Hydrographie
Les grands fleuves russes sont les premières victimes de la pollution industrielle ; dans la Volga, les esturgeons ne remontent plus de la mer Caspienne, ce qui provoque une baisse de la production de caviar. Le problème est d’importance mondiale, puisque la Caspienne concentre à elle seule 90 % des bancs d’esturgeons de la planète. La Neva, qui arrose Saint-Pétersbourg, est contaminée par les rejets de produits chimiques provenant du lac Ladoga, où la rivière prend sa source. Plusieurs plages de la mer Baltique, du fait de ces pollutions, ont été fermées. Dans les centres industriels, on note l’apparition de maladies chroniques, notamment chez les enfants : allergies, insuffisances respiratoires, cancers... Les grandes cités, comme Moscou et Saint-Pétersbourg, voient leur air fortement pollué, la teneur en anhydride sulfurique (SO2) étant dix fois supérieure au niveau de la cote d’alerte en France. Les entreprises sont vétustes et ne possèdent pas d’installations de filtrage. Le rejet des matières toxiques dans l’eau et dans l’atmosphère se fait sans tenir compte des risques. Dans le Nord plus spécifiquement, la région de Mourmansk dans laquelle se trouvait la principale base de sous-marins nucléaires soviétiques garde des traces de ce passé et de nombreux hectares sont fermés au public, car ils recèlent des déchets nucléaires. Le nord-est de la partie européenne de la Russie est marqué par une récurrence de pluies acides. La ville fermée de Norilsk, en Sibérie occidentale, outre son statut de « grande ville la plus froide au monde » est également une des plus polluées, du fait du développement de l’industrie du nickel durant la période soviétique.
Lacs et marécages. Globalement, la Russie est un pays qui ne manque pas d’eau. Au-delà du réseau des fleuves et rivières, lacs et marécages parsèment le territoire. En Russie européenne, ils sont particulièrement nombreux, surtout dans le Nord autour de Saint-Pétersbourg et de la Carélie. Leur formation date de la fin de la dernière période glaciaire : la fonte des glaces en laissant le sol particulièrement accidenté, a facilité la retenue de l’eau. Dans la toundra, plus à l’Est, c’est la présence d’un autre héritage de l’ère glaciaire, le pergélisol, qui conditionne l’évolution hydrographique. Cette couche de sol continuellement gelé est présente dès quelques décimètres sous la surface et atteint jusqu’à 1 500 m de profondeur dans certains coins de Yakoutie. Avec le réchauffement climatique, le pergélisol (qui est présent sur environ 60 % du territoire russe) fond et inonde la toundra par le bas : les boues envahissent les villages de Sibérie et des lacs marécageux se forment de manière plus ou moins permanente.
Une faune exceptionnelle
La richesse et la diversité de la faune russe sont à l’échelle de l’étendue du territoire. La taïga abrite une grande quantité d’élans, d’ours bruns et de cerfs, ainsi que des loups dans certaines régions. La toundra, dans l’extrême nord, est le domaine du renne qui se nourrit de la rare végétation même lorsqu’elle est enfouie sous la neige. Les rives de l’océan Arctique sont peuplées de phoques, de morses et d’ours blancs. C’est dans le Caucase que l’on peut observer la faune montagneuse, comme le mouflon, l’ours brun et le chamois. Pour les amateurs d’espèces rares, la saïga, la seule antilope européenne, se rencontre encore à l’état sauvage dans les steppes de Kalmoukie. Mais comme beaucoup d’espèces animales en Russie, elle est menacée par le braconnage et la pollution de son espace naturel. Dans tous les pays de l’ex-URSS, le braconnage a pris une ampleur catastrophique avec le passage à l’économie de marché. L’exemple le plus tragique reste celui de l’esturgeon de la Caspienne, dont le caviar réputé dans le monde entier se vend encore à prix d’or au marché noir. Car la surpêche a presque complètement décimé la population d’esturgeons, et a provoqué un embargo sur le caviar de la Caspienne. Et même si les plus grosses fermes illégales ont été démantelées par les services de sécurité russes, le braconnage continue de subsister, à l’échelle de petites exploitations familiales protégées par les ramifications du delta de la Volga.
La faune comme ressource identitaire. Le caractère longtemps indompté du territoire russe et des espèces animales qui le peuplent a été largement réinventé au service de projets politico-culturels vantant les aptitudes martiales de tel ou tel peuple. Ainsi en est-il par exemple de l’ours, animal national, que l’on associe maintenant à la nation russe en lui prêtant des qualités similaires au caractère de l’animal : le calme, la protection des siens, et la puissance. De Micha, l’ourson mascotte des J.O. de Moscou en 1980, au meme représentant Vladimir Poutine torse nu chevauchant un ours brun, l’ours est devenu une sorte de totem qui fait à la fois référence aux croyances animistes des premiers Slaves et à l’exercice moderne du pouvoir. Dans une veine similaire, le loup est devenu pendant les années 1990 symbole ultime de l’indépendantisme tchétchène. Présent sur le drapeau de l’éphémère République tchétchène d’Itchkérie, il reprend à son compte l’histoire du peuple : descendu des contreforts caucasiens, il fait preuve d’un exceptionnel instinct grégaire et attaquera violemment s’il se sent menacé. Ainsi, il n’était pas rare de voir la représentation symbolique d’une bataille entre un ours et un loup accompagner les récits du conflit russo-tchétchène.
Une flore diversifiée
Un changement s’opère dans la végétation suivant un axe nord-sud et vers l’est, formant des zones clairement définies : désert arctique, toundra, taïga au nord, forêts puis steppes entrecoupées de forêts en Russie centrale. Le Caucase, l’Altaï et Touva ont une végétation de type alpin.
La toundra. Dans la toundra prédominent mousses, lichens, buissons bas et herbes vivaces, car le sol est marécageux. Ce sol est très fragile, car le gel endort l’écosystème pendant une bonne partie de l’année et ainsi, la moindre industrie humaine peut détruire des régions entières. C’est souvent le cas près des exploitations minières ou pétrolières. Cette zone couvre l’essentiel du nord, de l’embouchure de l’Ob à la mer de Béring. Terre non arable, la toundra a toutefois permis la subsistance de peuples indigènes semi-nomades éleveurs de rennes, dont le mode de vie traditionnel est aujourd’hui menacé par l’industrialisation. Les effets des activités extractives se font sentir à la fois au niveau foncier (les populations indigènes sont expropriées de leurs terres de pâturage par de puissantes entreprises) et écosystémique (l’exploitation modifie durablement le paysage et cause la disparition des végétaux dont le renne se nourrit).
La taïga. La zone de la taïga, où conifères et terrains marécageux prédominent, se caractérise par un climat relativement frais et humide. Dans la Russie européenne, elle est présente en Carélie et dans le Nord (Arkhangelsk). La taïga couvre presque toute la Sibérie. Forêt interminable de bouleaux et de pins, la taïga se caractérise aussi par son sol particulièrement acide et infertile, que l’on appelle podzosol, et qui ne permet donc pas le développement d’activités agricoles. Elle voit cependant en hiver la transhumance des éleveurs de rennes qui passent l’été dans la toundra.
La steppe. La région de la Kalmoukie, au sud-ouest du delta de la Volga, est caractérisée par la présence d’une gigantesque steppe, bordée par les terres noires à l’ouest et la Caspienne à l’est. Le sol y est aride et la végétation rase, typiquement de petites touffes d’herbes ou petits arbustes. Les Kalmouks, peuple bouddhiste d’origine mongole qui s’y installèrent au XVIIe siècle, y perpétuèrent leur mode de vie nomadique, vivant dans des yourtes et administrant des troupeaux de chevaux, chameaux et moutons. La steppe, aride et inhospitalière, ne permet en effet absolument pas le développement d’une agriculture variée et la viande est ainsi à la base de la cuisine kalmouke.
Les terres noires (tchernoziom). Ce type de sol est caractéristique de la Russie méridionale. Il est très fertile, car issu de la décomposition d’anciennes forêts et assure techniquement l’un des meilleurs rendements agricoles au monde. Les terres noires ne couvrent qu’environ 10 % du territoire de la Russie et sont particulièrement fragiles, ainsi leur proportion a-t-elle tendance à diminuer.
Le sous-sol
Si la nature et la faune ont occasionnellement influencé la formation des identités politiques et culturelles des peuples de Russie, en revanche, le sous-sol impacte lui largement l’évolution économique du pays.
Ressources minières. Si son paysage de surface peut parfois paraître monotone, le sous-sol russe renferme en revanche une grande richesse géologique. Parmi les régions minières les plus importantes, on trouve la péninsule de Kola au nord (fer, nickel), le sud-ouest avec l’Anomalie magnétique de Koursk (énorme gisement de fer) et à proximité du bassin du Don (dont tire son nom le très industriel Donbass ukrainien), et l’Oural, très riche en minerais, qui fut un énorme centre industriel durant la période soviétique et se retrouve aujourd’hui déshérité.
Richesses énergétiques. On ne présente plus les ressources en gaz naturel et en pétrole de la Russie. Présentes majoritairement autour des monts Oural, de la Volga et de la mer Caspienne au sud, et dans le bassin de l’Ob et l’Arctique au nord, elles ont permis à la Russie de redresser sa situation économique dans les années 2000 et de s’imposer comme un partenaire commercial d’importance critique pour les Européens.
Pergélisol. Le pergélisol, cette couche de terre gelée à épaisseur variable dont nous avons présenté les caractéristiques plus haut, recouvre une partie conséquente du sous-sol russe (environ 60 %). Outre la montée des eaux sibériennes, son dégel récent causé par le réchauffement climatique entraîne d’autres conséquences dramatiques. En se décongelant, le pergélisol rejette de grandes quantités de méthane et de mercure particulièrement toxiques, ainsi que du CO2, qui y est deux fois plus présent que dans l’atmosphère, accélérant ainsi le processus de réchauffement. Mais il réserve également d’autres surprises, car le pergélisol a aussi préservé dans la glace des virus, dont certains sont encore inconnus. En 2016, à la suite d’un été particulièrement chaud, le cadavre d’un renne contaminé à l’anthrax vieux de 75 ans a dégelé et fait craindre un risque d’épidémie. Un enfant ayant été exposé au bacille en est décédé et quelque 2 300 rennes présentant un risque ont dû être abattus pour préserver la population animale et humaine.
Le mouvement vert
En Russie, les scientifiques, les artistes et le peuple restent très proches de la nature, par tradition et par culture. 34 millions de personnes dans la CEI font partie d’associations de défense de la nature. Depuis les années 1960, quand l’écrivain Mikhaïl Cholokhov dénonçait la pollution du lac Baïkal (en Russie orientale), le mouvement d’abord informel de protestation contre la pollution de la Volga, mère des fleuves russes, et du lac Baïkal, contre le projet de détournement des fleuves du nord de la Russie et de la Sibérie, n’a cessé de gagner en force et en efficacité. L’usine de cellulose qui empoisonne le Baïkal (1/5 des réserves mondiales en eau douce) est sur le point d’être fermée. Lac et littoral seront classés parc national. L’alerte terrible provoquée par l’accident nucléaire de la centrale de Tchernobyl (Ukraine) a également favorisé une prise de conscience du problème de l’environnement. Néanmoins, la protection de la nature est loin d’être généralisée en ex-URSS. Le drame de la mer d’Aral (Kazakhstan et Ouzbékistan) le prouve : cette mer intérieure perd chaque année 1 990 cm au profit du désert. Sa surface a déjà été réduite de moitié. De toute évidence, la lutte contre la pollution est loin d’être gagnée. Selon les récentes révélations sur Tcheliabinsk-40, dans cette ville secrète au sud de l’Oural et qui fut interdite pendant près de 40 ans, on fabriquait du plutonium pour les besoins de la bombe A. En 1957, une catastrophe nucléaire contaminant sévèrement toute la région s’y produit, qui est tenue secrète jusqu’en 1990. En avril 1993, à Tomsk-7, une autre explosion a eu lieu dans une usine de retraitement de combustibles nucléaires, projetant dans l’atmosphère des déchets radioactifs... Si les Verts restent aujourd’hui encore marginaux sur la scène politique, quelques frémissements écologiques comme la mise en place du tri sélectif dans certains quartiers de Moscou permettent d’espérer un changement prochain. La conscience verte des Russes reste cependant encore largement tributaire de l’idée selon laquelle la Russie est vaste, pleine d’espaces purs... et disponibles. Si le changement est lent, les villes n’ont pas pour autant le monopole de la protection de l’environnement. Une conscience écologique forte se développe dans plusieurs régions de Russie où, dans une veine vaguement éco-nationaliste, le paysage participe de la construction identitaire. C’est par exemple le cas dans les régions du Nord-Ouest (Carélie, oblast de Mourmansk) où l’engagement en faveur de l’environnement est plus soutenu qu’ailleurs et participe d’un discours local sur la proximité culturelle avec la Scandinavie. Ailleurs, c’est le renouveau des fois natives (slaves, ossètes ou chamaniques en Sibérie) et donc de l’animisme qui réintroduit un lien spirituel entre l’homme et la nature qui l’entoure.
Parcs nationaux et zapovedniki. Compte tenu de l’immensité du territoire russe, vous ne serez pas étonné d’apprendre que les parcs nationaux y sont nombreux et vastes. Une quarantaine de ces gigantesques parcs composent la Fédération. On les trouve dans la partie occidentale du pays pour la majeure partie d’entre eux ainsi que le long de la frontière sud russe. Si vous séjournez à Moscou, vous aurez l’occasion de vous rendre dans le premier parc national russe, le Parc Lossiny Ostrov (l’île aux élans), qui se trouve à cheval sur le territoire de la ville et sur l’oblast (région) de Moscou. Les Moscovites aiment à profiter de ses forêts qui recouvrent 90 % de la surface totale de ce parc de quelque 116 km² fondé en 1983. Les parcs nationaux sont placés sous l’autorité du ministère des Ressources naturelles et de l’Environnement et la plupart sont divisés en plusieurs parties, administrées selon des régimes différents. Le plus souvent, une partie est dévouée au tourisme et aux activités récréatives tandis qu’une autre reste strictement fermée aux visiteurs, en vertu de la théorie de la zapovednost’. La zapovednost’ est une sorte de version russe de la réserve, en plus extrême. Un lieu placé sous zapovednost’ est appelé zapovednik et revêt un intérêt scientifique et écosystémique qui en justifie la protection de toute influence extérieure : seuls les chercheurs et garde-forestiers sont autorisés à y pénétrer. L’idée derrière la création des zapovedniki est de maintenir des lieux libres de toute présence humaine afin d’étudier, par comparaison, l’impact de l’anthropocène sur les espaces similaires qui sont, eux, investis par l’homme et mis au service de l’être humain. Le système a été mis en place à la fin du XIXe siècle, et la Russie compte aujourd’hui une centaine de zapovedniki.