Islam
La religion est centrale en Égypte et représente une part fondamentale dans la construction des identités individuelles et collectives. L’article 2 de la Constitution inscrit l’islam comme religion d’État et l’article 46 autorise la liberté de culte. Les chiffres concernant le nombre de fidèles en Égypte sont l’objet d’intenses tractations politiques et sont très contestés. Les personnes de confession musulmane représenteraient entre 90 et 95 % de la population, les chrétiens entre 5 et 10 % et les autres religions (juifs, bouddhistes et autres) moins de 1 %.
L’islam est né dans la péninsule arabique, à La Mecque, après que le Prophète Mohamed a reçu la révélation de l’archange Gabriel. Il recueille alors la parole de Dieu dans le livre sacré, le Coran. Rejetés par l’élite mecquoise païenne, Mohamed et ses disciples fuient et s’installent à Médine. C’est l’Hégire, en 622, qui marque le début du calendrier musulman. Les quatre successeurs de Mohamed sont tous issus de son entourage direct, ce sont les califes « bien guidés » Abu Bakr, Omar, Osman et Ali. Ils vont étendre le règne de l’islam de l’Indus jusqu’à la péninsule ibérique. C’est sous le calife Omar que l’Égypte est conquise et que la première mosquée du continent africain est construite, la mosquée ‘Amr Ibn El ‘As.
L’islam est basé sur l’unicité de Dieu, Mohamed est seulement son messager. L’islam le plus orthodoxe ne reconnaît donc pas l’existence de saints, même s’ils sont nombreux à être révérés dans certains pays. Dieu est également inimaginable et ne peut être représenté. La pratique du croyant est organisée autour de cinq piliers principaux : l’attestation de foi et reconnaissance de l’unicité de Dieu (Chahada) ; les cinq prières quotidiennes (Salât) ; l’aumône (Sadaqa) ; le jeûne (Sawn) durant le mois de Ramadan et le pèlerinage à La Mecque (Hajj). L’islam est composé de très nombreux courants et les pratiques sont très variées suivant les régions. Toutefois on identifie généralement deux courants principaux : le sunnisme, le chiisme.
L’islam s’installe dès 642 avec la conquête du pays par les armées arabes, dirigées par Amr Ibn al-As. Dès lors, elle est la religion des dirigeants ; il faudra toutefois deux siècles pour qu’elle devienne majoritaire parmi la population. L’islam pratiqué par la majorité des Égyptiens aujourd’hui est d’obédience sunnite et appartient aux écoles malékite ou chaféite. Mais l’Égypte a longtemps été gouvernée par des dynasties chiites comme les Fatimides qui fondent la mosquée-université Al-Azhar en 970. C’est désormais une des plus importantes institutions intellectuelles du monde sunnite. De nombreux Égyptiens pratiquent le soufisme, branche ésotérique et mystique de l’islam, populaire notamment dans les mondes perse et turc. Aux grandes fêtes traditionnelles (‘eïd al-fitr et ‘eïd al-adha, appelés aussi petit et grand Eïd) s’ajoutent en Égypte les mouled, célébrations de l’anniversaire de saints. Au Caire, ce sont le petit-fils du Prophète, Hussein, et sa sœur, Zeinab, qui sont célébrés chaque année. Ces célébrations, qui se rapprochent fortement de rites chiites, illustrent la perméabilité qui existe entre les pratiques. La mosquée représente un lieu de culte mais également un important espace de socialisation. Autrefois, elle pouvait également être un endroit d’études, lorsque lui était attachée une madrasa. Les jeunes garçons y apprenaient la lecture de l’arabe, la récitation du Coran et les préceptes de la religion. Le Caire compte un nombre incalculable de mosquées et Le Caire islamique recèle des exemples de l’architecture la plus fine des époques fatimide, mamelouke et ottomane entre autres. L’islam est un rouage essentiel de la société égyptienne qui structure les relations familiales, les mariages et les divorces, l’héritage et une partie des relations économiques.
Au début du XXe siècle, l’Égypte devient le centre intellectuel et politique de l’islam politique, avec la création en 1928 de la confrérie des Frères musulmans par Hassan el Banna. Face à l’occidentalisation revendiquée par les dirigeants égyptiens, ce mouvement prône un retour aux principes islamiques qu’ils veulent être la base de la société et de l’État. C’est la première fois qu’une organisation politique moderne prend l’islam comme base idéologique. Le succès du mouvement est souvent considéré comme précurseur des bouleversements qui vont voir, durant la seconde moitié du XXe siècle, les mouvements islamistes prendre une place politique de plus en plus importante.
Christianisme
C’est en l’an 40 que, d’après la tradition, Marc l’Évangéliste crée l’Église d’Alexandrie. Elle fait partie de la pentarchie originelle avec les Églises de Rome, Constantinople, Antioche et Jérusalem. Suite aux différents schismes qui fracturent la religion chrétienne durant ses premiers siècles, l’Église d’Alexandrie s’éloigne du reste de la chrétienté et se divise elle-même : l’Église copte orthodoxe, l’Église grecque orthodoxe d’Alexandrie et l’Église catholique copte. Pour les chrétiens, l’Égypte est également le lieu d’exil de Jésus, Marie et Joseph lors de leur fuite face au roi Hérode. Avec l’arrivée de l’islam, la majorité des habitants du pays vont petit à petit se convertir mais une minorité très importante perdure, surtout au sein de l’Église copte orthodoxe. Les relations avec les musulmans sont en général pacifiques, les coptes occupant notamment des activités commerciales vitales à la prospérité du pays. Les chrétiens et les juifs habitant en terres musulmanes sont soumis au statut de dhimmi : un impôt spécial est prélevé en échange de la liberté de culte et de la protection du calife ou du sultan. Ils sont également tenus à l’écart de certaines professions, militaires notamment. Certaines périodes sont toutefois marquées par des discriminations intenses à leur encontre. C’est le cas du règne du calife fatimide Al-Hakim (996-1021) qui détruit de nombreux monastères et églises, multiplie les mesures discriminantes et renforce la répression contre la production d’alcool et sa consommation. La période des croisades, puis des invasions mongoles, va mettre encore plus à mal cette relation particulière. En effet, le soutien des chrétiens d’Irak et de Syrie aux envahisseurs entraîne une méfiance accrue des califes d’Égypte et de Syrie.
Mohammed Ali, le fondateur de l’Égypte moderne, donne l’accès à l’armée aux chrétiens et abolit l’impôt de la jizya, symbole majeur du statut de dhimmi. Aujourd’hui, les coptes sont intégrés dans la société égyptienne mais font toujours face à des discriminations. Les autorités rendent souvent difficile la construction de nouvelles églises en imposant des retards considérables dans la délivrance d’autorisations. Il leur est également presque impossible de faire carrière dans l’armée. Les coptes sont également victimes d’attaques répétées de groupes extrémistes islamistes, surtout depuis la fin des années 1990. La fin 2016 et l’année 2017 ont été particulièrement meurtrières avec l’attentat contre l’Église Saint-Pierre-et-Saint-Paul au Caire en décembre 2016, puis les attentats du dimanche des Rameaux en avril 2017, suivis par l’attaque de bus de pèlerins à Minya en mai 2017.
L’Église copte possède sa propre langue liturgique, le copte, héritée de la langue des Égyptiens de l’Antiquité. Les coptes ne reconnaissant pas le pape de Rome, ils sont dirigés par le pape – ou patriarche – de l’Église copte. La communauté copte est très croyante et les prescriptions de la religion sont fortement suivies par les membres de la communauté. La vie des fidèles est rythmée par les fêtes ainsi que par le jeûne. Les fêtes importantes comme Pâques et Noël sont évidemment très suivies. Elles donnent lieu à des messes gigantesques et sont suivies par des périodes de jeûne. Celui-ci n’est pas une privation totale de nourriture, il s’agit en fait de retirer certains mets de son alimentation : la viande, le lait, les œufs, le fromage… Le Noël copte est le 7 janvier, comme pour les autres Églises orthodoxes, et a été reconnu jour férié en 2002.
Durant le XXe siècle, on compte plusieurs Premiers ministres et ministres appartenant à la minorité copte et les gouvernements récents ont souvent inclus des chrétiens dans leurs rangs. L’homme le plus riche d’Égypte, Naguib Sawiris, est également copte. Sa famille est l’une des plus puissantes du pays.
Judaïsme
Plus encore que pour l’islam ou le christianisme, l’Égypte est au centre du récit fondateur du judaïsme, le plus ancien des monothéismes. Dans le livre de la Genèse, il est indiqué que les Hébreux, suivant Joseph, se sont établis en Égypte où ils prospérèrent. Dans le livre de l’Exode, la situation a fortement changé et les Hébreux ont été réduits en esclavage par Pharaon. Guidés par Moïse, ils se libèrent de la tyrannie et fuient le pays à travers le désert du Sinaï où ils reçoivent de Dieu les Tables de la Loi. Ce mythe fondateur millénaire est l’une des bases des trois monothéismes et continue encore d’inspirer croyants et artistes.
Selon les données archéologiques, plus terre à terre, la présence des juifs en Égypte remonte à l’époque biblique. Ils s’y seraient réfugiés pour éviter les représailles des Babyloniens lors d’un conflit avec le royaume de Juda. Si des traces d’implantations juives ont été découvertes sur l’île Éléphantine, c’est Alexandrie qui est le centre de la communauté. Celle-ci est écrasée par Trajan après une révolte majeure en 115 – 117. La vie des juifs s’améliorera considérablement sous le règne des dynasties musulmanes où le statut de dhimmi leur garantit une protection qui n’existait pas sous le règne des Byzantins. En dehors des périodes rigoristes, ils participent à la vie du pays et accèdent parfois à de hauts postes administratifs, notamment sous l’Empire ottoman. Au tournant du XXe siècle, les juifs sont bien implantés en Égypte et on retrouve même plusieurs personnalités juives, comme Yaqub Sanu, parmi les premiers nationalistes égyptiens qui combattent la tutelle britannique. La dégradation de la situation en Palestine mandataire n’épargne pas l‘Égypte où les tensions sont vives. L’indépendance d’Israël en 1948 est une fracture majeure dans les relations entre les juifs égyptiens et le reste de la société. La communauté juive est désormais perçue comme une cinquième colonne et la méfiance se mêle à la rancœur. De nombreux juifs quittent alors le pays pour l’Europe, les États-Unis ou Israël. L’intervention militaire de la France, le Royaume-Uni et Israël contre l’Égypte suite à la nationalisation du canal de Suez en 1956 scelle le destin des dizaines de milliers de juifs qui habitent encore le pays. Ils sont désormais tous considérés comme sionistes et ennemis de l’État et sont presque tous expulsés et voient leurs biens confisqués, tout comme la majorité des Européens qui habitaient encore le pays. Aujourd’hui la communauté juive d’Égypte se compose d’une petite centaine de personnes et une association s’efforce toujours de faire vivre le patrimoine de cette communauté disparue.