Bujagali, là où commence l’aventure !
Pour la plupart des rafters, le grand jour commence à Bujagali. Ce site, situé sur la rive droite du fleuve en aval de Jinja, constitue la Mecque des sports d'eaux vives en Ouganda. C'est ici, en effet, dans la haute vallée du Nil, que les compagnies pionnières ont installé leur base de lancement au mitan des années 1990. C'est ici, dans une section fluviale riche en vagues et en remous localisée au nord-ouest du barrage d'Owen Falls, inauguré en 1954, que les radeaux pneumatiques étaient mis à l'eau. L'emploi du passé est de rigueur car l'érection d'un nouvel ouvrage hydraulique, le barrage de Bujagali, légèrement en aval des camps de base, a entraîné, au début de la décennie 2010, la disparition – par ennoyage – de plusieurs rapides et la création d'un lac de retenue paisible. Les professionnels du rafting et du kayak doivent, depuis lors, acheminer leurs impavides clients en aval de ce barrage afin qu'ils puissent entamer leur aventure aquatique. Néanmoins, à l'exception d'Adrift, les compagnies spécialisées que sont Nile River Explorers, Nalubale Rafting et White Nile Rafting, continuent à accueillir, héberger et nourrir leur clientèle au sein ou à proximité immédiate du hub touristique que demeure Bujagali. Comme de bien entendu, c'est également ici que la majorité des pagayeurs d'un jour ou de toujours se retrouvera – vers 8h30 – pour le petit déjeuner, généralement copieux (fruits, toasts, œufs…) et pour un premier brief. Bien que de menues différences existent entre les prestataires (ainsi les sites d'embarquement et de débarquement), la distance parcourue, les tarifs pratiqués, l'acheminement depuis Kampala (inclus dans le prix) et la qualité de l'encadrement, pour ne citer que quelques exemples, elles se ressemblent comme deux gouttes d'eau (nous restons dans la thématique…). Il en va de même pour le brief précédemment évoqué : invariablement, ou presque, on rappellera aux canotiers d'emporter leur crème solaire (glissée dans un sac imperméable). Une fois distribués casques et gilets de sauvetage, direction le bus ou le camion à ridelles pour démarrage immédiat !
Le rendez-vous des intrépides
Trente minutes et un changement de rive plus tard, la folle équipée s’apprête à appareiller. Avant de quitter le plancher des vaches et de se mettre à l’eau, le capitaine de l’embarcation s’embarque dans un second brief au cours duquel il prodigue de précieuses informations relatives à la sécurité. Que faire, notamment, en cas de retournement du radeau (dessalage) ? Que faire, par conséquent, si l’on tombe à l’eau ? Ou, plutôt, que faire lorsqu’on tombera à l’eau, car le chevronné barreur explique à cette occasion que la question n’est pas de savoir si l’on tombera à la baille, mais quand… Il est environ 10h désormais. Le temps est venu de se lancer sur le Nil Victoria pour 19 km de sensations (très) fortes ! Les rafteurs s’engagent alors dans les premiers rapides – des mises en bouche nommées Jaws, Pyramid et Giggitty Giggitty – permettant de s’étalonner avant d’affronter Overtime, une chute classée niveau 5. Céans, boire la tasse deviendra une réalité pour plus d’un… Pour les autres, le grand bain devrait avoir lieu dans Chop Suey ou Retrospect, des rapides de niveau 4 succédant à Overtime. Nulle crainte à avoir (facile à dire a posteriori !) puisque des kayakistes expérimentés viennent illico presto prêter main forte aux marins d’eau douce… Des biefs calmes permettent de reprendre son souffle (dans toute la force du terme…) en plongeant et nageant dans les eaux chaudes du fleuve, en avalant un en-cas et en admirant les berges nilotiques. Alors que le Nil semble se prélasser, on entend gronder les rapides de Bubugo avec lesquels la rencontre sera courte mais intense ! Derechef, les chances de voir le bateau se retourner sont assez élevées… S’ensuit une zone de calme plat avant la tempête. Ce plat de résistance, où bouillons spectaculaires et vagues géantes rivalisent de puissance, est constitué de trois grandes ruptures de pente s’étendant sur toute la largeur du cours d’eau (environ 700 mètres). Séparées par des îlots, ces redoutables chutes ont été baptisées Kalagala Falls (niveau 6, à l’ouest), Hypoxia (niveau 6, au centre) et Itanda Falls (niveau 6, à l’est). Seuls les kayakistes et rafteurs aguerris peuvent se frotter au courant. Pour le commun des mortels, le débarquement est obligatoire. Le réembarquement est prévu un peu plus bas, au niveau de Bad Place, autrement dit la portion aval (classée niveau 5) d’Itanda. Bravo à ceux qui ne tomberont pas à l’eau ici !
L’aval et l’after
Les rameurs du jour, désormais habitués aux glouglous du Nil, s’apprêtent à attaquer le dessert, Vengeance (niveau 4). En préambule, la joyeuse troupe batifole, s’essaye au bodyboard, pique une dernière tête…et regrette sans doute de retrouver la terre ferme incessamment. Il y a peu, le plaisir durait un peu plus longtemps et incluait deux autres zones de turbulence : Hair of the Dog et Kulu Shaker. Mais la construction d’un nouveau barrage hydroélectrique (Isimba Dam), 35 km en aval de Bujagali Dam, entre 2015 en 2019, fit disparaître ces rapides fameux ainsi que des îles et des terres riveraines. Néanmoins, la nouvelle retenue d’eau ne fut pas le chant du cygne – redouté des acteurs du secteur – des prisées activités nautiques puisque le barrage n’a pas altéré les principaux spots de niveau 5. Le grand frisson subsiste donc en s’achevant dorénavant par Vengeance. Malgré son nom peu encourageant, ce goulet tumultueux ne devrait plus effrayer les néo-pros du rafting. Le radeau est emporté par une grande vague et accélère peu à peu sur plusieurs dizaines de mètres. C’est l’endroit préféré des surfeurs. Les derniers baigneurs, volontaires ou non, regagnent alors leur embarcation avant d’atterrir. Les quatre ou cinq heures passées sur l’onde s’achèvent ainsi. Néanmoins, la journée n’est pas encore finie ! Sodas et bières fraîches font passer l’eau du Nil. Ils sont le prélude au barbecue de fin d’après-midi, où les grillades le disputent aux pâtes, pommes de terre, riz et légumes. De quoi recharger les accus, échanger les d’ores et déjà inoubliables souvenirs et regarder défiler les photographies qui seront gracieusement remises à chacun des aventuriers !