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Démographie

En 2022, la Bosnie-Herzégovine comptait 3,2 millions d’habitants, selon la Banque mondiale. Comme dans tous les pays des Balkans, la population est actuellement en baisse. Mais le phénomène est ici aggravé par les effets de la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995). Alors que le pays a vu sa population augmenter de 69 % entre 1950 et 1990, il a connu une chute brutale de 20 % durant le conflit : 4,4 millions d’habitants en 1992, contre 3,5 millions en 1995. Cela est dû à la mort d’environ 100 000 personnes (principalement des civils bosniaques) et à d’importants départs vers l’étranger durant les hostilités. Depuis 1995, la mauvaise situation économique et les tensions toujours vives entre communautés ont entraîné une baisse de la natalité (1,24 enfant par femme en 2020) et la poursuite de l’émigration. Ainsi, malgré une hausse de l’espérance de vie moyenne (77,4 ans en 2021), le pays devrait passer à moins de 3 millions d’habitants dans les années 2030. Alors que la densité de population est actuellement de 65 habitants/km², on constate déjà une désertification dans les campagnes. La Bosnie-Herzégovine demeure toutefois un pays encore très rural avec seulement 50 % de la population vivant en ville. Les cinq principales agglomérations sont Sarajevo (475 000 habitants), Banja Luka (190 000), Tuzla (115 000), Bijeljina (110 000) et Mostar (105 000). Parmi les trois entités du pays, la plus peuplée est la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine avec environ 2 millions d’habitants. On compte à peu près deux fois moins d’habitants dans la République serbe de Bosnie et moins de 90 000 habitants dans le district de Brčko.

Bosniens

Ce terme désigne deux catégories de population. D’une part, tous les habitants de Bosnie-Herzégovine sont des Bosniens : c’est leur citoyenneté, qui figure par exemple sur leur passeport. D’autre part,  tous les habitants doivent choisir une « nationalité », c’est-à-dire une communauté ou un groupe. Jusqu’en 2015, les citoyens avaient le choix entre quatre catégories : « Bosniaque », « Serbe », « Croate » ou « autre ». Mais un changement est intervenu à la naissance de Faruk Salaka, en avril 2014. Les parents de ce bébé ont bataillé pour que leur enfant soit enregistré par l’administration en tant que « Bosnien ». Ils ont obtenu gain de cause en février 2015 : le petit Faruk Salaka est ainsi devenu le premier habitant du pays à être un « Bosnien ». Toutefois, à ce jour, très peu de personnes ont opté pour cette nouvelle « nationalité » : quelques centaines, voire quelques milliers tout au plus, car les habitants demeurent très attachés aux anciennes « nationalités », d’autant que celles-ci donnent le droit à des avantages, notamment en termes de représentation politique, d’accès à l’éducation, etc.

Bosniaques

Ils seraient environ 1,6 million et représentent officiellement 50,1 % de la population. Le terme « bosniaque » désigne les habitants slaves de religion et/ou de tradition musulmane. Selon les institutions, les Bosniaques parlent le « bosnien », une langue presque identique aux deux autres langues officielles du pays (serbe et croate). Du fait de « l’épuration ethnique » menée par les forces bosno-serbes en 1992-1995, les Bosniaques résident aujourd’hui surtout dans la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine où ils représentent 70,4 % de la population. Au sein de cette entité, ils constituent plus de 80 % de la population dans cinq des dix cantons : Sarajevo, Tuzla, Una-Sana (Bihać), Zenica-Doboj et Goražde. Ils sont également majoritaires dans le canton de Bosnie centrale (Travnik) avec 58 % de la population et représentent 41 % des habitants du canton d’Herzégovine-Neretva (Mostar). Au sein de la République serbe de Bosnie, les Bosniaques représentent 14 % de la population et sont surtout présents dans la partie orientale, près de la Serbie et du Monténégro. Enfin, dans le district de Brčko, ils forment le groupe principal avec 43 % de la population. Comme les Serbes, les Croates, les Slovènes ou les Monténégrins, les Bosniaques sont les descendants de Slaves qui se sont mêlés aux précédents peuples des Balkans à partir du VIe siècle. L’identité « bosniaque » s’est forgée au fil des siècles. On retient trois étapes importantes : la fondation du royaume de Bosnie en 1154, la création de l’Église bosnienne, en 1252, sous l’influence du mouvement révolutionnaire chrétien des bogomiles (« les cathares des Balkans »), et la domination ottomane à partir de 1463 qui entraîne l’islamisation de toute une partie des habitants, appelés « bosniaques » pour les différencier des chrétiens serbes et croates vivant sur le même territoire. Aujourd’hui, les Bosniaques sont culturellement très proches des Serbes et des Croates avec une langue et des traditions communes. Mais ils se distinguent en suivant les grandes fêtes musulmanes (même s’ils sont en général peu pratiquants) et étant historiquement la population la plus urbanisée et la mieux éduquée du pays. Par ailleurs, le terme « bosniaque » sert aussi pour désigner la plupart des Slaves islamisés de la péninsule balkanique, qu’ils soient ou non originaires de Bosnie-Herzégovine. On trouve ainsi des Bosniaques surtout en Serbie (150 000 personnes) et au Monténégro (90 000).

Bosno-Serbes

Ils seraient environ 900 000 et représentent officiellement 30,8 % de la population. Mais ils ont longtemps constitué le premier groupe devant les Bosniaques (44 % encore en 1961). Le terme « bosno-serbe » désigne les habitants slaves de religion et/ou de tradition chrétienne orthodoxe serbe en Bosnie-Herzégovine. Toutefois, eux-mêmes se disent « Serbes » ou « Serbes de Bosnie ». Selon les institutions, les Bosno-Serbes parlent serbe, une langue quasi identique au bosnien et au croate, bien qu’elle s’écrive en théorie en alphabet cyrillique. Le serbe est l’une des trois langues officielles de Bosnie-Herzégovine. C’est également la langue officielle en Serbie et l’une des deux langues officielles du Kosovo. Depuis 1995, les Bosno-Serbes résident principalement en République serbe de Bosnie où ils représentent 81,5 % de la population. Ils constituent 2,4 % de la population en Fédération de Bosnie-et-Herzégovine et 34,6 % dans le district de Brčko. L’identité serbe s’est constituée progressivement depuis le VIe siecle. On retient trois étapes principales : la fondation du royaume de Serbie (au sud de la Serbie et au Kosovo) en 1166 avec la dynastie des Nemanjić qui se convertissent à l’orthodoxie sous l’influence des Byzantins, la victoire ottomane de Kosovo Polje (au Kosovo) en 1389, qui reste pour les Serbes le symbole du début d’une résistance culturelle, et les deux guerres mondiales durant lesquelles les Serbes ont subi des pertes effroyables causées notamment par les Bulgares, les Croates, les Albanais et, dans une moindre mesure, par les Bosniaques. L’Église orthodoxe serbe constitue le principal facteur d’unité des Serbes. Ainsi, historiquement, les Bosno-Serbes sont les habitants les plus pratiquants du pays. Ils sont aussi marqués par davantage de traditions rurales et militaires. Ailleurs dans les Balkans, les Serbes sont surtout présents en Serbie (83 % des 6,8 millions d’habitants) et au Monténégro (28 % des 600 000 habitants). Enfin, il faut noter qu’un grand nombre de Bosno-Serbes disposent de la double nationalité avec la Serbie.

Bosno-Croates

Ils seraient environ 500 000 et représentent officiellement 15,4 % de la population. Le terme « bosno-croate » désigne les habitants slaves de religion et/ou de tradition chrétienne catholique romaine en Bosnie-Herzégovine. Eux-mêmes se disent « Croates », « Croates de Bosnie » ou « Croates d’Herzégovine ». Selon les institutions, les Bosno-Croates parlent croate, une langue quasi identique au bosnien et au serbe. C’est l’une des trois langues officielles en Bosnie-Herzégovine et la langue officielle de la Croatie. Depuis 1995, les Bosno-Croates résident principalement dans les régions proches de la Dalmatie (sud de la Croatie) et la majorité d’entre eux disposent de la double nationalité avec la Croatie. Au sein de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine, ils représentent 22,4 % de la population et plus de 75 % dans trois des dix cantons de l’entité : Herzégovine de l’Ouest, Posavina (enclaves du nord du pays) et Canton 10 (Tropolje). Ils sont également majoritaires (53 %) dans le canton d’Herzégovine-Neretva (Mostar). Par ailleurs, ils représentent 2,4 % de la population de la République serbe de Bosnie et 22,6 % de celle du district de Brčko. Depuis le VIe siècle, l’identité croate s’est forgée au contact des autres peuples des Balkans, mais aussi sous l’influence de puissances occidentales (papauté, Venise, Empire austro-hongrois). On retient trois dates décisives : en 679, l’assemblée de Duvno (aujourd’hui Tomislavgrad, en Tropolje) marque la première grande division entre la papauté et les Byzantins, faisant de la Croatie et d’une partie de la Bosnie-Herzégovine des terres « historiquement catholiques », en 1068, Krešimir IV fonde le premier royaume croate en unissant la Croatie et la Dalmatie, en 1934, l’assassinat du roi serbe de Yougoslavie à Marseille demeure le symbole du refus des Croates d’une mainmise serbe sur la Yougoslavie. Finalement, leur foi catholique place les Croates (comme les Slovènes) à mi-chemin entre le monde slave et le monde latin. N’ayant que peu subi les influences byzantine et ottomane, les Bosno-Croates sont nettement moins « orientalisés » que les Bosniaques et les Bosno-Serbes. Ailleurs dans les Balkans, les Croates sont surtout présents en Croatie (90 % des 4 millions d’habitants) et dans la province serbe de Voïvodine (47 000 habitants).

Minorités

Elles totalisent de 80 000 à 100 000 habitants, c’est-à-dire moins de 3 % de la population du pays. Au niveau national, dix-sept minorités sont reconnues et bénéficient en théorie de protection. Pour autant, celles-ci sont aussi très fortement touchées par l’émigration. Si bien que certaines minorités reconnues n’existent tout simplement déjà plus. Les Roms constituent la principale minorité et la seule dont la population augmente. Aujourd’hui, ils seraient de 60 000 à 80 000. Venus du sous-continent indien, leurs ancêtres ont pénétré dans les Balkans au XIIIe siècle. Autrefois principalement installés dans le territoire de l’actuelle République serbe de Bosnie, les Roms en ont été chassés durant la guerre de 1992-1995 et sont aujourd’hui surtout présents dans le canton de Tuzla (Fédération de Bosnie-et-Herzégovine). C’est la communauté du pays qui subit le plus de discriminations (déscolarisation, chômage, racisme…). Le deuxième groupe est celui des Albanais. Estimés à environ 10 000, ils vivent surtout à Sarajevo. Originaires du Kosovo et de Croatie, où réside la minorité albanophone des Arbanasis, ils sont arrivés ici à partir de l’ère ottomane. Viennent ensuite les Monténégrins : plus de 3 000 à Sarajevo, à Banja Luka et à Trebinje. Parmi les autres minorités d’ex-Yougoslavie, on trouve environ 2 000 Macédoniens et 400 Slovènes. Le pays compte également plusieurs petits groupes de descendants de familles de l’ex-Empire austro-hongrois qui se sont installées ici à la fin du XIXe siècle : environ 200 Slovaques, 300 Russes, 400 Allemands, 500 Polonais, 600 Tchèques, 800 Hongrois, un millier d’Italiens et à peu près autant d’Ukrainiens. Ces derniers sont surtout installés dans le nord, à Prnjavor et à Banja Luka, où 10 000 Ukrainiens s’étaient établis vers 1890 en arrivant de la province austro-hongroise de Galicie (aujourd’hui en Pologne). Les Italiens sont arrivés dans la même région et à la même période. Originaires du nord de l’Italie (Trentin), leurs descendants sont encore majoritaires dans certains villages comme Štivor (près de Prnjavor). Deux minorités toujours officiellement reconnues semblent quant à elles avoir disparu : les Ruthènes et les Roumains. Leur présence remonte aussi à la période austro-hongroise, mais chaque groupe ne comptait plus qu’une centaine de personnes avant la dernière guerre. Enfin, deux minorités issues de l’ère ottomane ont vu leur nombre fortement diminuer au XXe siècle. Il reste ainsi environ un millier de Turcs et à peu près autant de Juifs, principalement à Sarajevo. Ces derniers sont pour la plupart des descendants de Juifs chassés d’Espagne en 1492 et accueillis par les Ottomans en Bosnie en 1581. Ils étaient 14 000 avant la Seconde Guerre mondiale, mais environ 10 000 d’entre eux furent tués par les nazis et leurs alliés croates. On notera toutefois que les Juifs constituent sans doute la plus ancienne des communautés actuelles du pays. Leur présence remonte en effet à la fin de l’Antiquité. En témoignent les vestiges de la synagogue de Dabravina, près de Zenica, qui date de la période romaine ou byzantine.

Étrangers

La Bosnie-Herzégovine est confrontée à un phénomène nouveau d’immigration massive avec l’arrivée d’environ 100 000 personnes venant de pays musulmans depuis 2015 (l’équivalent de plus de 2 millions de personnes rapporté à la population française). On distingue deux tendances bien distinctes qui concernent surtout la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine. D’une part, il y a l’installation de 20 000 à 40 000 ressortissants de pays arabes du Golfe (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Koweït…), notamment à Ilidža, la banlieue chic de Sarajevo. Ceux-ci ont fait le choix d’acquérir une résidence principale ou secondaire par attrait du pays. Cela fait suite au Printemps arabe (2010-2012) qui a rendu des destinations comme la Tunisie et l’Égypte moins attractives pour les touristes, expatriés et investisseurs des pays du Golfe. Ces derniers se sont ainsi rabattus sur la Bosnie-Herzégovine qui présente à leurs yeux deux avantages : un caractère « exotique » par son architecture, ses mœurs ou son climat, puisqu’elle est en Europe ; une certaine facilité pour vivre selon les règles strictes de l’islam, puisqu’on y trouve une large communauté musulmane ainsi qu’un grand nombre de mosquées et de magasins halal. L’autre tendance récente, c’est l’arrivée de migrants : des réfugiés provenant principalement de Syrie, d’Afghanistan et du Kosovo. Au départ, ceux-ci ne faisaient que passer pour rejoindre l’Union européenne. Mais lorsque la Croatie voisine, membre de l’UE, a fermé la plupart de ses postes-frontière en 2015, plusieurs milliers de migrants se sont retrouvés coincés en Bosnie-Herzégovine. Les passages vers la Croatie ont toutefois continué mais de manière illégale et périlleuse (environ 10 000 par an), tandis que des camps d’hébergement aux conditions de vie souvent inhumaines ont été créés, principalement à Sarajevo et à Bihać, près de la frontière. Au pic de la crise, de 2018 à 2021, la Bosnie-Herzégovine aurait ainsi accueilli 70 000 réfugiés. Toutefois, depuis fin 2021, le nombre de passages est en léger recul, une partie des candidats à l’immigration pour l’UE préférant désormais tenter leur chance en Serbie et en Roumanie pour rejoindre la Hongrie. La Bosnie-Herzégovine compte par ailleurs sur son territoire environ 30 000 ressortissants étrangers en situation régulière, dont près de 2 000 francophones. Il s’agit surtout de familles de diplomates et du personnel d’entreprises internationales (comme Sanofi, Schneider ou L’Oréal pour la France) ou bien encore de membres d’associations caritatives (très nombreuses depuis la guerre) ainsi que des familles binationales. Enfin, il faut ajouter la présence de 1 600 militaires de l’Eufor (ou force européenne Althea) qui, bien que dirigée par l’UE, comprend aussi bien des contingents autrichiens, hongrois et roumains que turcs et chiliens. Depuis 2004, l’Eufor a pris le relais de l’Otan (missions IFOR et SFOR) pour faire respecter les accords de paix de 1995.

Diaspora

Elle est très importante, puisqu’on estime que plus de 2 millions de Bosniens vivent à l’étranger. Selon la Banque mondiale, c’est le premier pays des Balkans et le seizième au monde en termes d’émigration. Plusieurs vagues de départs ont eu lieu depuis le XXe siècle. On retient par exemple celles qui suivent la prise de contrôle de la Yougoslavie par les Serbes en 1918 : nombre de Bosno-Croates se réfugient alors en Autriche, aux États-Unis ou en France. On peut également citer l’accord conclu entre la Yougoslavie socialiste et la Turquie en 1963, qui incite les populations musulmanes (Bosniaques, Turcs et Albanais) à s’installer en Turquie. Mais ce sont les guerres qui ont entraîné le plus de déplacements. Ainsi, durant les années 1941-1945, de nombreux Roms et Bosno-Serbes partent pour la Serbie afin d’échapper aux massacres commis par les oustachis croates. Le conflit de 1992-1995 est toutefois différent, puisqu’il a provoqué une émigration qui se poursuit aujourd’hui. La diaspora récente (depuis 1992) est surtout concentrée dans cinq pays, au premier rang desquels figure l’Allemagne. Celle-ci compte ainsi sur son territoire près de 400 000 personnes nées en Bosnie-Herzégovine (en majorité des Bosniaques), auxquelles s’ajoutent les enfants nés sur place et les Allemands d’origine bosnienne. Les citoyens bosniens sont 170 000 en Autriche, pays qui compte d’ailleurs la plus forte proportion d’exilés d’ex-Yougoslavie sur son sol. Les États-Unis affichent pour leur part une communauté de 350 000 Bosniens, mais en prenant en compte aussi bien les Américains d’origine bosnienne que les familles arrivées récemment (environ 100 000 personnes) et leurs enfants nés sur place. Quant à la Serbie et à la Croatie, elles ont accueilli environ 300 000 Bosno-Serbes et Bosniaques pour la première et environ 100 000 Bosno-Croates pour la seconde. Le reste de la diaspora vit ensuite principalement en Scandinavie (près de 200 000 citoyens bosniens en Norvège, en Suède et au Danemark), en Australie (40 000), en Italie (31 000) et en France (30 000). Tous ces exilés ont un poids considérable sur l’économie du pays, puisqu’ils investissent chaque année plus d’un milliard d’euros en Bosnie-Herzégovine. Pour autant, les autorités bosniennes ne font pas grand-chose pour eux, pour les inciter à revenir par exemple. Si bien que les liens se distendent de plus en plus. Depuis 1995, environ 100 000 membres de la diaspora ont ainsi renoncé à la citoyenneté bosnienne.