Des atouts verts à préserver
La Turquie a des richesses naturelles indéniables. Chaque fois que l’on effectue deux heures de route, on se retrouve dans une région différente avec d’impressionnants changements de paysage, de température, d’altitude, d’humidité, de végétation et de conditions climatiques. Ce paysage combine les caractéristiques des trois vieux continents, l’Europe, l’Afrique et l’Asie, et la diversité des milieux écologiques surpasse celle de tout autre endroit le long du 40° de latitude nord. La Turquie est une destination de plus en plus prisée par les randonneurs qui apprécient ses montagnes couronnées de neige, dont la plus haute est Ağrı Dağı (le mont Ararat), avec son sommet qui s’élève à 5 165 m. Le point culminant du volcan Ararat marque le dernier soubresaut de l’Himalaya. C’est également un pays de rivières (le Tigre comme l’Euphrate naissent en Turquie), mais aussi d’immenses lacs : le lac Salé (Tuz Gölü) et ceux de Van, Burdur, Eğirdir, Beyşehir, Iznik, notamment. De vastes forêts couvrent l’Anatolie orientale, les côtes de la mer Noire, ainsi que le littoral méditerranéen. C’est une des régions botaniques les plus riches du monde, avec plus de 10 000 espèces de plantes, dont 3 000 endémiques à la Turquie. En fait, il y a plus d’espèces de plantes dans la région d’Istanbul que dans toute la Grande-Bretagne.
Un développement anti-écologique
La Turquie a vu ses besoins en énergie doubler depuis les années 2000. Afin de réduire sa dépendance aux importations de Russie et d’Iran, avec qui les relations sont instables, elle mise surtout sur le charbon, n’en déplaise aux défenseurs de l’environnement. Près d’un tiers de l’électricité produite sur le territoire provient de centrales à charbon, le plus polluant des combustibles fossiles. Le pays a bien signé l’accord de Paris sur le climat en 2015, mais le Parlement ne l’a toujours pas ratifié. Les projets de développement de l’éolien et de l’énergie solaire ne sont pas inexistants, mais encore peu développés. Le gouvernement mise également sur l’hydraulique, mais là encore au grand dam des écologistes. Dans le sud-est du pays, le lac artificiel du barrage d’Ilisu, dont le remplissage a commencé en juillet 2019, a englouti en février 2020 les sites antiques d’Hasankeyf. Quelques vestiges ont été déplacés par le gouvernement dans un musée à ciel ouvert.
Le développement économique s’accompagne de grands projets contestés. Le président Erdoğan a (pour le moment) renoncé à son projet de construction du Canal Istanbul, entre la mer Noire et la mer de Marmara, censé désengorger le détroit du Bosphore, et qui déstabiliserait énormément les écosystèmes. Mais il n’en est pas de même pour la construction d’un nouvel aéroport au nord d’Istanbul. Ce dernier a ouvert fin 2018. Il a été construit dans un espace qui abritait autrefois une forêt, nécessitant l’abattage de 13 millions d’arbres. À terme, il est censé accueillir 200 millions de voyageurs chaque année d’ici à 2028.
Des espaces aquatiques asphyxiés
Le développement industriel du pays a déjà de graves conséquences sur les écosystèmes. On peut parler de pollution à grande échelle dans la mer de Marmara : le taux d’oxygène a été diminué de moitié, les taux de métaux, mercure et plomb, retrouvés dans les poissons sont inquiétants, et encore plus dans les moules qui ont la propriété de tout absorber. Cette mer quasi fermée cumule les rejets nocifs : ceux des usines des raffineries de la baie d’Izmit et du bassin industriel de Dilovasi, ceux de l’agriculture, mais aussi ceux des habitations, dont les eaux usées sont encore trop peu traitées. À cela, il faut ajouter la circulation incessante dans le détroit du Bosphore, déclaré passage international depuis la déclaration de Montreux en 1936 : plus de 120 bateaux par jour. Par ailleurs, un danger naturel est apparu en 1982 : le Cténophore Mnemiopsis Leidyi, un genre de petite méduse qui perturbe fortement l’équilibre aquatique. Le lac de Küçükçekmece (Istanbul) a vécu un drame en 2005, puisque son effectif aquatique a été décimé dans sa totalité. La région des lacs est aussi impactée par différentes menaces, à commencer par le lac Salda, qui, bien qu’ayant été déclaré zone protégée, est menacé par des projets de construction. D’autres lacs sont déjà asséchés ou menacent de le devenir, notamment les lacs de Burdur et d’Akşehir. Entre Izmir et Bodrum, le lac Bafa est devenu le débouché naturel des conduites d’égouts. La plus longue rivière d’Istanbul, Riva (65 km), connue jadis pour sa beauté, est purement asphyxiée. Réputés pour ses roseaux, les marais de Sultan (Bursa) sont en train de s’assécher (drainage), si ce n’est déjà fait. Il en est de même pour le lac de Seyfe (Kırşehir) qui a vu ses 100 000 oiseaux s’envoler à tout jamais. Le lac de Uluabat (Bursa), l’un des 9 sites protégés pour leur environnement aquatique (cormoran pygmée, crabier chevelu, spatule blanche, etc.), est sous la menace d’une zone industrielle et ce, malgré une convention internationale. Dans ce contexte, des associations comme WWF Turquie ou Greenpeace Méditerranée tentent de mobiliser l’opinion pour sauver les écosystèmes. Greenpeace Méditerranée a récemment alerté sur l’impact des déchets avec une étude révélant que 44 % des poissons testés en Turquie contenaient des micro-plastiques.
Des luttes écolos aux quatre coins du pays
L’augmentation du prix des matières premières sur les marchés financiers a aiguisé les appétits pour les sous-sols turcs, et pas seulement pour les hydrocarbures. La Turquie a approuvé 36 122 projets miniers, énergétiques et autres entre 2012 et 2017 sur un total de 246 257 hectares de forêts, selon la Foresters Foundation of Turkey. L’activité de la mine de Kişladağ, dans le district de Uşak, a placé la Turquie en tête des producteurs d’or en Europe et dans le Moyen-Orient. Mais ces activités rencontrent des oppositions locales. L’assassinat d’un couple de défenseurs de l’environnement, en 2017, à Finike dans le district d’Antalya, convoité pour ses mines de marbre, a beaucoup ému dans la société civile.
Plus récemment, un large mouvement de contestation est né dans la région du mont Ida (Kazdaglari en turc), contre un projet de mine d’or porté par Dogu Biga, filiale turque de la compagnie canadienne Alamos Gold. Des manifestations ont rassemblé plusieurs milliers de personnes. Les grands projets de développement d’Istanbul, qui a vu sa population passer de 1 million, en 1950, à 15 millions aujourd’hui, font aussi l’objet d’une contestation. Le mouvement protestataire de 2013, dit de la place Taksim, a été initié par des écologistes qui s’opposaient à la bétonisation du parc Gezi, l’un des seuls espaces verts du quartier du même nom. Si la mobilisation s’est ensuite étendue à d’autres revendications plus globalement anti-gouvernementales, elle témoigne de l’intérêt de la population pour ces questions. Le projet de construction d’un centre commercial à cet endroit est désormais en suspens. Comme dans d’autres capitales occidentales, l’intérêt pour l’environnement s’est développé dans une partie de la population. Le quartier bohème de Cihangir est à l’image de cette nouvelle génération cosmopolite et sensible aux alternatives écologistes. Le maire Ekrem Imamoglu a été élu en 2019 avec un programme plus progressiste et écologique que son prédécesseur. L’occasion d’un changement de donne ?
Les escapades nature les plus prisées
La Turquie a mis en place un système de zones naturelles protégées, dont une quarantaine de parcs nationaux, une trentaine de zones conservation, plus de 80 réserves. Les espaces protégés couvrent environ 7 % de son territoire. Comme expliqué précédemment, ils sont insuffisants et cela ne suffit pas à contenir les différentes pressions qui s’y exercent. Les parcs nationaux doivent souvent leur intérêt aux sites historiques qu’ils abritent. Pour autant, certains valent le détour pour leur intérêt naturel. Le Parc national du delta de la vallée de Dilek-Büyük Menderes, sur la péninsule de Dilek, abrite une faune abondante. On peut y voir les très rares guépards anatoliens, des chevaux sauvages, des otaries et des tortues de mer. Dans le golfe d’Edremit, le Parc national du mont Kaz est l’un des plus beaux de Turquie. Le sommet du mont Kaz atteint 1 174 m. Les beautés naturelles entourant ce parc national sont principalement des sources d’eau et des arbres imposants. Pour des activités en plein air, l’Uludag (ancien Olympe de Mysie) à 35 km de Bursa, à une altitude de 2 543 m, est une destination idéale. C’est un lieu de promenade, de pique-nique en été (de juin à septembre) et une station de sports d’hiver très fréquentée de décembre à avril. Si l’on ne se sent pas d’attaque pour marcher jusqu’au sommet (3 heures dans chaque sens depuis le secteur des hôtels) ou pour skier (l’hiver seulement), on peut emprunter le téléphérique et savourer d’en haut le panorama et la fraîcheur de l’air. Le terminus du téléphérique, à Sarıalan, regroupe une poignée de petites échoppes de restauration, un camping situé dans la zone du parc national et des sentiers de randonnée. Ceux qui aiment les oiseaux ne manqueront pas de visiter la Réserve ornithologique naturelle Kuscenneti (Paradis des oiseaux). Cette réserve abrite environ 255 espèces d’oiseaux et compte 2 à 3 millions de visiteurs ailés. Les mois allant d’avril à juin et de septembre à novembre, époques des migrations annuelles, sont les meilleures périodes pour observer les oiseaux.