Histoire et traditions
S'étendant de l'Equateur jusqu'au centre du Chili, l'Empire inca pendant plus de trois siècles d'existence a eu à sa disposition une immense diversité de produits avec comme aliments de base les tubercules, les racines et les céréales. Parmi ces végétaux on pense notamment à la pomme de terre, qui aurait été domestiquée aux alentours du lac Titicaca il y a près de 8 000 ans. Au XVIe siècle les Espagnols ramènent ce légume-racine en Europe où la plante est longtemps boudée à cause de sa chair qui tend à bleuir en s'oxydant. La pomme de terre se décline ici en plusieurs centaines de variétés différentes. Si en Occident nous sommes habitués aux pommes de terre tout ce qu'il y a de plus lisses et calibrées, les Péruviens n'ont que l'embarras du choix : longue, ronde, cylindrique, bosselée, jaune, rouge, brune, rose, noire, pourpre, avec une chair tout aussi colorée.
Le maïs originaire du Mexique fut introduit plus tard, au gré des échanges commerciaux. Très cultivé, il est prisé et rentre toujours dans la composition d'un grand nombre de plats péruviens. Le quinoa lui par contre vient bien des Andes. Sa culture facile et sa richesse en fibres et en protéines ont fait fortement gonfler la demande internationale et donc le prix de cette céréale. Au point même qu'elle est devenue parfois trop chère pour certaines populations andines qui s'en nourrissaient initialement.
Mais on retrouve dans la région une multitude de plantes toujours peu connues en Occident. On pense par exemple au tarwi ou chocho – une variété de lupin – prisé pour ses graines riches en protéines. Ou encore à l'ahipa apprécié tant pour ses graines nourrissantes que pour ses tubercules semblables à un navet très croquant. L'oca ressemble à une petite pomme de terre rosâtre et bosselée. Elle peut être amère ou plus sucrée selon les variétés. Elle s'apparente beaucoup à la capucine tubéreuse ou mascho. Sans oublier l'ulluco, assez semblable, dont les feuilles rondes sont également comestibles.
Parmi les autres plantes, citons le maka, proche d'un radis ou le yacón ou poire de terre, de la famille du tournesol. L'arracacha ou pomme de terre-céleri est de la famille de la carotte. L'achira est prisée pour ses racines sucrées, cuites et réduites en farine. Enfin, le paiko est utilisé comme légume-feuille, comme tisane ou comme épice, pour son goût puissant et résineux. Plusieurs espèces d'algues étaient également consommées.
La viande des lamas et des alpagas était également populaire – tout comme leur laine. Le sharqui, des lanières de viande lyophilisée, pouvait se conserver très longtemps. Le cuy ou cochon d'Inde, domestiqué en 2000 av. J.-C., est très apprécié pour sa viande souvent grillée ou en soupe. Sans oublier divers mammifères, oiseaux, voire insectes.
Produits et habitudes alimentaires
Sur les marchés les étals débordent de produits parfois rares et inattendus, mais aussi d'autres plus communs. En plus de la pomme de terre, du quinoa ou du maïs, on fait ici bon usage des haricots secs, des tomates, de la courge ou des avocats. En Amazonie on cultive le manioc, l'ananas, la canne à sucre ou le cacao. A l'inverse le climat doux et ensoleillé des premiers versants des Andes, fait du Pérou l'un des plus gros producteurs mondiaux de raisins, de myrtilles, d'artichauts, d'asperges ou même d'olives.
Cumin, anis, cannelle, clou de girofle, piment, coriandre ou encore basilic sont des aromates communs. L'ají amarillo est un petit piment jaune conique, modérément piquant, emblématique du pays, alors que l'ají panca, un piment très doux et rouge sombre, est souvent préparé sous forme de pâte. Si le maïs ou le quinoa étaient les céréales les plus populaires l'introduction du blé a permis le développement de nombreuses recettes de pain, comme le pan chapla ou le pan huasco, des pains plats très consommés dans les régions andines. Le riz est un accompagnement très commun.
Les eaux qui longent les côtes péruviennes sont parmi les plus poissonneuses du monde grâce au Courant de Humboldt, venu d'Antarctique. Avec 3 000 km de côtes, le Pérou est ainsi un grand pays de pêche et cette activité remonte au premier peuplement du continent. Le poisson, séché et salé, était acheminé vers les Andes du temps de l’Empire inca. Anchois, sardines, thons, bonites, maquereaux, espadons, harengs sont ainsi pêchés sans oublier divers crustacés et mollusques comme le loco (un coquillage proche de l'ormeau). En Amazonie les poissons d'eau douce sont aussi très prisés comme le piranha ou le poisson-chat. Les Péruviens consomment également beaucoup de viande : poulet, bœuf, porc, chèvre, mais aussi dans les Andes de la viande de lama ou de cochon d'Inde.
Ceviche por favor !
Les Péruviens sont particulièrement friands de poisson et de fruits de mer qui se déclinent en une multitude de recettes, notamment crues, qui puisent en partie leur inspiration dans l'importante communauté japonaise qui s'est installée progressivement dans le pays à partir de la fin du XIXe siècle. On pense bien sûr au ceviche, des cubes de filets de poisson marinés dans le jus de citron vert, relevés avec du piment fort et servis avec un hachis d'oignon et de coriandre et accompagnés de patate douce et de maïs bouilli. Ce plat national a été reconnu patrimoine immatériel par l'Unesco en 2023 et est presque une religion le long de la côte Pacifique avec des variantes ou versions propres à chaque région. Le poisson est parfois remplacé par des fruits de mer crus comme la concha negra, une espèce de palourde, des noix de Saint-Jacques ou du poulpe. Le chinguirito est une variante du ceviche avec du poisson séché. Le tiradito est également un plat de poisson cru, mais à la différence du ceviche, il est ici coupé en fines tranches et non en cubes, mais surtout le poisson ne marine pas avec du jus de citron, on le sert totalement cru, directement avec une sauce piquante (piment, jus de citron, gingembre).
On retrouve d'autres recettes à base de produits de la mer comme le pulpo al olivo, du poulpe cuit servi froid avec une sauce crémeuse à base de mayonnaise et d'olives noires ou les choros a la chalaca, des moules garnies d'un mélange tomate-piment-oignon-maïs. Mais on compte également des plats chauds comme la chupe de camarones, une soupe de crevettes, cuites avec du lait, du piment et de l'origan ou la parihuela, une copieuse soupe de poissons et de fruits de mer (crabe, crevettes, moules, coques). Dégustez aussi la jalea (mélange de fritures de fruits de mer), le chicharrón de pulpo (morceaux de poulpe frits) ou l'arroz con mariscos peruano, une sorte de paella de fruits de mer.
Servis dans les cevicherias, ces plats traditionnels sont plus coûteux que d'autres mais les fins de semaine les restaurants débordent car s'il faut faire des sacrifices, le ceviche les vaut tous ! Toutefois cette ferveur propre à la côte et la culture créole n'est pas forcément vraie ailleurs. Le ceviche est le plat emblématique du Pacifique péruvien mais pas de tous les péruviens.
L'immmense diversité de la cuisine péruvienne
Il est commun au Pérou de commencer un repas par une soupe, qui peut même constituer un repas en soi, notamment le soir. Il en existe de toutes sortes, avec morceaux de bœuf ou abats de poulets et légumes variés. Pour les petits appétits, la sopa de casa (bouillon avec pâtes, légumes et viande) alors que le chaque arequipeño – plus copieux – est composé d'un bouillon avec viande, chou, pomme de terre, blé et tomate. Dans les Andes, ne pas manquer de déguster la sopa de quinua, un potage de légumes et de quinoa. L'aguadito de pollo est une soupe de poulet (dont les abats) avec des légumes et beaucoup de coriandre.
Citons également les nombreuses entrées et salades, qui sont généralement riches et copieuses avec comme ingrédient récurrent la pomme de terre. On retrouvera ainsi la causa a la limeña, composée de couches de purée de pommes de terre, de thon, d'avocat, d'œufs durs et de mayonnaise. A moins de goûter l'ocopa arequipeña, des tranches de pomme de terre vapeur, nappées d’une sauce verte à base de crème fraîche, d’ail, de piment et de huacatay (une herbe aromatique). Ce plat est souvent accompagné de crevettes. Très proche, la papa a la huancaína est couverte d’une généreuse couche de sauce crémeuse à base de fromage frais et d'ají amarillo, puis garnie d'olive. La papa rellena est une croquette frite de purée de pommes de terre fourrée de viande, oignon, poivron et sauce piquante.
Le rocoto relleno est un piment garni de viande, cuit au four et couronné de fromage fondu. Attention, s'il ressemble bien à un poivron, le rocoto est très piquant. Pour un peu de fraîcheur, la palta rellena est un avocat fourré de crevettes ou de crabe et arrosé d’un filet de jus de citron alors que l'ensalada de chonta – typique d'Amazonie – est une salade de cœurs de palmier finement émincés. Les tamales se composent d'une purée de maïs enveloppée dans sa propre feuille puis cuite à la vapeur. Sucré ou salé (avec de la viande), il est servi au petit déjeuner, au déjeuner ou au goûter.
On retrouve également de nombreux plats principaux à base de viande comme le seco, un ragoût de poulet (gallina), de bœuf (res) ou de cabri (chivo), avec tomate, poivron, piment et une belle dose de coriandre, le tout accompagné de riz blanc et de lentilles, de pois chiches ou de haricots secs. Autre plat en sauce – venu des Andes – le carapulcra est un ragoût de porc, de papa seca (pomme de terre déshydratée), cacahuètes et diverses épices, qui était initialement préparé avec de la viande de lama. L'adobo de cerdo est un ragoût de porc avec ail, vinaigre, piment doux et cumin. Les plus curieux testeront le cau cau, des tripes dans une sauce tomate épicée ou le tacacho – venu d'Amazonie – composé de lard, de chorizo et d'un écrasé de banane plantain.
Côté grillade les Péruviens adorent les anticuchos, des brochettes de cœur de bœuf, marinées dans le vinaigre et cuites au feu de bois ou le lomo saltado, de fines lanières de bœuf cuites avec des poivrons et des oignons et toujours accompagné de riz blanc et de frites. Recette très ancienne, la pachamanca est un plat traditionnel cuit à l'aide de pierres chaudes dans un four primitif appelé huatia. Il est généralement composé d'agneau, de mouton, de lama, de porc, de bœuf, de poulet et de pommes de terre marinés avec diverses épices. Le pollo a la brasa est une recette toute simple mais délicieuse de poulet cuit au feu de bois est servi partout au Pérou, dans les pollerías. On appréciera également l'ají de gallina, du poulet mijoté avec une crème au piment doux et au fromage. Le juane est une préparation à base de viande hachée (poulet ou porc généralement) mêlée à du riz, du manioc ou un autre féculent, puis enveloppé dans une feuille de bananier en forme de poire et cuit longuement à la vapeur. L'arroz con pato a la chiclayana est une sorte de paella à base de canard, de piments doux et forts, d'herbes et de riz bien moelleux. Le tacu-tacu est une spécialité afro-péruvienne à base de riz, de haricots noirs, de banane plantain et de piment. Recette d'inspiration chinoise – ou cuisine « chifa » – l'arroz chaufa est une sorte de riz cantonais, très populaire dans tout le pays.
Les desserts et boissons
Les douceurs péruviennes sont variées avec comme ingrédient phare le manjar blanco, une confiture de lait proche du dulce de leche, mais moins caramélisée et plus pâle. Il entre dans la composition de nombreux desserts et gâteaux, comme les alfajores, biscuits fourrés de manjar et saupoudrés de sucre ou nappés de chocolat. L'alfajor de Penco est une version gâteau, composé de couches de biscuits toujours garnis de manjar et couvert de noix de coco râpée. Les guargüeros sont tubes de pâte frite façon cannoli, fourrés de manjar. Les churros con manjar blanco sont très appréciés. Le suspiro a la limeña est un entremets populaire, composé d'une crème aux œufs, au porto et au manjar blanco, nappé d'une meringue.
On retrouve d'autres entremets comme l'antecoco, une crème dessert à la noix de coco, l'arroz con leche, un riz au lait, très populaire en Amérique latine ou l'arroz zambito, une version du riz au lait typiquement péruvienne avec sucre roux, cannelle, clou de girofle et écorces d'orange. La crema volteada est un flan soyeux aux œufs et au caramel alors que le leche asada est un flan légèrement gratiné. Le dulce de mamey est une compotée de sapote (mamey), un fruit très sucré à la pulpe orange. Originaire d'Amazonie les chapanas sont des papillotes de pâte de manioc à la cannelle cuites à l'étouffée, enveloppées dans des feuilles de bananier. Très similaires, les humitas dulces sont des papillotes de purée de maïs sucré, garnies de raisins secs. L'étonnante mazamorra morada est une sorte de gelée de maïs violet.
Les picarones sont des beignets en forme d'anneau à base de purée de patate douce ou de courge. Les chocotejas sont des chocolats de la région d'Ica fourrés de manjar et de noix alors que les cocadas sont des sortes de rochers-coco. Les glaces et les sorbets très populaires au Pérou. Goûtez notamment au queso helado (lait concentré sucré, cannelle, vanille) originaire d'Arequipa.
Le Pérou est l'un des plus gros producteurs de café au monde. Café souvent considéré comme excellent par les aficionados, il fut cultivé par les colons espagnols dès les années 1700, bien avant la plupart des autres colonies d'Amérique latine. Dans le pays on le consomme souvent assez noir, plutôt serré, parfois avec un peu de sucre et un trait de lait concentré.
Côté boissons fraîches on compte un nombre incalculable de jus de fruits frais excellents, même si comme chez beaucoup de Latino-Américains les sodas sont présents partout. La boisson nationale est l’Inca Kola, un soda au goût de bubble-gum, parfumé à la verveine odorante, créé en 1935. C'est la boisson gazeuse la plus consommée du pays, bien avant le Coca-Cola.
Au pays du pisco
La boisson alcoolisée emblématique du Pérou est le pisco, issu de la fermentation du moût de raisin. C'est une eau-de-vie fine et très alcoolisée proche du cognac. Elle sert de base au fameux cocktail pisco sour, composé de blanc d’œuf, jus de citron vert, sucre, glace pilée et bitter. Le Pérou est un gros producteur de raisins même si inversement la production de vin – concentré entre les régions de Pisco et d'Ica, reste modeste. Parmi les productions locales, les plus connues sont Tacama, Albillo, Barbera, Cabernet Sauvignon, Ocucaje, Grenache, Malbec, Sauvignon blanc ou Vista Alegre.
C’est cependant la bière qui est la boisson vedette du pays. Conditionnée en bouteilles de 66 cl ou d’un litre, brune ou blonde, on la retrouve partout. La Cusqueña est la marque commerciale la plus appréciée. Ces dernières années, un boom de la bière artisanale a eu lieu. On en trouve à Lima, Arequipa, Huaraz, Cusco sous des noms comme Sierra Andina, Nuevo Mundo, La Candelaria ou encore Barbarian.
La chicha, qui se boit dans la sierra, est une boisson à base de maïs fermenté, à faible teneur en alcool, aromatisée à la cannelle, au clou de girofle et au citron, elle se boit glacée. C’est une boisson rafraîchissante très populaire. La région de Lambayeque est connue pour sa production de rhum.