Découvrez l'Égypte : A l'écran (Cinéma / TV)

L’Égypte peut être considérée comme le premier pays ayant véritablement participé au développement du cinéma du Moyen-Orient. Aux prémices du cinéma égyptien, une quarantaine de films sont tournés en vingt ans, souvent avec une simple toile peinte comme décor. Dans les années 1910 et 1920, de nombreuses salles de cinéma sont décorées dans un style « égyptisant ». Par ailleurs, avec l’arrivée du cinéma parlant, des comédies musicales et de la construction de nombreux studios, le cinéma égyptien tend vers un cinéma à l’américaine. L’Égypte se distingue aussi par sa prédilection pour un genre important du 7e art : le réalisme, porté par des réalisateurs comme Salah Abouseif ou Youssef Chahine. Les années 1990 et 2000 sont un désastre pour le cinéma égyptien, en raison de la censure qui a pris une place considérable. Ces dernières années, les artistes féminines reprennent en main cet art, comme elles l’avaient si bien fait à ses débuts.

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Débuts féminins

Le cinéma arrive en Égypte un an seulement après son invention par les frères Lumière. Les premières projections cinématographiques égyptiennes se déroulent au Caire et à Alexandrie. Dès sa naissance, le 7e art a le coup de foudre pour l’Égypte. En 1917, on compte déjà plus de 80 salles de cinéma dans tout le pays. Vers 1915, on remarque quelques scènes tournées en Égypte, montrant le quotidien égyptien. En 1927, l’Égypte donne naissance à son premier long-métrage, Laila réalisé par Wadad Orfi. Situé dans un village au-dessus des ruines de Memphis, ce film nous raconte l’histoire de Laila, dont le fiancé s’éprend d’une touriste et abandonne la jeune Égyptienne. Le rôle principal est interprété par l’une des figures légendaires du cinéma égyptien, Aziza Amir (1901-1952), qui produit également le film. Femme de conviction et véritablement moderne, Amir sélectionne sa filmographie, que ce soit en tant que scénariste, réalisatrice, actrice ou productrice. Les œuvres auxquelles elle participe tendent à sensibiliser le grand public aux problèmes sociaux de l’Égypte, avec des thèmes comme le monde ouvrier ou les traditions du mariage. Les artistes égyptiennes participent véritablement à la naissance et au développement du cinéma égyptien, comme la comédienne de théâtre Fâtma Rouchdi, qui produit et joue dans le film El zowaje (Le Mariage, 1933).

Hollywood-sur-Nil

Le début des années 1930 amène la création de plusieurs studios cinéma comme le studio de Togo Mizrahi (situé à Alexandrie, il est le plus grand producteur de films égyptiens à l’époque) ou les studios Misr. Ceux-ci, construits en 1935, participent considérablement au développement du cinéma égyptien, au même titre que l’arrivée du cinéma parlant. En raison du contexte social et politique du pays, le cinéma croît plus vite en Égypte que dans d’autres pays du Moyen-Orient. L’Égypte se calque sur Hollywood, le cinéma devient le deuxième secteur économique le plus fructueux du pays (après le coton). Avec l’arrivée du cinéma parlant, un genre fait son entrée dans le cinéma égyptien : la comédie musicale. Mario Volpe, un réalisateur napolitain réalise la première comédie musicale égyptienne el-Fouad (La Chanson du cœur, 1932).

Les années du réalisme et Youssef Chahine

À l’aube des années 1940, le réalisateur autodidacte égyptien Abd al-Ghani Kamal Salim nous offre l’œuvre el Azima (La Volonté avec comme actrice principale Fâtma Rouchdi), premier film réaliste dans un cinéma égyptien qui jusque-là, comporte presque exclusivement des comédies ou mélodrames. Salim est également connu pour avoir réalisé l’adaptation égyptienne des Misérables de Victor Hugo (al-Bu’asa’, 1943) ainsi que celle de Roméo et Juliette (Shuhada’al-Gharam, 1944). Le début des années 1950 suit dans la lancée du cinéma réaliste, avec des réalisateurs tels que Salah Abouseif ou Youssef Chahine. Abouseif situe une bonne moitié de ses films dans sa ville natale, Le Caire, et plus exactement à Boulaq. En 1960, Abouseif tourne, d’après une œuvre de Mahfouz, Morts parmi les vivants avec Omar Sharif, acteur égyptien renommé. Ce dernier fait sa première apparition au cinéma dans Ciel d’enfer en 1954 de Youssef Chahine. Il enchaîne en 1956 avec Les Eaux noires de Chahine également. En 1989, il retrouve les studios cairotes pour tourner Le Marionnettiste de Hani Lachine et en 1991, Le Citoyen Masri de Salah Abouseif. Youssef Chahine passe sur le devant de la scène cinématographique en 1958 avec Gare centrale qu’il réalise et interprète. Tensions et passions dans ce lieu fixe que peut être une gare, la gare centrale Ramsès. Poursuivi, harcelé par la censure, il s’installe au Liban mais revient en Égypte en 1969 avec La Terre. Suivra Alexandrie pourquoi ? qui lui vaudra en 1978 un Ours d’argent et le grand Prix du jury au festival de Berlin. L’Émigré avec Michel Piccoli (1994) est, à son tour, interdit en Égypte. Chahine obtient le Prix spécial du jury à Cannes avec Le Destin en 1997, sur le philosophe musulman Averroès, et entre définitivement dans le cœur des Français. Citons L’Autre Sort (1999) puis Silence, on tourne (2001) avant Alexandrie — New York qui est présenté au Festival de Cannes en 2004.

Les années 1990 et 2000

Les années 1990 et 2000 portent un coup dur au cinéma égyptien, qui est opprimé par une censure extrême de la part de la police (qui met en mal les droits de tournage), de la télévision (premiers subsides aux productions) mais aussi des autorités qui poursuivent les réalisateurs et les producteurs pour motif religieux. La saga La Momie (Avec Brandon Fraser et Rachel Weisz, 1999) dont l’intrigue se passe pourtant en Égypte antique, se tourne au Maroc, en raison du climat politique égyptien très tendu. Les scènes du film sont finalement tournées à Marrakech et dans le Sahara marocain. Quelques jeunes cinéastes parviennent néanmoins à émerger de cette période difficile pour le 7e art égyptien, notamment Radwane Al Kashef avec La Sueur des palmiers (1998) ou Atef Etata et Les Portes fermées (1999). Certaines grosses productions internationales passent parfois par l’Égypte pour tourner certaines scènes de leur film. C’est le cas de Syriana (2005), thriller réalisé par Stephen Gaghan avec Georges Clooney et Matt Damon. Dans une société égyptienne toujours aussi conservatrice et oppressive, la seule progression est l’ascension des femmes artistes dans le monde du cinéma. Asma El-Bakri, réalisatrice originaire du Caire, commence sa carrière en étant l’assistante de Youssef Chahine et Salah Abouseif. Elle reçoit le premier Prix de la Biennale du cinéma arabe en 1992 pour son film Mendiants et orgueilleux. Ces dernières années, sur le petit écran égyptien, ce sont les trois réalisatrices de la série égyptienne Le Septième Voisin (Saba’a gar) qui font couler beaucoup d’encre. Cette série, que nous pouvons comparer à Plus belle la vie en France, traite de la vie de sept familles égyptiennes habitant toutes dans le même immeuble. Elle aborde des thématiques importantes de la vie quotidienne comme le conflit parents-enfants, les relations hors mariage ou l’avortement. Une partie de l’Égypte voit dans ce programme une « volonté de corrompre la jeunesse » et demande l’arrêt du programme. L’audace des réalisatrices paie néanmoins car Le Septième Voisin réunit près de deux millions de spectateurs par épisode.

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