Découvrez le Qatar : Architecture (et design)

Fin 2022, à l'occasion de la Coupe du Monde de football, le monde entier a eu les yeux rivés sur le Qatar qui, pour l'occasion, a dévoilé non seulement ses spectaculaires nouveaux stades, mais aussi et surtout des projets aux dimensions pharaoniques signés des plus grands noms de l'architecture mondiale. Jean Nouvel, Ieoh Ming Pei, Rem Koolhaas, Arata Isozaki, Zaha Hadid et Cesar Pelli comptent parmi les starchitects à avoir apposé leur marque au Qatar, et notamment à Doha, sa capitale. Mais que ces géants de verre et d'acier ne vous fassent pas oublier qu'avant la prospérité pétrolière et gazière, le Qatar était d'abord et avant tout un pays à la pêche et au commerce de perles florissants, peuplé de petits villages aux maisons traditionnelles et protégés de tours et de forts à l'architecture mêlant sobriété et ingéniosité. Un riche patrimoine que le Qatar commence à mettre davantage en avant et qu'il ne tient qu'à vous de découvrir !

Architecture traditionnelle

Certains sites archéologiques étonnants sont désormais ouverts à la visite et permettent de mieux comprendre le fonctionnement du Qatar, lorsque ce dernier n'était encore qu'un petit pays de pêche et de commerce. Ainsi, le site d'Al Khor abrite trois tours cylindriques aux murs épais et surmontées de plateformes permettant aux occupants de garder et défendre les précieuses sources d'eau, dont les vestiges de puits et de citernes sont autant de preuves d'occupation humaine ancestrale. Ainsi, sur le même site, vous pourrez découvrir le puits Ain Heetan, de forme cylindrique et conçu avec un ingénieux mélange de gravier, argile et plâtre. Un nouveau site s'ouvrira bientôt à la visite et permettra de découvrir un complexe composé de la Tour Barzan déployant son étonnante silhouette en forme de T sur 3 étages et 14 m de haut et de la Tour Al Burj Al Sharqui de forme rectangulaire aux épais murs de pierre enduits de boue. De façon générale, la plupart des sites d'habitation étaient pourvus d'une tour de protection en pierre cylindrique ou rectangulaire. Les forts sont d'autres intéressants témoins de cette architecture défensive. Ne manquez pas le Fort Al Rekayat, là encore probablement construit pour protéger un puits. Avec son plan rectangulaire, sa vaste cour centrale bordée d'étroites pièces sans fenêtre, ses 3 tours rectangulaires et sa tour ronde, il est typique des grands forts du désert. Mais le site archéologique du Qatar à ne surtout pas manquer est bien sûr celui d'Al Zubarah, désormais classé au Patrimoine mondial de l'Unesco. On y retrouve bien sûr le fort éponyme, avec sa large enceinte rectangulaire et ses tours d'angle crénelées, mais surtout les vestiges de l'ancienne ville côtière d'Al Zubarah, centre florissant de pêche et de commerce de la perle aux XVIIIe et XIXe siècles. Abandonnée en 1811, la ville s'est progressivement érodée, mais le sable du désert a malgré tout protégé les vestiges de tous ses monuments (fort, mosquées, palais, maisons à patios, souks, murs de défense) ainsi que les traces de son ingénieux système de gestion et distribution de l'eau. Les matériaux de construction utilisés étaient typiques des villes côtières. En effet, les murs étaient réalisés à base de corail fossilisé coupé en blocs et collé avec un mélange d'argile et de fumier combiné avec du plâtre confectionné à base de gypse permettant de retarder les effets de l'érosion. Au cœur des villes, les maisons étaient majoritairement construites en blocs de terre. La technique de construction des toits, elle, était commune. Les toits plats étaient réalisés en branches de mangrove sur lesquelles étaient ensuite disposées des couches de bambou ou de roseaux puis de palmes, l'ensemble étant stabilisé par l'ajout de couches de terre. Une toiture en matériaux végétaux qui permettait isolation et aération. Des matériaux d'une grande simplicité qui étaient souvent décorés de motifs géométriques empruntés au vocabulaire islamique. Qu'il s'agisse de bourgades de pêcheurs ou de villes implantées dans les terres, toutes partagent un urbanisme qui s'adapte à la rudesse du climat. Le tissu urbain est ainsi fait d'étroites ruelles permettant de lutter contre les contraintes du vent et de la chaleur, car protégées par la très forte densité des maisons alentour. De même, tout dans l'architecture domestique est fait pour limiter les effets du climat.Les maisons ne possèdent pas d'ouvertures sur l'extérieur et s'il y en a, ces dernières sont protégées par de lourds volets de bois (dans de très rares cas, des fenêtres géométriques en verre coloré peuvent être utilisées) ; les murs sont épais afin de préserver la fraîcheur ; la cour centrale autour de laquelle s'organise la maison apporte ombre et fraîcheur, tandis que le badgir ou tour à vent permet une circulation constante de l'air. Il s'agit là d'un ingénieux système de ventilation ressemblant à une cheminée à 4 faces dotée à son sommet de fentes verticales permettant de capter le vent, son intérieur étant séparé en différents conduits permettant de séparer courants ascendants et descendants et, par un jeu de pression, d'évacuer l'air chaud et de faire rentrer l'air frais. Les deux espaces phares de la maison sont le Majlis, littéralement « l'endroit où s'asseoir », espace culturel et social où l'on reçoit les invités ; et la galerie (ou porche) baptisée Al-Liwan qui donne sur la cour et qui est, elle, réservée à la famille. Tapis de sol colorés, treillis en bois complexe aux fenêtres, portes en bois sculptés… la décoration se fait sobre et sublime. Certains anciens quartiers de Doha conservent de pittoresques témoins de cette architecture traditionnelle, notamment Al Asmakh, Najada et Old Ghanim. Ne manquez pas non plus l'Al Wakrah Heritage Village mêlant authentiques constructions traditionnelles et reconstitutions, avec sa mosquée, ses maisons aux murs enduits de boue et aux grandes portes en bois, son fort aux tours circulaires et son souk. Véritable ville dans la ville, le souq Waqif est un autre symbole du Qatar traditionnel, avec ses étroites rues flanquées de boutiques et ses hautes charpentes en bois préservant les passants du soleil. Ouvert en 2010, le Katara Village est un improbable mélange d'époques et de styles tout droit sortis des rêves de grandeur du Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani. Si l'on peut faire l'impasse sur son amphithéâtre gréco-romain ou sur ses Galeries Lafayette faussement parisiennes, il ne faut pas manquer sa très belle Mosquée Katara, d'abord parce que cette dernière a été réalisée par une femme, Zeynep Fadilloglu, ensuite parce que ce bel édifice tout en carreaux d'émaux dorés et bleutés est flanqué d'étonnants édifices cylindriques tout en terre et percés de trous qui ne sont autres que des… pigeonniers ! La course de pigeons est une activité très prisée dans les pays du golfe Persique. Enfin, ce tour d'horizon de l'architecture traditionnelle ne serait pas complet sans la mention de l'architecture développée par les nomades du désert. En hiver, ces derniers privilégient des tentes traditionnelles en peaux ou de tissus, généralement noirs et blancs, formant une sorte de baldaquin pyramidal avec auvent ; tandis qu'en été, ils privilégient des structures temporaires aérées et tissées en feuille de palmier. Le nouveau souq de Al Wakra, petit frère du souq Waqif, est aussi une réussite en bord de mer.

Effervescence contemporaine

Les palais de la ville comme l'ancien palais du Cheikh Abdullah bin Jassim Al Thani, superbement restauré avec sa silhouette de plan carré, son rez-de-chaussée rythmé d'arcades, ses ouvertures protégées par d'élégants moucharabiehs et son grand toit-terrasse, ou le plus grandiloquent Palais Princier ; comme ses mosquées, à l'image de la grande Mosquée Fanar (Mosquée Abdulla Bin Zaid Al Mahmoud) mêlant lignes modernes et matériaux naturels (corail, terre cuite, bois), pourtant tous sublimes, semblent bien modestes en comparaison des géants de verre et d'acier qui partout sortent de terre. Comme toutes les capitales du Golfe, Doha est une ville dont la skyline évolue continuellement avec la construction de gratte-ciels toujours plus hauts et toujours plus fous. Parmi les plus étonnants se trouvent ceux de l'agence MZ Architects, à qui l'on doit la Al Dana Tower (également appelée RasGas Tower), tout en verre et acier, avec ces deux parallélépipèdes semblant tenir en apesanteur une étonnante sphère de verre ; la Navigation Tower dont les 220 m tout en courbe et aérodynamisme rappellent la voile d'un bateau ; ou bien encore les Zig Zag Towers, dont le nom à lui seul résume le projet architectural.

Parmi les autres incroyables gratte-ciel de la ville, ne manquez pas : l'Aspire Tower, la plus haute tour de la ville (300 m), sorte de torche stylisée avec un maillage d'acier protégeant un noyau de béton, symbolisant la flamme olympique des Jeux asiatiques organisés à Doha en 2006 ; la Tornado Tower à la forme hyperbolique et aux jeux d'éclairage animant l'ensemble tel un tourbillon ; ou bien encore la WOQOD Tower, sorte de coque de navire abritant un immense mur-rideau. Mais ces gratte-ciel ne sont qu'une facette de l'effervescence architecturale et urbanistique qui transforme la ville. Les plus grands noms de l'architecture ont trouvé au Qatar une terre d'expérimentation (et de financements !) sans limites, donnant naissance à des projets incroyables.

La Bibliothèque Nationale est l'œuvre de Rem Koolhaas. Sa sobriété extérieure tout en angles ne laisse rien deviner de l'incroyable mise en scène de l'espace intérieur avec ses millions de références mises à disposition des lecteurs grâce à des systèmes automatisés ultra modernes. Au cœur de l'édifice, 6 m au-dessous du sol, l'architecte a imaginé l'Heritage Library aux allures de site de fouilles archéologiques et qui abrite justement les manuscrits les plus précieux. Le grand Ieoh Ming Pei a réalisé le Museum of Islamic Art, dont les dômes, formes géométriques, voûtes et pièces d'eau mêlent avec élégance emprunts traditionnels et lignes modernes. Arata Isozaki a imaginé la Qatar Foundation aux ornements inspirés des motifs islamiques, ainsi que le Qatar National Convention Centre dont la façade représente des jujubiers de Palestine, souvent considérés comme les arbres de la connaissance, soutenant la structure. Cesar Pelli, lui, a délaissé les gratte-ciel pour réaliser le Sidra Medicine, un hôpital à la silhouette ornée de carreaux d'acier, de verre et de céramique, avec trois structures immenses rappelant les voiles d'un navire, et de nombreux atriums végétalisés et ornés de bassins dans la grande tradition islamique. L'architecte mexicain Ricardo Legorreta s'est, lui, entièrement consacré à des édifices universitaires (campus de Georgetown University, dortoirs de la Hamad Bin Khalifa University, campus du Carnegie Mellon), offrant des volumes géométriques simples et sobres, de couleurs sable, possédant peu d'ouvertures sur l'extérieur mais s'organisant autour d'élégantes et rafraîchissantes cours paysagères.

Mais celui qui fait le plus parler de lui, c'est bien sûr le Musée National du Qatar réalisé par Jean Nouvel. Impossible de manquer cet imposant bâtiment de 350 mètres de long avec ses grands disques incurvés, ses intersections et ses éléments en porte-à-faux réalisés dans une peau de béton fibré à hautes performances d'une couleur beige sable et rappelant une rose des sables. Tout ici n'est que courbes et obliques et invite à une découverte quasi sensorielle de l'espace. Une impression renforcée par l'éclairage réalisé par l'architecte Koichi Takada qui s'est inspiré de la Dahl Al Misfir, la célèbre Cave de Lumière du Qatar, pour imaginer des jeux de lumière aux effets théâtraux.

Parmi les autres très beaux et étonnants édifices contemporains à ne pas manquer, notons : l'aéroport international Hamad avec sa silhouette incurvée au toit ondulant tel une vague, ses murs de verre, son élégant plafond en bois et ses belles structures voûtées ; les stations du métro de Doha imaginées par l'agence UNStrudio aux extérieurs très monolithiques rappelant l'architecture traditionnelle et aux intérieurs tout en lumière et en fluidité avec leurs revêtements à effets nacrés ; ou bien encore la Faculté du Qatar pour les Études Islamiques avec sa mosquée reposant sur 5 larges colonnes représentant les 5 piliers de l'Islam et 2 rubans de béton s'élevant vers le ciel en direction de la Mecque. Cette dernière appartient à un ensemble baptisé Education City, sorte de ville nouvelle entièrement dédiée à la connaissance et dont chaque élément fait dialoguer tradition et modernité. Autre projet urbain étonnant : Msheireb, 1er projet au monde dédié à la régénération durable d'un centre-ville. 5 000 panneaux solaires sur les toits, rues aménagées pour protéger du soleil, plus vaste place couverte du Moyen-Orient avec un immense toit rétractable, un tram sur batterie, des espaces végétalisés… ce nouveau quartier se veut moderne et durable. Une durabilité qui n'est pas exactement au programme des deux projets pharaoniques en cours de réalisation, à savoir The Pearl, archipel d'îles artificielles avec complexes touristiques et marinas ; et Lusail, mégapole sortie de terre pour la modique somme de 46 milliards de dollars… vous y retrouverez les Marina Twin Towers aux silhouettes rappelant des blocs de lego ; les Katara Towers, deux tours incurvées se rejoignant pour former un fer à cheval ; les Lusail Plaza Towers, deux ensembles de tours jumelles disposées sur 4 podiums symétriques ; ainsi que le futur Musée Lusail, réalisé par le célèbre duo Herzog & de Meuron, et qui abritera la plus grande collection de peintures orientales du monde. Et d'autres méga musées vont bientôt ouvrir, à l'image du Qatar Auto Museum pensé par Rem Koolhaas et le Mill Art Museum réalisé par le chilien Alejandro Aravena, qui a conservé les silos à grains originels du lieu tout en en ajoutant d'autres qu'il utilise comme cheminées d'aération. Le centre se veut également un modèle de bâtiment écologique et durable.

Autant de projets dévoilés à l'occasion de la Coupe du Monde de football 2022 pour laquelle le pays a investi pas moins de 220 milliards de dollars. Une somme pharaonique qui a notamment permis de financer la construction de 8 stades aux silhouettes étonnantes. Avec ses courbes aérodynamiques et sa voûte en bois inspirées des boutres, le Stade Al Janoub porte la marque de la célèbre Zaha Hadid. Inspiré des bols et lanternes traditionnels, le Stade de Lusail a été dessiné par Norman Foster. Le Stade Al Bayt, lui, est un hommage aux tentes bédouines baptisées « bayt al sha'ar » et dont il reprend la structure en baldaquin et la polychromie de blanc et noir. L'Education City Stadium, lui, est baptisé le « diamant du désert » du fait de sa structure composée de matériaux locaux ou recyclés réfléchissant la lumière. Conçu par Ibrahim Al Jaidah, l'un des plus célèbres architectes du Qatar, le Stade Al Thumama emprunte ses courbes et son décor aux bonnets traditionnels brodés appelés Ghafiyah. Mais le plus étonnant est peut-être le Stade Ras Abu Aboud construit en containers recyclés et entièrement démontable. Avec tous ses projets grandioses, le petit émirat est en passe de devenir l'un des pays du monde à la plus forte concentration de récipiendaires du prestigieux Prix Pritzker, le Nobel d'architecture… et tous les projets urbains futuristes de Doha encore à venir promettent bien d'autres surprises aux visiteurs !

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