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Au Rajasthan, 88 % de la population est hindoue. La ferveur religieuse occupe une place importante dans le quotidien des habitants. Les hindous peuvent choisir librement dans leur panthéon divin un ou plusieurs dieux à vénérer. Ceci explique qu'il y ait autant de temples dans les villages, d'autant que le panthéon n'est pas figé et que peuvent s'y ajouter des divinités locales. La pratique est empreinte de rites que l'on peut effectuer chez soi ou au temple et consiste essentiellement en des offrandes et des prières. Le pèlerinage est l'un des moments forts du fidèle hindouiste et le Rajasthan compte quelques lieux d'importance. L'islam est la deuxième religion la plus pratiquée au Rajasthan, avec 9 % de croyants. Les tensions entre les deux communautés sont de plus en plus tendues, alimentées par un discours nationaliste politique de plus en plus virulent. Le Sikhisme et le jaïnisme comptent à peine 1 % de fidèles dans la région.

L'hindouisme

Pour les hindous, le but de notre passage sur terre est de « réaliser la divinité de l'âme ». Cette visée mystique laisse entrevoir une grande diversité d'enseignements et de doctrines. Les principes sous-jacents de l'hindouisme ne sont pas facilement descriptibles, car il n'y a pas de philosophie unique. C'est peut-être la seule religion dont les principes théoriques et les pratiques sont aussi variés. Elle ne peut pas être imputée à un fondateur, elle n'a pas non plus un livre saint pouvant servir de guide spirituel de base. Veda, Upanishad et Bhagavad Gita forment un ensemble de textes sacrés hétéroclites. Pour les hindous, le chemin religieux essentiel est la dévotion (bhakti) adressée à une ou plusieurs divinités choisies. Bien que l'adhésion à une secte révérant plusieurs divinités soit largement répandue, la dévotion à un seul dieu de son choix est largement acceptée. La plupart des fidèles sont donc polythéistes, adorant tout ou partie du vaste panthéon des divinités. En pratique, un adorateur a tendance à adresser ses prières à un dieu, ou plusieurs, dans un rapport personnel très étroit.
Le Veda (« vision » ou « connaissance » en sanskrit) est une « connaissance révélée ». Ce savoir s'est transmis oralement de brahmane à brahmane depuis la période védique (1 500 av. J.-C.). Cette connaissance, rassemblée en un ensemble de textes, aurait été révélée par l'audition (shruti) aux sages indiens nommés rishi. Les hindous pensent que le Veda est éternel et singulier.

Brahma, le dieu créateur

Brahma, le dieu créateur du trimurti, la trinité hindoue, symbolise l'aspect de la Réalité Suprême qui porte en avant la création. Il est considéré comme le Créateur de l'univers. Son épouse est Sarasvati, la déesse des études et de la connaissance. Elle fournit à Brahma la connaissance nécessaire au processus de création.
Brahma est habituellement représenté comme une divinité barbue, à quatre visages et quatre mains. Sur les images populaires, il est représenté assis sur un lotus. Il tient un chapelet dans la main droite supérieure, un livre dans la main gauche supérieure, un kamandalu (pot d'eau) dans la main gauche inférieure et accorde sa grâce de la main droite inférieure. Ses visages représentent la connaissance sacrée des quatre vedas. Ils symbolisent donc le fait que Brahma est la source de toute la connaissance nécessaire à la création de l'univers. Ses quatre bras représentent les quatre directions ainsi que l'omniprésence et l'omnipotence du dieu. Les mains représentent les quatre aspects de la personnalité humaine : esprit, intellect, ego et moi empirique ou conscience conditionnée. Le chapelet symbolise le cycle du temps par lequel le monde va de la création à la conservation, de la conservation à la dissolution et de la dissolution à une nouvelle création. Bien qu'essentiel au panthéon hindou, il n'est que peu vénéré au Rajasthan. Il ne compte qu'un seul temple, à Pushkar, qui attire néanmoins de très nombreux pèlerins.

Vishnou, le dieu conservateur

Vishnou est le dieu le plus vénéré de l'hindouisme. Il est chargé de conserver l'univers créé par Brahma. On ne connaît pas exactement l'origine de l'adoration des conquérants aryens et dravidiens pour Vishnou. Dans les Vedas et la littérature sacrée des Aryens, Vishnou est classé parmi les dieux mineurs. Dans une certaine littérature puranique, Vishnu est dit éternel, c'est un esprit unique associé aux eaux primitives omniprésentes à la création de l'Univers.
Dans l'hindouisme, la représentation de Vishnou en tant que sauveur du monde est tardive. Selon une croyance, les puissances du Bien et du Mal (dieux et démons) sont en lutte pour la domination du monde. Quand l'équilibre de ces puissances est détruit, Vishnou ou son avatar descend sur terre pour rétablir l'égalité. On dit que 9 descentes ont déjà eu lieu, la dixième devant se produire dans le futur. La venue de Rama et de Krishna correspondent aux 7e et 8e descentes. Vishnou est souvent représenté en homme bleu avec quatre bras. Il tient dans chacune de ses mains une roue (chakra), une conque (shanka), un lotus (padma) et une massue (gada). Le disque symbolise la puissance de l'esprit et compte 6 rayons, comme les 6 pétales de la fleur de lotus. La conque représente l'Océan primordial, la création. Le lotus correspond au déploiement de la création, mais aussi à la pureté et à la vérité. La massue détient le pouvoir de la connaissance, dont dérivent tous les autres, aussi bien mentaux que physiques. Elle est aussi l'arme menaçante qui met le croyant sur le chemin de la spiritualité au détriment de l'attrait matériel. Vishnou possède mille noms et leur énonciation en boucle correspond à un acte de dévotion.

Shiva, le dieu destructeur

Shiva est un dieu dual, qui représente autant la destruction que la régénération. En tant que destructeur, il est représenté en ascète nu portant un collier de crânes et entouré d'un train de démons et de serpents. En tant que puissance reproductrice, il est adoré sous la forme d'un lingam, un monolithe de pierre de forme phallique. En tant que régénérateur, il prend alors les traits d'un bel homme bleu aux longs cheveux remontés en chignon sur le haut du front, armé d'un trident. Il est accompagné d'un nandi, un taureau. Contrastant avec la représentation de Vishnou, Shiva symbolise aussi la renonciation. Il apparaît alors comme un ascète pratiquant la méditation, seul dans l'Himalaya, assis sur une peau de tigre, vêtu d'un simple pagne et couvert de cendres sacrées. De sa longue chevelure s'écoule la source du Gange, la rivière sacrée des hindous.
Souvent, Shiva apparaît comme un être asocial qui brûla Kama, le dieu d'amour, d'un seul regard. Mais cette image en cache une autre. Bien qu'il semble difficile à atteindre, Shiva est une divinité aimante qui sauve l'âme des fidèles qui lui sont dévoués. Son épouse est Parvati, avec laquelle il a eu deux fils : Kartikeya, le dieu de la Guerre et Ganesh, le dieu à tête d'éléphant représentant la sagesse, l'intelligence, la prudence.

Les déesses hindoues

La religion hindoue ne met pas les femmes à l'écart et de nombreuses déesses figurent au panthéon et sont vénérées ardemment. Il en va ainsi pour Lakshmi, l'épouse de Vishnou. Elle est particulièrement célébrée lors de la fête de Diwali qui marque l'entrée dans la nouvelle année du calendrier hindou. Elle symbolise le succès et la richesse.
Parvati, l'épouse de Shiva, est considérée comme la Divine Mère. Elle présente deux facettes principales : la bienveillance qui apporte son aide et une personnalité puissante et dangereuse qui doit être apaisée. Elle est particulièrement vénérée en Inde et figure aux côtés de Shiva dans les temples et processions.
Durga est l'un des épithètes de Parvati et est considérée comme le shakti (« l'énergie ») de l'Absolu impersonnel. Elle est adorée seule, à l'inverse de Parvati, toujours accompagnée de son époux. Elle est représentée en guerrière équipée d'épées et de boucliers, chevauchant un tigre. Elle est chargée de pourchasser les démons lorsque les dieux en sont incapables.
Kali, toujours représentée en noir, est l'équivalent féminin de Shiva. Elle symbolise la destruction et la création. Elle offre souvent une image terrifiante, une langue sanglante lui sortant de la bouche, des guirlandes de crânes humains autour de son cou, une tête coupée à la main et des armes brandies ruisselantes de sang. Il s'agit d'une métaphore de la capacité destructrice du divin, de la souffrance du monde et du retour de toutes choses à la déesse au moment de la mort.

Les divinités locales

L'hindouisme n'est pas figé et son panthéon est extensible. Il est fréquent de voir au bord des routes de campagnes de petits autels, des arbres transformés en autels sacrés dédiés à des divinités locales qui protègent les habitants des catastrophes naturelles ou des mauvaises énergies. Les fidèles donnent souvent à ces protecteurs le visage d'un guerrier ou celui d'un combattant martyr du village. Si certaines divinités locales ont leur propre temple, d'autres sont rattachées à un temple principal, ou un autel spécifique leur est dédié. Parmi les divinités propres au Rajasthan, on peut citer Baba Ramdev, un grand défenseur des opprimés ayant vécu à la fin du XIVe siècle. Karni Mata est vénérée au temple des rats à Deshnok, près de Bikaner, et est considérée comme une incarnation de la déesse Durga. Pabuji, surtout vénéré dans les zones rurales, est invoqué pour protéger le bétail. Tejaji est prié pour guérir les morsures de serpent tandis que Shital Mata a le pouvoir de guérir la variole.

Les rituels de l'hindouisme

La puja (« respect ») consiste en un ensemble d'offrandes rituelles (fleurs, nourriture, argent...) et de prières adressées aux dieux. Elle est pratiquée au lever du soleil et à la tombée du jour dans les temples et les autels des maisons. Des pujas peuvent aussi être célébrées lors d'occasions particulières, très nombreuses en Inde. Chez les hindous orthodoxes, l'aube et le crépuscule sont salués avec la récitation du Gayatri Mantra, la prière au soleil, tirée du Rig Veda. L'adoration personnelle des dieux devant l'autel familial implique toujours l'éclairage d'une lampe, l'offrande de nourriture et l'aspersion de fumée d'encens devant les images saintes, tandis que des prières sont marmonnées. En soirée, notamment dans les zones rurales, il arrive que les femmes se rassemblent pour de longues sessions d'hymnes chantés. Traditionnellement, le premier chapati (galette de pain) cuit le matin est donné à une vache ou un autre animal de la rue. Il arrive aussi qu'une poignée de grains soit mise de côté pour donner aux personnes indigentes ou aux oiseaux. Ces petits sacrifices et dons servent à accumuler les mérites pour la famille.

Le temple

Les hindous se rendent au temple pour prier. La forme de base du sanctuaire hindou est une cellule carrée, orientée vers les points cardinaux, comprenant une image ou une statue de la divinité au centre, et surmontée d'un plafond plat. Le sanctuaire est souvent chapeauté d'un sikhara, une tour oblongue, représentant le mont Meru. Chaque temple symbolise le centre de l'univers, d'où le dieu surveille son domaine et aide ses fidèles. L'adoration n'est pas le fait d'une congrégation, mais d'individus ou de groupes de fidèles qui se rendent au temple pour y avoir une vision (darshan) de la divinité, y prier, y faire une offrande. Parce que la divinité existe en totalité dans le lieu saint, toute offrande qui a approché sa représentation apporte la grâce du divin au monde des humains lorsqu'elle revient parmi eux. Seules les personnes appartenant à la caste des brahmanes et qui ont été formées sont capables de manipuler la puissance de la divinité, et la plupart des sanctuaires sont gérés par des prêtres qui prennent les offrandes, les présentent directement à l'image et les rendent en partie aux fidèles pour les ramener à la maison.

Le pèlerinage

Le Rajasthan possède de nombreux lieux saints associés aux exploits des dieux, aux eaux d'une rivière sacrée ou à la présence passée d'hommes saints. Les Puranas, ou textes de la « connaissance antique », décrivent d'innombrables lieux sacrés et les avantages que l'on gagne à s'y rendre en dévot. Pour beaucoup d'Indiens, le pèlerinage est la forme privilégiée du tourisme, que l'on pratique en famille. Pour la plupart des fidèles, le pèlerinage implique des vœux préliminaires et le jeûne, un voyage à pied ponctué de chants et d'hymnes religieux. À l'arrivée sur le site, les pèlerins prennent contact avec un prêtre, qui, moyennant honoraires, va planifier le programme des activités rituelles. Certains pèlerinages attirent des dizaines de milliers de fidèles et il faut parfois patienter des heures dans la queue pour apercevoir l'idole, alors que le reste de l'année le temple est déserté. Les temples les plus sacrés possèdent un réservoir d'eau sacrée où les pèlerins s'immergent intégralement avant de se rendre au temple. Les abords des temples en période de pèlerinage ou ceux très visités toute l'année accueillent des étals débordant d'offrandes et de colifichets religieux.

Les autres religions du Rajasthan

L'islam. Outre le pillage et la confiscation du pouvoir, les premiers envahisseurs musulmans avaient pour mission la propagation de la religion. La fondation du sultanat de Delhi à la fin du XIIe siècle suscita quelques conversions dans les classes aisées soucieuses de conserver de bonnes relations avec l'occupant. Cependant, la plupart des convertis à l'islam cherchaient à échapper à leur situation sociale. Si l'islam joua un rôle prédominant à Delhi jusqu'au déclin de l'empire moghol, il eut beaucoup moins d'influence au Rajasthan, gouverné par des souverains hindous. Aujourd'hui, 9 % de la population du Rajasthan est de confession musulmane. A l'heure de la résurgence d'un nationalisme hindou émaillant des discours politiques enflammés, les musulmans du Rajasthan tentent de se faire discrets. L'islam au dogme unique se référant à la révélation coranique ne fait pas bon ménage avec l'hindouisme en perpétuelle recherche, basé sur l'expérience personnelle et ouvert à toutes les mystiques.

Le sikhisme. Cette religion déviée de l'hindouisme fut fondée par Gourou Nanak au XIXe siècle au Pendjab. Elle affirme l'unicité de Dieu et la nécessité de tisser des liens pacifiques entre les religions. Elle proscrit le système de castes, le mariage des enfants et le sacrifice des veuves au bûcher de leur mari. Les sikhs se réfèrent au Granth Sahib, une compilation d'écrits de Gourou Nanak et des gourous qui lui ont succédé jusqu'au début du XVIIIe siècle. La communauté sikhe représente 1,7 % de personnes au Rajasthan. On reconnaît aisément les hommes arborant un turban serré sur une chevelure qui n'est jamais coupée et une barbe fournie. Les femmes, elles, ne portent pas de sari, mais le salwar kameez, une tunique lâche surmontant un pantalon resserré aux chevilles. Les sikhs portent tous le même patronyme de Singh, qui signifie « lion », mais tous les Singh ne sont pas sikhs.

Le jaïnisme. Le fondateur, Mahavir, est le dernier des 24 pieux personnages appelés tirthankars ou « passeurs de gué». Il était le contemporain de Bouddha, c'est-à-dire au VIe siècle avant notre ère. L'exemple des tirthankars aide les fidèles à se dégager des illusions attachant l'âme au monde. Outre cette dévotion, les jaïns s'efforcent de ne nuire à aucune forme de vie. On les voit parfois allant la bouche recouverte d'un mouchoir afin de ne pas avaler d'insectes. Ils observent un régime strictement végétarien et des interdictions liées à la pureté rituelle (ne pas porter de cuir, ne pas pénétrer dans un temple en période de menstruation pour les femmes...). Les religieux de la secte digambara sont les plus rigoristes et vivent intégralement nus pour marquer leur détachement total du monde matérialiste. A l'origine, le jaïnisme visait à échapper au ritualisme brahmanique et ne reconnaissait pas de clergé. Les brahmanes surent pourtant récupérer le culte et officient dans les temples jaïns. Si le Rajasthan ne compte qu'à peine 1 % de fidèles, ses temples sont absolument somptueux. Ceux de Ranakpur, de Dilwara et de Mont Abu attirent de nombreux visiteurs étrangers au culte.

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