Découvrez la Russie : La vodka

Aujourd’hui, l’alcool le plus consommé au monde, la vodka est une véritable success story slave. Si de nos jours on la produit en masse directement dans la plupart des pays consommateurs (il y a donc des vodkas françaises, américaines, etc.), elle trouve son origine dans les grandes plaines d’Europe orientale. Symbole à l’international d’un certain « art de vivre » à la russe, la vodka fait l’objet d’un âpre conflit entre la Russie et la Pologne, qui se réclament toutes deux de sa paternité. Mais l’histoire de la vodka est aussi nébuleuse que l’esprit de ceux qui en ont trop bu : ce que l’on appelle vodka aujourd’hui, on ne l’appelait pas vodka à l’époque. Et ce que l’on a appelé vodka a, au fil des siècles, maintes fois changé de composition. Dans les deux pays, l’ancêtre local de la vodka actuelle a été introduit au contact des Européens de l’Ouest et de leurs méthodes de distillation.

Une épopée européenne

En Russie, c’est par l’intermédiaire de marchands génois qui avaient établi des comptoirs sur les rives de la mer Noire dès le XIIIe siècle que petit à petit, l’alcool distillé (inspiré d’une proto-grappa italienne) a commencé à remplacer le kvas comme boisson nationale. Dans sa version polonaise, la vodka trouve son origine dans un transfert de pratiques inspiré du cognac français et du whisky écossais. Dans les deux cas, l’apparition de la vodka fut le résultat de l’adaptation des techniques européennes de distillation aux productions agricoles locales. En général, on la produit à base de blé, de pomme de terre ou encore de mélasse de betterave, qui sont cultivés en masse dans les territoires correspondant à la Russie européenne, l’Ukraine, la Biélorussie, la Pologne et les pays baltes. L’alcool distillé est ensuite mélangé à de l’eau. En raison de ces spécificités agricoles qui résultent du climat et des sols, on a parfois divisé l’Europe en « couronnes d’alcool ». La « couronne du vin » s’étend du Portugal à la Moldavie, sur les rives méditerranéennes et pontiques où les températures clémentes permettent la culture du raisin. La « couronne de la bière » va de la Slovaquie à l’Irlande en passant par le Danemark (producteurs d’orge et de houblon). Enfin, la « couronne de la vodka » s’étire de la Russie à l’Islande. Et là, encore, il y a des différences : plus on va vers l’Est (Russie), plus on rencontre de vodkas à base de grain, plus on va vers l’Ouest (Pologne), plus elle a tendance à être fabriquée à base de pommes de terre. Mais l’affaire se complique encore, car la vodka a même fait l’objet d’âpres débats au Parlement européen. En cause, les pays d’Europe du Sud qui, produisant un alcool distillé à base de marc de raisin (type grappa), ont tendance à utiliser l’appellation « vodka de vin » pour vendre leur produit. Or, les pays d’Europe de l’Est, historiquement producteurs de vodka « classique » souhaitent que ce label soit réservé aux alcools de betterave, de grain et de pomme de terre. La vodka a donc recouvert des réalités bien différentes au fil des siècles, des terroirs et des pratiques.

Étymologie

D’ailleurs, ce n’est que depuis le XVIIIe siècle qu’on l’appelle « vodka ». Le mot est une contraction du russe voda (en polonais woda) qui signifie « eau », assorti du suffixe -ka, qui symbolise la petitesse. La vodka est donc une « petite eau » ! Avant cela, la wodka était en Pologne un breuvage médicinal alors que la boisson que nous connaissons sous ce nom était appelée gorzałka. En Russie, elle était généralement appelée goryacheye vino (vin chaud), car le mot « vin » servait à qualifier de manière indifférenciée toutes sortes d’alcools. Les deux expressions ont la même racine, gor, qui a donné « la chaleur », « la brûlure ». Mais chaleur et brûlure varient sensiblement selon les productions. Aujourd’hui, si la majorité des vodkas titrent entre 40° et 45°, certaines peuvent descendre jusqu’à 32°, ou encore monter jusqu’à 97° !

Histoire des pratiques

Le titre alcoométrique de la vodka est un enjeu de taille, à la fois commercial, politique et social. Une légende veut que ce soit le célèbre chimiste russe Dmitri Mendeleïev qui ait le premier déterminé que le titrage idéal de la vodka était à 38°, dans le cadre de sa thèse de doctorat. On sait maintenant que ce n’est pas le cas, car la production de vodka avait déjà été standardisée autour de 40° auparavant. Mais l’anecdote participe du mythe de la paternité russe. Au XVIe siècle, c’est Ivan le Terrible qui, le premier, établit un monopole d’État sur ce qu’était la vodka. Il crée les tabak, qui sont les seuls endroits où l’on peut la boire et qui deviennent donc vite très populaires. Parce qu’elle est très consommée, la vodka représente un enjeu financier conséquent pour l’État. Le monopole est aboli en 1863 dans le cadre des réformes du tsar libéral Alexandre II. Son ministre des finances, Mikhaïl von Reutern crée à la place une taxe de 40 % sur le prix de vente de l’alcool, afin de combler le manque à gagner. Cette taxe sera réformée quelques années plus tard, résultant en une baisse du prix. La vodka devient plus accessible aux classes paysannes et ouvrières et le fléau de l’alcoolisme commence à s’implanter. En Union soviétique, la fabrication et la vente de vodka furent d’abord interdites, avant d’être réintroduites sous un strict contrôle de l’État. Cela a eu pour conséquence de stimuler la production d’alcool fait maison, le samogon (sorte d’équivalent de notre gnôle). Le samogon est moins cher que la vodka, mais aussi bien plus dangereux, car très concentré. De manière générale, la vodka a largement influencé les évolutions démographiques de la Russie. La chute de l’URSS, en mettant fin au monopole d’État dans un contexte de crise, a résulté en une grave augmentation des décès liés à l’alcool. L’alcoolisme est devenu un phénomène aux proportions encore plus gigantesques et la consommation de vodkas frelatées toxiques très peu chères a explosé. Cela a causé à la fois une baisse de l’espérance de vie, et de la fécondité. De nos jours, tout est fait pour détourner les Russes de la boisson : dans beaucoup de villes, il est interdit de boire sur la voie publique et la vente d’alcool est prohibée après une certaine heure. La vodka est devenue un « fait social » qui a fait des ravages et n’a plus très bonne presse. Dans les grandes villes, les jeunes lui préfèrent le vin ou la bière et la génération plus âgée, le cognac.

Comment consommer la vodka ?

Rassurez-vous, la vodka n’a pas pour autant disparu des mœurs russes, et durant votre séjour vous passerez par la case dégustation. Il faut absolument goûter à la « meilleure vodka au monde », la Beluga, que les Russes réservent aux grandes occasions. Les vodkas de milieu de gamme (Russkyi Standart, Tsarskaïa, Baïkal entre autres) restent d’excellents produits, autrement plus raffinées que la plupart des vodkas que l’on trouve sur le marché européen. En revanche, à moins d’avoir l’âme d’un aventurier, mieux vaut ne pas toucher aux bouteilles de l’étagère du bas.

Cul sec. La vodka en Russie est bien sûr consommée pure, et en shot. Lors d’un grand repas, on porte des toasts en trinquant, dans un ordre précis qu’il faut respecter.

Zakouskis. Même dans des cadres plus intimistes, la vodka sera immanquablement accompagnée de zakouskis, des hors-d’œuvre au goût relevé pour compléter celui de l’alcool. Les plus classiques sont l’ogurets, ce gros cornichon mariné dans lequel on croque à pleines dents et le poisson fumé séché.

Za zdorovié ! (À votre santé !) Contrairement à la croyance populaire, on ne trinque pas en russe en disant « na zdrovié », qui est en fait… du polonais. N’offensez pas votre hôte !

Organisez votre voyage avec nos partenaires en Russie
Transports
Hébergements & séjours
Services / Sur place
Envoyer une réponse