Le gigantisme de l'Egypte antique
Pour bien comprendre l’architecture de l’Égypte antique, il convient de séparer les édifices en deux groupes distincts, avec d’une part, les habitations, qui sont vues comme des bâtiments aussi éphémères que la vie, et donc construits à base de matériaux fragiles comme l’argile et le bois, et d’autre part les édifices de culte, avec les tombeaux et les temples. Ce sont ces derniers monuments qui témoignent de ce que l’on nomme le « gigantisme ». En se rendant à leur pied, on remarque tout de suite à quel point leur taille peut être impressionnante. Comment ne pas s’émerveiller devant la grandeur de la grande pyramide Rouge et de celle de Khéops. La taille de cette dernière est tout simplement faramineuse. Couvrant un terrain de 5 hectares, il a fallu à ses constructeurs près de 6 millions de tonnes de pierres pour l’achever. Il faut également mentionner le Sphinx de Gizeh, qui, avec sa tête humaine et son corps de lion en position allongée, est l’un des plus mystérieux monuments au monde, le temple de Karnak sur la rive orientale du Nil, l’un des plus grands complexes religieux de l’Antiquité avec son 1,5 km de long et ses 700 m de large ou bien encore les colosses de Memnon, les deux statues monumentales de 18 m de hauteur qui représentent Aménophis III dans la position assise, les mains posées sur les genoux. De plus, les Égyptiens n’ont pas hésité à construire des obélisques colossaux et des statues gigantesques pour relier les temples entre eux, comme l’allée des sphinx longue de plus de 2,5 km qui relie le temple de Karnak à celui de Louxor. Tous ces monuments, qui sont souvent des lieux que les visiteurs s’empressent d’aller voir, témoignent du goût de l’Égypte ancienne pour le grandiose, l’imposant.
L’Égypte, des styles d’une grande variété
Il faut se balader dans les villes du Caire, d’Alexandrie et des environs pour remarquer que l’architecture des cités regroupe un ensemble complet des différents styles que le pays a connus depuis la Ire dynastie.
L’architecture copte
C’est au IVe siècle après Jésus-Christ que l’Église d’Égypte connaît son apogée. La diffusion du christianisme favorise la création d’un art chrétien égyptien. On parle alors de l’art copte. En parallèle se développe une architecture copte, avec des monuments comme les églises du Vieux-Caire ou bien encore l’église du Deir el-Abiad, à Sohag, que l’on pense avoir été construite en 440 par l’abbé Chenouté. Les monastères du Wadi Natroun et de Haute-Égypte témoignent aussi de la prolifération de ce style, et sont remarquables avec leurs murailles défensives en pisé, fermées de petites portes. À l’intérieur, on retrouve des bâtiments conventuels bâtis du même matériau, et protégés des intempéries par de la chaux.
Les styles qui font référence à l’islam
L’islam a également influencé l’architecture de l’Égypte, au travers de différents styles. Au cours d’une balade au Caire, différents édifices témoignent de cette influence. À commencer par le style toulounide, dont l’emblème est la mosquée d’Ibn Touloun, qui fut construite entre 876 et 879. Les Touloun sont originaires de Samarra, et on retrouve de ce style dans la construction du monument, avec un plan au sol carré, plutôt simpliste, des colonnes réalisées en brique et des merlons qui alternent avec des créneaux, une construction typique de l’art mésopotamien. Les décors floraux de stuc que l’on retrouve sur les piliers révèlent un style byzantin et le minaret est lui aussi une construction de type Samarra.
La dynastie des califes fatimides, qui régna sur l’Égypte de 969 à 1171, a marqué elle aussi l’histoire architecturale de la région. Pour illustrer le style fatimide, dont on dit qu’il est le plus raffiné des styles architecturaux arabes, mentionnons les grandes mosquées construites au Caire et que l’on reconnaît par des décors en stuc, des boiseries travaillées et l’insertion d’éléments comme l’ivoire et l’os. À Al-Azhar ou à Al-Salih Talaï, les mosquées sont soutenues par des colonnes fines et en ce qui concerne cette dernière, comment de ne pas faire état de son portique extérieur, remarquable. Un autre élément symbolique de cette période est le dôme en melon, que l’on retrouve sur le mausolée de Sayyeda Ruqaya.
Si le règne des califes abbassides puis fatimides a été marqué par la réalisation de grandes constructions urbaines, les princes ayyoubides, qui prennent le pouvoir au XIIe siècle, développent de leur côté au Caire une architecture militaire, religieuse et civile. C’est une ère nouvelle qui s’installe. L’architecture militaire est reconnaissable lorsque l’on rejoint les murailles de l’enceinte nord de la citadelle du Caire ou bien que l’on longe le mur qui relie le Caire fatimide à la citadelle, le long du Dar el-Ahmar. C’est alors la pierre qui est utilisée, elles proviennent des petites pyramides du plateau de Giza ou bien encore des carrières du Moqqatam. Quant à l’art civil, il mélange des briques et des pierres taillées. Un bel exemple se trouve dans le cimetière sud du Caire, avec le mausolée de l’imam El-Chaféi, dont les mouqarnas, ces célèbres ornements alvéolés en stalactites, et les voûtes colorées illustrent parfaitement l’art ayyoubide. Dans la rue Al-Zahir, c’est la mosquée de Baybars qu’il faut aller voir.
L’ère mamelouke
La domination mamelouke en Égypte, de 1250 à 1517, s’est caractérisée par l’essor d’un art et d’une architecture encore visibles de nos jours. L’affirmation du style mamelouk est faite avec Nasir ibn Qalaoun et Barquq, deux sultans qui imposent le style dans leur cité avec le mausolée de Qalaoun où l’on remarque des plafonds à caissons peints, des mosaïques de nacre et de marbre. De son côté, le Khangah de Baybars est un parfait exemple pour les figures géométriques que l’art mamelouk a développées pour l’ornement de ses bâtiments. Cet édifice témoigne aussi de l’intérêt des Mamelouks pour des éléments issus de l’art islamique comme les minarets et les dômes. Les Mamelouks utilisent également de plus en plus la calligraphie naskhi sur les mosquées, notamment au niveau des entrées pour indiquer la date de leur érection. La coupole richement décorée de bleu et d’or de la mosquée du sultan Barquq maîtrise pleinement l’art des motifs floraux. Le raffinement de l’art mamelouk dénudé se trouve dans la mosquée du sultan Hassan, où les arches à cintres donnent une élévation particulière à l’édifice qui, à l’instar des autres monuments mamelouks, s’élance plus vers le ciel que les mosquées fatimides, moins hautes et plus étalées en largeur. Les constructions mameloukes sont aussi ornées d’écus ronds, la première héraldique de la région. Si l’on veut toujours plus s’émerveiller de la splendeur mamelouke, la madrassa de Qaïtbay, dans le cimetière nord, est un bel exemple de la façon dont des éléments comme le marbre, le bois et vitraux ont aussi servi à l’élaboration de certains monuments ; à Alexandrie, c’est lui qui a construit la forteresse gardant le port. Enfin, la wakala du sultan Ghouri et le palais de l’émir Taz, que l’on a le plaisir d’admirer dans le centre médiéval du Caire, parfont le tour de l’art mamelouk.
La présence architecturale des Ottomans
On sait qu’après la victoire de Sélim Ier sur Asraf al-Guri en 1507, avant-dernier sultan circassien, l’Égypte tomba sous la domination des Ottomans, également présents en Asie Mineure et en Perse. Pendant quatre siècles, les Ottomans ont laissé trace de différents styles. Les premières constructions sont assez semblables au style mamelouk, avec des plafonds à caissons décorés et peints avec des motifs géométriques et des calligraphies. Un bel exemple est la maison de Gamal el-Din el-Dhahabi. Dans l’enceinte sud de la citadelle du Caire, la mosquée Soliman Pacha, représente elle l’architecture d’un style ottoman pur. Dans la mosquée Aqsunqur dans le Darb el-Ahmar, cette fois, on reconnaît l’intérêt des Ottomans pour l’art de la céramique d’Iznik, avec la représentation de pins, de tulipes et d’œillets. Les Ottomans ont aussi réalisé de vraies prouesses architecturales, avec l’alternance de pierres de différentes couleurs, assemblées de manière complexe, comme on le distingue pour l’arc cintré du Sabil Kuttab Abdel-Rahman Katkhuda. Autres monuments à mettre en avant, les deux maisons Kiridliya et Amna Bint Salim, finement décorées, et la mosquée de Mohamed Ali, dans la citadelle, dont les minarets effilés et la grande coupole dévoilent une pure inspiration turque.
Quand l’Europe s’importe en Égypte
En 1867, le khédive Ismaïl rentre de l’Exposition universelle de Paris et souhaite intégrer l’architecture haussmanienne au Caire, mais dans un style moins rigoureux et avec des décorations plus proches des standards italiens. C’est ce qu’il souhaite pour les bâtiments du nouveau centre-ville. C’est ainsi que de grands noms français réalisent des constructions et des plans pour Le Caire : Barillet-Deschamps dessine le jardin de l’Ezbekieh, quand le grand Gustave Eiffel construit un pont dans le jardin zoologique en 1873. D’autres folies sont érigées à l’époque et reflètent l’envie d’introduire divers éléments de l’Occident. Il s’agit de la synagogue de la rue Adli, d’inspiration autrichienne, du palais de la famille Sakakini, que l’on trouve dans le quartier de l’Abbaseya, et de grands immeubles du centre-ville tels le tribunal de la rue du 26-Juillet, le magasin Tiring de la place Attaba, la coupole du magasin Sednaoui de la place Khazindar, le salon de thé Groppi et son Art nouveau et l’Université du Caire, à Giza.
D’anciens styles reviennent à la mode
Aux XIXe et XXe siècles, l’Égypte fait à nouveau référence dans certaines de ses constructions à des styles anciens, voire très anciens. Entre 1869 et 1911, la mosquée Al-Rifai arbore un style néo-mamelouk, tout comme le pavillon de Gezira à Zamalek, aujourd’hui le cœur de l’hôtel Marriott. Dans le même quartier, il faut aussi mentionner l’Opéra du Caire, construit en 1987 et qui s’inspire aussi du style néo-oriental, mais dans des lignes plus épurées. Certains monuments qui se trouvent à Héliopolis rappellent eux, une inspiration néomauresque, et le palais du Baron Empain en est le plus bel exemple. Cette inspiration andalouse se remarque aussi au musée d’Art islamique. Si l’époque des pharaons a marqué l’histoire du pays, le style néopharaonique n’est peut-être pas le style le plus attrayant en Égypte. Néanmoins, on note la présence de cette architecture avec le tombeau de Saad Zaghloul, construit en 1924, et de la Cour constitutionnelle, construite en 1999 et dont chacun peut apprécier son rendu avec ses propres critères.
Le modernisme présent au Caire
Il faut prendre la direction de la place Tahrir au Caire pour apercevoir des édifices faisant référence au modernisme. On pense au Nile Hilton, premier hôtel moderne de la capitale égyptienne, ou bien au siège de la Ligue Arabe, construit entre 1955 et 1960 et qui présente une sobriété qui n’est pas dans les habitudes du pays. Enfin, en 1961 fut construite la Tour du Caire, qui représente un tressage en osier et dont le sommet symbolise une fleur de lotus. Elle fait 187 mètres de haut et la salle de restaurant rotative qui se trouve à son sommet permet une vue panoramique sur l’ensemble des horizons du Caire.