Xoriguer, une histoire qui ne date pas d'hier
Un peu comme toutes les pratiques qui ont fini par devenir des traditions, la fabrication du gin sur l'île de Minorque est le fruit d'une histoire ancienne. Conçu selon une recette datant du début du XVIIIe siècle (1736 exactement) dans des alambics en cuivre à peine plus jeunes que la recette elle-même, le gin minorquin est une affaire d'artisanat. Autant de spécificités qui ont valu au gin Xoriguer d'être labellisé comme produit d'origine géographique de la baie de Maó, sous l'appellation « Gin de Maó ». Si aujourd'hui on produit une belle quantité de ce spiritueux sur l'île et qu'on l'exporte dans toute l'Europe (Espagne, Italie, France, Allemagne, République tchèque, Danemark, Suède, Hollande, Suisse, Andorre et Angleterre), mais aussi vers l'Amérique (Etats-Unis, Chili et Pérou), le Pacifique (Australie et Nouvelle-Zélande) et même l'Asie (Japon, Malaisie, Singapour, Thaïlande et Taïwan), il n'en a pas toujours été ainsi. Revenons donc quelques siècles en arrière.
Il y a plus de trois cents ans, le port de Maó, en raison de sa position stratégique en Méditerranée, mais aussi de ses dimensions colossales, était l'une des enclaves les plus convoitées par les principales puissances navales européennes. Si l'on a longtemps eu tendance à attribuer aux Britanniques la parenté du gin minorquin, une récente enquête (menée par Alfons Méndez) a permis de jeter une lumière différente sur le sujet. Il semblerait en effet que des archives documentées d'origines hollandaises fassent état de la fabrication de gin sur Minorque au XVIIIe siècle, tandis que du côté du Royaume-Uni, aucun document ne relate cette pratique. En revanche, ce qui est avéré, c'est que les différentes flottes européennes qui faisaient escale dans le port de Maó ont encouragé les maîtres-artisans en distillerie de Minorque à se lancer dans la production de geneva, nom minorquin du gin, début 1700. C'est en effet à ces distillateurs que l'on doit la recette du gin, boisson à base de baies de genièvre et d'alcool de vin devenue populaire au cours des siècles suivants.
C'est précisément cette recette, transmise de génération en génération depuis plus de 250 ans, que Miguel Pons Justo, fondateur de l'entreprise Destilerías Xoriguer en 1945, a reprise à son compte. Ce dernier consacra de nombreuses années de sa vie à travailler en tant qu'administrateur de la distillerie Fornero, l'une des plus anciennes gardiennes de la tradition du gin de Maó. Lorsque cette dernière fut dévastée par un incendie au cours duquel son propriétaire mourut, Pons décida de continuer seul cet office. Toutefois, s'il ne connaissait pas la recette exacte du gin, qui était un secret de la famille Fornero, il connaissait en revanche les produits qu'utilisait Fornero et avait une idée approximative des quantités et proportions. Aussi, il se mit à effectuer des séries de tests dans un petit alambic. Tant et si bien qu'il parvint à ajuster sa propre recette.
Equipé de ses premières barriques, Pons se rendit aux festivités de Sant Joan, à Ciutadella, au début de l'été 1945, et présenta son produit. Ce fut un succès. Il décida alors d'installer ses ateliers en ville, à Maó, au numéro 91 du Moll de Ponent, dans la zone du port. Le développement de son entreprise fut dès lors très rapide et il racheta petit à petit les locaux adjacents, mais aussi d'autres distilleries traditionnelles (Mica, Son Petit et Beltrán) qui produisaient de plus petits volumes. Naturellement, de cette manière, la marque a renforcé sa position prépondérante dans le paysage des spiritueux minorquins pour devenir aujourd'hui LE gin minorquin à la bouteille si caractéristique.
Une bouteille iconique
Avant de nous intéresser au contenu même, étudions un instant le contenant. Il faut dire que la bouteille de gin Xoriguer est particulièrement reconnaissable : une bouteille brune (ou vert émeraude) munie d'une petite poignée ronde à la base du goulot et d’une étiquette représentant un moulin. Cette petite poignée doit son existence à l'époque où vins et liqueurs étaient vendus en vrac dans des récipients nommés canecos. Ces derniers étaient équipés de poignées afin de rendre plus facile le transport des liqueurs des distilleries jusqu'aux entrepôts, lieux où ces dernières étaient conservées au frais. Cette coutume des canecos s'est maintenue jusque dans les années 1980, puis les normes de conservation et de conditionnement des boissons ont changé. Pons, en hommage à ces canecos traditionnels, décida alors de mettre son gin dans des bouteilles en verre brun, mais de garder la petite poignée comme un clin d'œil.
Puis, au milieu des années 1990, la crise mondiale frappa Minorque et de nombreux fabricants de verre furent contraints de fermer boutique. Impossible de continuer à produire la fameuse bouteille en verre brun. Pons chercha alors une alternative et opta pour la bouteille vert émeraude, tout aussi emblématique de nos jours, sans lui ôter la désormais iconique poignée. Et ce moulin à vent traditionnel sur l'étiquette ? Qu'en est-il ? Un clin d'œil à nouveau. Un clin d'œil aux origines familiales de Miguel Pons Justo, descendant d'une lignée de meuniers des alentours de Maó. Aussi, lorsqu'il fut amené à choisir une image pour représenter sa marque, il opta pour un moulin datant de 1784 : le moulin de Xoriguer. Celui qui aida tant de générations de sa famille à transformer le blé en farine. L'ancien moulin devint alors un symbole de tradition et de qualité.
Les secrets de la recette
Maintenant que nous avons le contenant, voyons plus en détail ce que l'on peut y mettre. Produit selon une méthode artisanale dite de distillation simple (one-shot-method), on utilise du bois de chauffage de Minorque pour chauffer les alambics et de l'eau de mer pour la réfrigération. Les ingrédients de base de la séculaire recette du gin Xoriguer sont les suivants : de l'alcool de vin de haute qualité, des baies de genièvre des Pyrénées catalanes reposées pendant plusieurs années et de l'eau de source de l'île. On distille le tout dans des alambics en cuivre d'une capacité de 700 litres et vieux de plus de 250 ans puis on récupère le précieux spiritueux, prêt pour la dégustation. Le résultat ? Un liquide transparent et limpide rendu plus fluide encore par les huiles essentielles de genièvre. Côté saveur, on a affaire à un breuvage aromatique aux notes de genièvre, de bois vert et d'herbe. C'est d'ailleurs des arômes herbacés généreux, nuancés de notes d'agrume et d'un zeste de poivre noir qui font la spécificité de son caractère.
Comment se consomme le gin Xoriguer ? Les recettes de cocktails sont nombreuses, à commencer par l'indétrônable Gin&Tonic (gin, tonic, un zeste de citron et une feuille de menthe). La version florale est recommandée aussi (gin, liqueur de camomille et zeste d'orange), tout comme l'efficace cocktail Menorca Sling (gin, liqueur d'herbes, jus de citron, sirop de canne et confiture de cerise) ou le Minorca (gin, limoncello, jus d'orange et miel de fleurs aromatisé au romarin). Impossible ici de ne pas citer LE cocktail emblématique de Minorque, consommée en quantité par les habitants de l'île lors des fêtes traditionnelles et des fameux jaleos (spectaculaires fêtes équestres) et nommée Pomada (gin, jus de citron, limonade, menthe fraîche et glaçons). Notons que Xoriguer a sorti sa propre version de la pomada : baptisée Pomada Xoriguer, le breuvage diffuse des notes douces de genièvre et d'agrumes type citron vert. La bouteille est par ailleurs particulièrement jolie. La marque propose également une vaste gamme de liqueurs : camomille, rose, anis, menthe, cacao, café et bien d'autres encore...
Boutique en ligne et visites guidées
La bonne nouvelle, c'est que si vous avez terminé les stocks de gin Xoriguer que vous aviez rapporté de l'île, il existe une solution. Depuis le printemps 2020, la marque a décidé de renforcer son offre commerciale avec le lancement d'une boutique en ligne très complète : botigaxoriguer.com. Le catalogue est en effet très large, avec des produits allant du classique gin Xoriguer aux boissons les plus variées et contemporaines : vins, liqueurs, huiles et bien sûr la classique Pomada minorquine. Au total, ce sont plus de 400 références de qualité qui peuvent être envoyées partout dans le monde grâce à un système de livraison efficace et soigneux. Une solution idéale pour qui veut éviter la casse pendant le voyage ! Autant dire qu'il y a de quoi satisfaire tous les goûts et toutes les bourses. Il est également possible de se rendre directement aux points de vente physiques. L'un se trouve dans le centre-ville de Maó (Plaça del Carme), l'autre dans le port de Maó.
Autre possibilité, pour les curieux, celle d'effectuer une visite guidée des installations des ateliers Xoriguer. Pour tout découvrir des secrets de ce gin emblématique, de sa recette datant de 1736 à sa méthode de production artisanale (la même depuis 75 ans maintenant) en passant par son goût singulier, cap sur le port de Maó, au 91 de la Plateforme Poniente. Deux options s'offrent à vous ici. La première option est la visite complète qui comprend une explication sur l'histoire du gin Xoriguer et de la distillerie, une visite des ateliers avec découverte des alambics et démonstration de fabrication de gin, visite du premier étage de la distillerie pour comprendre dans le détail comment s'effectue la sélection et la préparation des baies de genièvre, visite du magasin pour découvrir tous les produits de la distillerie, et enfin dégustation de produits de la distillerie accompagnée d'autres produits typiques de l'île. L'autre option, c'est de vous rendre directement sur place et de découvrir par vous-même la zone des alambics – où est fabriqué le gin – puis le magasin où sont organisées des dégustations, et ce gratuitement ! A noter qu'il est aussi possible d'organiser des visites guidées pour les groupes de plus de 10 personnes. Pour ce faire, rendez-vous sur : xoriguer.es/visitas-guiadas. Bonne dégustation !