Découvrez le R. D. Congo : Musiques et Scènes (Danse / Théâtre)

Il suffit de quelques minutes sur place pour s’en convaincre : la musique est un pilier de la culture et de la vie congolaises. Elle est un compagnon privilégié au quotidien pour ses habitants, et il semblerait qu’il en ait toujours été ainsi. Aujourd’hui, le visage de la musique congolaise est sa mythique rumba. Trésor national, elle a séduit et envahi depuis plusieurs décennies le continent africain, affirmant la place de Kinshasa comme haut lieu de la musique africaine. Pétrie, rafraichie, réécrite par des générations successives d’artistes, elle a enfanté de nombreux courants musicaux sur le continent à commencer par le soukous, autre grand plaisir congolais mais également le coupé-décalé, la danse reine de la Côte d’Ivoire. Mais il serait dommage de calfeutrer la musique congolaise trop confortablement dans la rumba car on risquerait d’omettre de grands artistes comme Konono n°1 et ses héritiers KOKOKO, première et deuxième générations de la vague « Congotronics » ou encore Armand Diangienda qui à la seule force de sa volonté est devenu musicien puis chef d’orchestre et a fondé le premier ensemble symphonique d’Afrique.

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La rumba

La rumba en RDC est un emblème quasi-stéréotypique, mais un produit extrêmement typique et une fierté locale. Le genre prend vie dans les années 1950, facilité par l’implantation nouvelle de studios qui accompagne l’émergence de musiciens comme Jean Bosco Mwenda, père du jeu de guitare en picking typique du genre. Très rapidement, des orchestres structurés se forment et développent un nouveau style à partir d’influences cubaines pour lui donner son rythme et sa sonorité emblématique. Parmi eux, Joseph Kabasele et son African Jazz ainsi que François Luambo et le célébrissime Tout Puissant Ok Jazz s’imposent comme les pères de la rumba.

Deux orchestres, deux piliers dont va descendre tout l’écosystème de la rumba congolaise durant les prochaines décennies. Leurs héritiers immédiats émergent dès la génération suivante, personnifiés par les icônes Pascal Tabu - mieux connu en tant que Tabu Ley Rochereau - et Docteur Nico Kasanda - excellent guitariste à qui l’on attribue aussi la technique du picking congolais. Tous deux forment le groupe African Fiesta qui propose une lecture plus caribéenne et festive de la rumba et invente ainsi un de ses fameux dérivés : le soukous.

Au milieu des années 1960 - une vague yéyé et psychédélique impulsée par la diaspora congolaise de Belgique apporte du sang frais au genre et suscite l’apparition de groupes comme l’incontournable Zaïko Langa-Langa qui opère un virage plus funk dans la rumba, repense l’instrumentation, introduit un nouveau rythme et insuffle un tempérament plus vif, vivant et dansant. Toujours en activité, l’orchestre Zaïko a en son temps amorcé une mini révolution dans la rumba et s’est imposé comme un des groupes les plus influents du pays dans les années 1970.
Mais si Zaïko est aussi créatif et frondeur, c’est en grande partie parce que l’orchestre est composé de quelques musiciens fabuleux qui vont devenir des stars dans le pays. Voire dans le monde. Comme Papa Wemba, icône nationale et artiste congolais le plus connu hors de ses frontières.  Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, de son vrai nom, débute donc avec Zaïko Langa-Langa. En 1975, il forme le très éphémère Isifi (« Institut de Savoir Idéologique pour la Formation des Idoles ») avant de créer en 1977 le mythique orchestre Viva la Musica.

Au-delà de l’œuvre musicale séminale, c’est tout un mode de vie, pour ne pas dire une philosophie que l’artiste a imposé au fil du temps. Papa Wemba c’est aussi un style vestimentaire, une manière de penser, de parler, qui a inspiré plusieurs générations de Congolais. Un art de vivre qui sera d’ailleurs à l’origine de la SAPE (la fameuse Société des Ambianceurs et Personnes élégantes, courant socio-vestimentaire de Kinshasa et Brazzaville). Il est resté actif et dynamique jusqu’à son décès en 2016 et demeure aussi célèbre pour son flair, Papa ayant contribué à faire émerger de nombreuses autres vedettes de la musique congolaise.

Le plus important d’entre eux est de loin King Kester Emeneya (1956 - 2014). De son vrai nom Jean-Baptiste Emeneya Mubiala, il rejoint le mythique groupe Viva la Musica de Papa Wemba entre 1977 et 1982 et s’impose vite comme l’un des protagonistes emblématiques de la rumba congolaise et de la SAPE. C’est lui qui a introduit le synthétiseur dans la musique congolaise, ouvrant une porte dans laquelle s’engouffre toute la nouvelle génération.

Au début des années 1980, les innovations de King Kester Emeneya influencent tout particulièrement la musique d’un jeune groupe encore inconnu (mais qui ne va pas le rester) : Wenge Musica. S’il est aussi influent sur toute sa génération, c’est parce que cette jeune bande offre une nouvelle lecture plus endiablée que jamais à la rumba d’origine : le « ndombolo ». Devenu une référence musicale incontournable sur tout le continent, le ndombolo désigne autant la musique (évolution hyper rythmée de la rumba) que la danse caractéristique qui l’accompagne, le terme étant même aujourd’hui utilisé hors de la RDC pour parler de rumba.
Wenge Musica, c’est donc le groupe musical phare des années 1980 jusqu’à la fin des années 1990. Il a fait danser l’Afrique entière pendant plus de dix ans et la plupart de ses membres sont devenus des stars du ndombolo par la suite. Werrason, JB Mpiana, Didier Masela ou encore Alain Makaba… Autant de noms qui ont marqué (et marquent encore) la musique congolaise rejoints dans les années 1980 par d’autres - au moins aussi importants - issus d’un orchestre concurrent aujourd’hui éteint - Quartier Latin International - constitué de Koffi Olomide, Fally Ipupa et Ferre Gola. Soit trois des noms les plus populaires du pays.

Increvable, le ndombolo a inspiré, et inspire encore, de nombreux autres courants d’Afrique comme le coupé décalé ivoirien ou le lopélé. Quant à la rumba, elle est un plaisir immortel qui s’apprécie sur de nombreuses scènes locales. On peut par exemple en savourer à La Crèche, vénérable institution du quartier animé de Matongé et bar/terrasse/discothèque où quelques légendes - comme le fameux groupe Zaïko - ont leurs habitudes. Toujours à Kinshasa, le restaurant Inzia propose non seulement d’excellents plats traditionnels cuits sur braise mais aussi des concerts de rumba congolaise. Troisième adresse de Kinshasa, Extrême Ma Campagne, anciennement Sai Sai Club, propose des concerts de grands musiciens kinois comme Jean Goubald ou (ici aussi) Zaïko.

Aussi, parmi toutes les compilations existant sur le sujet, il est bon de noter que l’album Roots Of Rumba Rock Congo Classics 1953-1955 édité chez Crammed Discs en 2006 est une plongée franchement excellente dans la rumba et la musique congolaise d’avant le soukous et le ndombolo.

La musique populaire

Hors de la rumba, il existe dans la musique congolaise toute une constellation de grands noms à connaitre. À commencer par So Kalmery, auteur-compositeur né en 1955 et représentant de la brakka music, une musique et philosophie, sorte d’afro-folk des années 1940 dont le nom est la contraction en swahili de « bra », signifiant le commencement et de « ka », l’infini et l’esprit.

Autre artiste d’importance, Jean Goubald est un chanteur et guitariste au style atypique mélange de reggae, blues, R’n’B, jazz et rumba qui a collaboré avec Tabu Ley Rochereau ou le groupe Zaïko Langa- Langa. Un autre musicien ayant collaboré avec la crème de la musique congolaise (Papa Wemba, Koffi Olomide) et même internationale (Manu Dibango, Miriam Makeba) est Lokua Kanza, un auteur-compositeur au grain de voix unique et aux influences riches et voyageuses.

Il n’y pas de fumée sans feu, si Flamme Kapaya est reconnu en RDC comme l’un des meilleurs guitaristes de sa génération, c’est qu’il est proche du virtuose. Autodidacte, il se fait d’abord remarquer au sein du mythique groupe Maison Mère du chanteur Werrason où il restera dix ans et éblouira le public de ses solos. En 2007, il rencontre le danseur et chorégraphe congolais Faustin Linyekula avec qui il débute une longue collaboration artistique qui l’emmènera partout dans le monde, du festival d’Avignon à New York.

Autre nom congolais très respecté, Ray Lema est un musicien d’une grande curiosité et avide de découvertes. Ce pianiste formé à la musique classique occidentale propose l’une des plus belles synthèses entre musiques africaines et sons du monde entier et a collaboré avec d’innombrables artistes dont Tony Allen, Manu Dibango, Jacques Higelin, Charlélie Couture, Alain Bashung...

Enfin, moins connu dans le monde (mais très couru en France) Jupiter & Okwess International est un trait d’union congolais et très rock tiré entre l’afrobeat et la funk. C’est remarquable et d’ailleurs remarqué par l’immense Damon Albarn (Blur, Gorillaz) qui a collaboré avec eux.

Les musiques actuelles

Les racines des musiques actuelles remontent au milieu des années 1980, à l’époque la musique dite « tradi-moderne » commence à investir le paysage culturel congolais avec ses orchestres d’un nouveau genre jouant les esthétiques traditionnelles au moyen d’instruments contemporains (comme le synthétiseur). Emmené par le succès du phénomène Swedé Swedé, toute une scène s’impose et impose ce nouveau son : Bayuda, Mabele Elesi, Basokin...

Aujourd’hui, ce courant tradi-moderne a évolué et demeure plus vivant que jamais. C’est une vraie vitrine à l’international pour la musique congolaise, emmené sur les scènes du monde entier par des groupes devenus iconiques comme Konono N° 1. Formé dans les années 1970, Konono N° 1 prend une nouvelle dimension au début des années 2000 lorsqu’il met au point ce mélange de musiques et instruments traditionnels - comme le likembé, un piano à pouce qu’il amplifie - rock d’avant-garde et musique électronique. Un résultat ébouriffant à retrouver dans le chef-d’œuvre Congotronics, album qui donnera son nom à un label rassemblant des artistes portés par la même ambition, les fameux Staff Benda Bililli ou Kasai Allstars, pour ne citer qu’eux. Des groupes actuels comme les fiévreux KOKOKO! ou les très punks Fulu Miziki sont des héritiers directs de cette tradition. Plus expérimental, citons également Rey Sapienz, qui a développé une version contemporaine du soukous tout en mélodies fracturées et rythmes fracassés qu'il a baptisée « Congo techno ».

Comme dans de nombreux pays du continent africain, la scène rap est particulièrement bien développée en RDC. Hormis Gims, né à Kinshasa et qui connait une carrière florissante en France,b ou Baloji, rappeur très arty natif de Lubumbashi résidant en Belgique, la RDC cultive une scène nationale très prolifique dont PNB (Pensée Nègre Brute), Lexxus Legal, Alesh, Orakle (l’une des rares rappeuses) ou Didjak Munya ne sont qu’une poignée de noms. Aussi, peu de gens le savent, mais le rappeur Youssoupha est le fils de Tabu Ley Rochereau et c’est un natif de Kinshasa.

La musique classique

Le classique selon l’acception occidentale du terme est très peu présent en RDC. Cela dit, il existe ici un ensemble philharmonique de grande qualité à la personnalité étonnante : l’Orchestre symphonique kimbanguiste (OSK). Fondé en 1994 par Armand Diangienda, le petit-fils du chef religieux Simon Kimbangu (1887-1951) – fondateur du Kimbanguisme (la troisième religion en RDC), cet ancien pilote d’avion a réussi le pari de créer le premier orchestre symphonique du continent africain. En total autodidacte, il a appris la direction d’orchestre et la composition et sait désormais manier peu ou prou tous les instruments de musique classique et moderne.

Un tour de force époustouflant qui commence en 1994, lorsqu’’il recrute parmi les fidèles de l’Église kimbanguiste des musiciens volontaires et les équipes d’instruments fabriqués de bric et de broc. En quelques mois, son ensemble parvient à maîtriser des œuvres telles que la Neuvième Symphonie de Beethoven ou Carmina Burana de Carl Orff. D’abord violoncelliste, il deviendra le chef d'orchestre de l’ensemble en 2012 - rôle tenu jusqu’ici par Philippe Nkanza, alors directeur du Conservatoire national congolais de musique et d'art dramatique.

Aujourd’hui, l’OSK compte environ deux cents membres, musiciens et choristes qui explorent un répertoire très classique comme Beethoven ou Mozart mais aussi plus contemporain comme Arvo Pärt.
Ce parcours étonnant est particulièrement bien retracé dans le documentaire Kinshasa Symphony (2010) de Claus Wischmann et Martin Baer qui leur a apporté une attention internationale.

À Kinshasa, l’OSK se produit régulièrement au Théâtre de Verdure, lieu magnifique construit par Mobutu en 1970 dans son domaine paradisiaque du Mont Ngaliema (un site exceptionnel).

La danse contemporaine

Forcément, quand on pense à la RDC, on pense au ndombolo et ses divers cousins. Mais outre cette danse hyper populaire, toute une scène congolaise de danse contemporaine se fait remarquer dans le monde entier. Le chorégraphe le plus emblématique du pays et dont la notoriété a traversé le plus de frontières est sans conteste Faustin Linyekula (d’ailleurs mentionné précédemment). Lui qui a joué un peu partout dans le monde, notamment au Festival d’Avignon, à New York - où son travail a reçu un Bessie Award, à Londres où il a travaillé avec la Tate Modern et à Paris où il fut invité par la Comédie-Française à monter Bérénice de Racine est revenu en RDC en 2003 pour fonder à Makiso les Studios Kabako, structure de création et de représentation qui soutient et accompagne de nombreux artistes. Ses œuvres sont parfois diffusées à la Halle de la Gombe, lieu emblématique où est implanté l’Institut français depuis 1999. C’est d’ailleurs via cette structure que d’autres noms importants de la chorégraphie congolaise comme Papy Ebotani ou Yves Mwamba ont pu bâtir leur carrière actuelle.

Également affilié au Studio Kabako, Dorine Mokha a été un chorégraphe reconnu internationalement et un artiste humaniste qui abordait via ses mises en scène de sujets brûlants comme les difficultés de la communauté LGBT dans le pays. Il décède en 2021 du paludisme, laissant un grand vide dans la scène africaine.

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