Découvrez la Bosnie-Herzégovine : À l'écran (cinéma/télévision)

Meurtrie par la tutelle yougoslave puis par la guerre des Balkans, la Bosnie-Herzégovine n’a pu que récemment développer une industrie du septième art. Pour autant, c’est ce pays qui est devenu le plus reconnu de la région, de par la qualité de ses productions cinématographiques. Si la Croatie voisine s’enorgueillit d’accueillir la série Game of Thrones, la Bosnie développe quant à elle une histoire du cinéma indépendant riche en pépites, inspirée autant par les histoires d’Europe de l’Est que par son propre passé. Tout récemment, c’est La Voix d'Aïda de la cinéaste Jasmila Žbanić qui a conquis les festivals internationaux et européens en empochant au passage une nomination aux Oscars. Cinéphiles, vous trouverez également votre bonheur dans les nombreuses salles de Sarajevo, qui accueillent depuis 1995 le plus grand festival de la région. Un événement dédié au court comme au long-métrage, avec son lot d’invités de marque.

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Un cinéma jeune mais vivace

Avant l’indépendance, plusieurs productions yougoslaves sont déjà tournées dans la région de Sarajevo et aux alentours. Dès 1961, le cinéaste monténégrin Veljko Bulajić y pose sa caméra et réalise Uzavreli grad, un drame se déroulant dans la ville de Zenica, alors un centre industriel fourmillant de vie. Bulajić tourne plusieurs fois dans la région, notamment des films patriotiques à la gloire des héros yougoslaves face aux nazis. Kozara ou Les Diables rouges face aux SS (1962) remporte le grand prix du festival international de Moscou la même année. Deux décennies plus tard, c’est le Serbe Emir Kusturica, qui tourne son tout premier long-métrage à Sarajevo, sa ville natale. Te souviens-tu de Dolly Bell ? (1981) raconte la vie difficile de Dino, adolescent des banlieues qui se complaît dans le cinéma de l’Ouest, plein de promesses. Sa rencontre avec Dolly Bell, strip-teaseuse professionnelle, va accélérer la rude transition entre l’adolescence et l’âge adulte du jeune homme. Une première œuvre qui vaudra à son cinéaste trois récompenses au festival de Venise, dont celle du meilleur premier film. Cette même année s’ouvre l’Académie des arts performatifs de Sarajevo, qui accueillera certains des plus grands noms du cinéma yougoslave, puis bosnien. C’est de cette école qu’est issu Benjamin Filipović, peut-être le premier cinéaste national. En effet, c’est en 1991, à la veille du scrutin sur le point de confirmer l’indépendance du pays, qu’il sort son premier film, Vacances à Sarajevo. Entre drame et comédie, ce récit écrit par le poète et scénariste bosniaque Abdulah Sidran narre les aventures d’une bande de voleurs originaires de Sarajevo, de retour à la maison pour les fêtes de fin d’année.

Avec la guerre, le cinéma bosnien à peine né connaît un coup d’arrêt, même si plusieurs cinéastes dont Filipović réalisent des documentaires autour du conflit. Parmi ces productions, Miracle en Bosnie de Danis Tanović (1995) relate les difficiles premiers mois de l’armée bosnienne, dans laquelle le cinéaste était engagé. En 1994, il quitte la Bosnie pour la Belgique, où il reprend des études de cinéma. En 2001, il réalise No Man’s Land, son premier long-métrage de fiction. Cette confrontation entre un Serbe et un Bosniaque, tous deux coincés dans une tranchée pendant le conflit des Balkans, vaudra à son auteur le prestigieux Oscar du meilleur film étranger, ainsi que le César du meilleur premier film, et le prix du scénario à Cannes. Depuis, il est un habitué de la Berlinale, où il a déjà remporté l’Ours d’argent en 2013 pour La Femme du ferrailleur, et le grand prix du jury en 2016 avec Mort à Sarajevo.

Enfin, l’on ne saurait parler du cinéma bosnien sans évoquer la cinéaste Jasmila Žbanić, également formée à l’Académie de Sarajevo. Ours d’or à Berlin avec Sarajevo, mon amour (2006), elle a tout récemment marqué l’année 2020 avec La Voix d’Aida. Sélectionnée à Venise, nominée aux Oscars, l’histoire de cette traductrice pour l’ONU coincée dans la tristement célèbre Srebrenica en 1995 a fait le tour du monde. La réalisatrice a d’ailleurs obtenu avec ce film le prix du meilleur film au cours des 34e European Film Awards, où l’actrice Jasna Đuričić a également été saluée pour sa prestation puissante. Des talents qui rayonnent de plus en plus à l’international, sans pour autant oublier les cicatrices de ce passé encore très récent.

Auriez-vous vu Sarajevo ?

Depuis l’indépendance, force est de constater que la Bosnie n’attire pas les tournages internationaux, malgré un renouveau de l’industrie nationale. Hormis les cinéastes locaux, il est en effet assez rare de voir des productions s’arrêter dans le pays. Néanmoins, certains films mettent tout de même en lumière la ville, à l’instar de Seule contre tous de Larysa Kondracki (2010). Basé sur l’histoire vraie de Kathryn Bolkovac, inspectrice américaine qui révéla un réseau de proxénétisme au sein de la mission de l’ONU, le film met en scène Rachel Weisz dans le rôle-titre. Tourné majoritairement en Roumanie, Seule contre tous récolte des critiques mitigées à sa sortie, la presse saluant malgré tout la prestation de l’actrice, et le ton sombre et envoûtant de l'œuvre.

Capitale de cinéma

À défaut d’être représentée sur les écrans internationaux, Sarajevo peut se targuer d’accueillir l’un des plus grands festivals de la région. Initialement fondé en 1995, comme un appel à la vie alors que le siège de la ville est encore strict, cet événement a pris une ampleur internationale à la fin de la guerre, et accueille depuis des dizaines de productions du monde entier. Des célébrités comme Daniel Craig, Angelina Jolie ou encore Gérard Depardieu et Oliver Stone ont foulé le tapis rouge du festival, aux côtés de plus de 100 000 festivaliers en 2022. Depuis 2007, le Sarajevo Film Festival propose par ailleurs toute une série de rencontres, partie intégrante de son programme CineLink : des master class, des débats et des conférences mettant en avant le cinéma d’Europe de l’Est, tout en faisant se rencontrer la jeune génération bosnienne et les grands noms du septième art, Ruben Östlund, Sergueï Loznitsa, Ari Folman, des noms qui ne seront pas étrangers aux plus cinéphiles d’entre vous. Côté détente, la période estivale à laquelle se déroule le festival vous incitera à profiter des projections en plein air, où vous pourrez découvrir de nombreuses pépites. Sur les bords de la Miljacka, vous pourrez profiter de l’ambiance à nulle autre pareille que le festival imprime sur la cité.

Quelques salles à découvrir

À Sarajevo, votre première étape sera sans contexte le Meeting Point Cinema. Petit cinéma géré par l’Obala Art Center, organisateur du festival, cette salle vous accueille devant des productions européennes comme américaines. Une programmation riche et une ambiance sympathique qui se prolonge après la séance au Meeting Point Café attenant. Ensuite, direction le Cinema City, premier multiplex de la ville, et désormais lieu incontournable. Hors de la capitale, il vous sera plus difficile de trouver votre bonheur devant un écran. Vous trouverez cependant des multiplex dans les villes de Zenica, Mostar ou encore Banja Luka à des prix très abordables et avec des films projetés en version originale. De quoi satisfaire l’appétit des plus cinéphiles.

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