baléares est une authentique destination gastronomique, une mosaïque de saveurs, abordables pour tous les budgets, mais aussi à n'importe quelle période de l'année. Nouez-donc votre serviette autour du cou, voulez-vous ? Et suivez-nous pour une exquise mise-en-bouche.
Une journée-gourmette à Minorque
Le soleil se lève à peine que déjà aux quatre coins de l'île les troquets de Maó, Ciutadella, Alaior ou de Fornells s'ébrouent paresseusement au son du tintement des cafetières. Visiteurs et locaux se croisent autour d'un tallat (ou cortado, café noisette) accompagné d'une ensaimada (pâtisserie sucrée la plus fameuse de Minorque) ou d'un solide entrepà (ou bocadillo) de sobrassada, pendant que pêcheurs et paysans à la peau tannée perpétuent la tradition du ginet, surnom affectif du très bon gin local (héritage britannique). La tradition veut d'ailleurs qu'on le mélange avec de la limonade maison lors des festivités populaires de village. A Ciutadella, la cathédrale Santa Maria sonne les douze coups de midi, de concert avec l'église du même nom à Maó. Le signal est donné : c'est l'heure de s'attabler pour un picoteo ou un repas plus consistant. On optera pour la terrasse de l'un des bars de centre-ville ou peut-être pour la pergola ombragée d'un chiringuito de la côté sud, avant de jeter un oeil au menu. Produits de mer comme de terre abondent : sèpia amb pèsols (seiche aux petits pouis), pop amb ceba (poulpe à l'oignon), caragols amb "cranca" (escargots farcis avec crabes, une recette unique et excellente), "trunyelles de be" (intestins d'agneau tressés, toute l'essence de la tradition rurale minorquine concentrée dans une assiette !) ou encore les sensationnelles aubergines farcies a la menorquina, une recette typiquement estivale et on ne peut plus adaptée à la saison. Il existe à Minorque une coutume qui a plutôt bien traversé les âges : celle de la collation de milieu d'après-midi, que l'on nomme ici "fer sa bereneta". Ici encore, terrasses de bistrot et autres bars de plage se prêtent parfaitement à l'heure du goûter. Les becs sucrés pencheront volontiers pour un assortiment "dolç", pâte d'amande et cabell d'àngel - à l'indiscutable ascendance arabe -, pendant que les amateurs de saveurs salées jetteront leur dévolu sur une tartine ou un substantiel sandwich garni de l'antique et emblématique fromage Queso Mahón-Menorca, et de quelques fines tranches de charcuterie de l'île.Puis vient l'heure magique du crépuscule. Après avoir, face à un splendide coucher de soleil, siroter un cocktail de gin ou un verre de vin de Ferreries, Es Mercadal, Es Migjorn Gran, Sant Lluís ou Es Castell - aux arômes à la fois masculins et enjôleurs -, le principale difficulté à laquelle le visiteur devra faire face est celle du choix du restaurant. En effet, Minorque, en plus de jouir d'une fantastique quantité de produits de qualité, est peuplée de fins gourmets pour qui se rendre au restaurant est une activité à part entière, ou plutôt, une pleine expérience sensorielle. Les adresses sont aussi nombreuses qu'éblouissantes tant par le décor que par l'atmosphère : tantôt chic et épurées, tantôt plus populaires et décontractées, dans un port, au creux d'une maison de campagne du coeur de l'île ou bien à même la plage, les possibilités sont vastes. Et ça, c'est sans parler du menu. De la gastronomie classique exécutée dans le plus grand respect des recettes du terroir jusqu'à sa version la plus contemporaine (les chefs ne manquent ici ni de flair ni d'intrépidité), les influences du monde méditerranéen sont bien réelles, et en perpétuelle mutation. Un repas léger et sain, une délicate séance de dégustation... ou peut-être un festin ? Il n'y a qu'à choisir, puis se laisser porter.
Des plats et des produits uniques
La pâtisserie est un élément essentiel de la culture culinaire minorquine, fruit de l'influence des cultures arabe, française, anglaise et catalane. La recette de ces biscuits et gâteaux sucrés-salés s'est précieusement transmise de génération en génération par les habitants de l'île, au point de devenir, pour certaines, de véritables symboles de Minorque. Citons ici les célèbres flaons i formatjades, sortes de beignets (composés de farine et de graisse de porc), que l'on remplit de garnitures variées (viande, poisson, fromage); les crespells, préparés de la même manière mais présentés sous forme de fleur et cette fois garnis de sobresada ou de figat (confiture de figue de l'île); les pastissets (version miniature du précédent) ou encore les cocas, elles aussi se déclinant sous de multiples formes. Toutes ces douceurs se déclinent de bien des manières, répondant au calendrier des fêtes patronales qui ponctuent le cour de l'année. Côté salé, les carnivores devraient trouver leur bonheur à Minorque, et la fraîche saison est une période tout indiquée pour y faire quelques découvertes culinaires inespérées. On y célèbre en effet l'arrivée de l'hiver avec les annuelles porquetjades, c'est à dire le moment ou les porcs sont tués avant d'être transformés en de délicieuses salaisons, génériquement appelées embotits : sobrassada, carn-i-xulla, camot et botifarrons. La variété autant que la finesse de ces préparations aux origines multicentenaires mettra plus d'un palais français à l'épreuve autant qu'ils les raviront. Last but not least, le fromage de Minorque vient clore cette gourmande trilogie. Les verts pâturages de l'intérieur de l'île, flanqués de tranquilles maisons blanches et parcourus par des troupeaux de vaches non moins paisibles ne sont pas là pour rien. Les archéologues estiment que la consommation de fromage sur l'île remonte, au bas-mot, à l'an 417 ! C'est dire si la relation des locaux aux produits lactés est ancienne. La fabrication du Queso Mahón a pris de l'ampleur au fil du temps et au XVIIIe siècle, des bateaux entiers se dédiant alors au seul commerce de ce fromage, principalement en Méditerranée occidentale. Aujourd'hui, il est une des richesses gastronomique de l'île, plébiscité sur place comme dans le reste de l'Europe, et se déguste selon trois formules : sec, semi-sec et curat. Un incontournable.Festivités : une culture culinaire bien vivante
Apprécier un bon plat est une chose. Le savourer dans un cadre aussi superbe que l'embouchure du port de Maó ou de Ciutadella, le cadre verdoyant d'une masia en vieilles pierres environnée de vallées bucoliques, ou encore sur la terrasse d'une crique confidentielle en est une autre. Mais célébrer la gastronomie comme le fait Minorque saison après saison, voilà qui démontre l'attachement des habitants aux bonnes choses de la vie. L'année commence sur les chapeaux de roues avec en février les Journées Gastronomiques du Poisson, à l'occasion desquelles les restaurants participants donnent le meilleur d'eux-mêmes pour épater les gourmands amateurs de saveurs iodées ; le festival Menorca al Plato (Minorque dans l'Assiette) se tient pendant 10 jours au mois de juin et permet de goûter à tout un panel de spécialités îliennes midi et soir à prix réduits ; en décembre arrive la célébration dite d'Els Dimecres es dia de Brou ("Le Mercredi, c'est jour de Brou") et met à l'honneur le Brou ou Bullit, un succulent ragoût de poisson bien chaud, parfaitement adapté au frais climat hivernal. L'Oliaga est un autre plat chaud typique - à base de produits potagers et qui se déguste principalement en été - et qu'on aura l'occasion de goûter lors de l'estival événement Ruta del Oliaiga.
Si un pays se connait par ses saveurs, Minorque a très certainement quelque chose - dans ses terres comme dans ses eaux - qui fricote avec le nectar et l'ambroisie. Quelque chose comme un petit paradis pour les gourmets.
Pour plus d'infos concernant les établissements, recettes et les événements gastronomiques de l'île, consulter le site de l'Asociación menorquina de cafeterías, bares y restaurantes : www.gastronomiamenorca.es ou par email info@gastronomiamenorca.es