Découvrez Japon : Beaux-Arts (Peinture / Sculpture / Street Art / Photo)

Mélange de tradition et de modernité, le Japon est la destination idéale des passionnés d’art. Sur cette terre de contrastes, toutes les techniques du champ de la création se rencontrent, s’entrelacent et se nourrissent. Difficile de séparer arts et architecture dans un pays où tout participe à sa mise en valeur. L’art japonais a ceci de si particulier qu’il s’est développé jusqu’à une époque relativement récente à l’abri de toute influence occidentale. L’estampe et la peinture s’imprègnent, à leurs débuts, des traditions picturales chinoises et du bouddhisme. Mais bien vite, le pays du soleil levant s’est forgé un style unique. Ce regard si particulier sur le monde attire de nombreux voyageurs épris de raffinement. A partir de l’après-guerre, l’art contemporain connaît un essor fulgurant. La photographie et les courants avant-gardistes s’épanouissent sur le sol nippon. Des talents exceptionnels à découvrir en totale immersion.

Peinture

La peinture est l’un des premiers arts pratiqués au Japon. L’art du Kaiga a adopté au fil des siècles une large palette de styles. Il convient de distinguer la peinture avant et après 1868, le début de l’ère Meiji.

Avant cette date, l’influence de la peinture chinoise se ressent notamment dans l’introduction de nuages pour fragmenter un paysage, de fleurs et d’oiseaux.  La peinture de l’époque de Heian (794-1185) et à partir du XVIIe siècle, de l’école Rinpa sont préservés de toutes caractéristiques chinoises.

Périodes Kamakura et Muromachi

Durant la période Kamakura (1185-1333), les peintres illustrent la vie des religieux de même que des grands personnages, et les romans de la cour impériale. Un nouveau type de peinture monochrome réalisée au lavis voit le jour. Elle prend réellement son élan durant la période Muromachi (1333-1568). Sous le régime des Ashikaga, le portrait prend peu à peu de l'importance. Le visage est privilégié, le vêtement est traité d'une manière plus sommaire. Puis, le demi-corps est choisi selon la technique Zen.

Les peintres, qui sont aussi calligraphes, font la part belle au paysage. Les supports, qu’il s’agisse de soie ou de papier impliquent une grande maîtrise du geste calligraphique.

Le moine-peintre bouddhiste Sesshū, maître du lavis monochrome à l’encre de Chine, réinterprète le mouvement lyrique des artistes chinois Song en lui apportant une touche japonaise. La composition, souvent de droite à gauche et de bas en haut, met en valeur les masses noires et la dilution progressive des noirs. Cette époque voit également la prédominance de l'école Kanō. Le plus influent, Motonobu, mêle habilement des lavis légers et transparents à de larges lavis d'encre.

Epoque Momoyama (1573-1600)

Le pouvoir en place est alors particulièrement puissant. L'école Kanō continue à décorer les résidences et les palais, notamment Eitoku Kanō, qui entreprend la décoration de la résidence de Hideyoshi Toyotomi. Les Ming chinois sont aussi très influents. C'est à cette époque que les Japonais découvrent la peinture à l'huile, avec une Vierge apportée par François-Xavier.

Epoque Edo (1600-1868)

Les Kanō sont assurés de la protection officielle shōgunale. Le maître Tan-yu décore les sépultures de Nikkō et les mausolées du parc Shiba, à Edo, pour le compte des Tokugawa. Il décore également le palais impérial (Gosho) à Kyōto. La célèbre peinture du Tigre dans les bambous se trouve au Nanzen-Ji, à Kyōto.

Le peintre Kōetsu Honami tire parti de l'influence des Kanō et des Tosa pour entreprendre la peinture de paravents aux fleurs, à la fois simples, stylisés et hauts en couleur. On utilise maintenant les lavis de couleur. C'est également pendant la période Edo que se développe l'estampe. Une école de peintres se forme autour de l'ukiyo-e ou peinture du monde flottant, qui signifie à la fois peinture du monde éphémère et peinture à la mode. Ces peintres deviennent peu à peu graveurs. Ces gravures sur bois permettaient de produire à petits prix la représentation des plaisirs de la ville pour une nouvelle classe sociale. On peint et grave les courtisanes, les scènes de la vie quotidienne, les acteurs de kabuki. Peu à peu, les sujets se multiplient et on voit des paysages, des animaux, des fleurs, etc. Matabei Iwasa fut l'un des plus grands du genre. A partir de 1765 apparaît l'estampe polychrome avec ses grands maîtres : Harunobu Suzuki et Kiyonaga Torii, puis Utamaro Kitagawa, et enfin Hokusaï Katsushika et Hiroshige Andō, ces deux derniers étant des maîtres paysagistes.

Premiers apports occidentaux

La naissance de la peinture dite contemporaine au Japon, remonte au XVIIIe siècle. Elle fait appel, curieusement pour un pays jusqu'alors isolé, aux influences étrangères, et tout particulièrement chinoise, qui atteignent le Japon d'alors, par les îles Ryūkyū et Nagasaki. L'espace pictural est bouleversé par la présence des Hollandais à Nagasaki, qui introduisent les lois de la perspective. Alors que la découverte de ces différentes techniques ne joue qu'un rôle encore superficiel, la peinture est partagée entre deux tendances : l'une réaliste et l'autre plus idéaliste.

Le courant réaliste, souvent désigné comme l'école Maruyama-Shijō, en hommage à l’artiste Ōkyo Maruyama (1733-1795), applique aux paysages des procédés venus de l'Occident. Il oscille entre un style très méticuleux, qu'il applique aux œuvres de petites dimensions, et un style décoratif sur des toiles plus importantes. Quant à Goshun (Gekkei Matsumura, 1752-1811), fondateur de l'école Shijō, il subit l'influence de Buson Yusa pour l'art des haïkus. On distingue deux périodes distinctes chez Goshun. La première directement issue de la domination du style de Buson Yusa, la seconde marquée par un retour vers Ōkyo Maruyama. Dans le Héron bleu avec hibiscus, se laissent admirer les caractéristiques de Buson, et dans ses dernières œuvres, comme les Pruniers en fleurs, un retour vers la technique monochrome chère à Ōkyo. La tendance plus réaliste se développe dans l'école des bunjin (lettrés). Ce sont des intellectuels qui subirent l'influence confucianiste. La peinture imite l'art chinois avec une touche spécifiquement Zen. Cette école, plus connue sous le nom d'école Nanga, fait appel aux qualités d'une peinture aristocratique plus qu'à un style particulier. Il s'agit d'affirmer la noblesse des sentiments, les états d'âme et la position sociale. Savants, hommes d'affaires ou médecins vont rivaliser pour exprimer leur culture et leurs sentiments. Ils emploient alors une calligraphie précieuse et essaient d'imposer une poésie délicate et silencieuse.

Epoque Meiji

L'ouverture sur l'Occident à partir de 1868 provoque un engouement pour les méthodes européennes, et particulièrement la peinture à l'huile. Si le style évolue, il peine à s'affranchir des maîtres qu'il imite. C'est pour tenter une nouvelle voie, entre la technique occidentale et la tradition japonaise, que se dessine une nouvelle peinture, dite nihonga ou peinture japonaise. Elle recourt aux techniques traditionnelles, et introduit diverses influences, notamment celle des Kanō, Tosa, Kōrin, etc. C'est grâce à Ernest Fenellosa (1853-1908) ou Fenerōsa, sociologue américain, élève des Beaux-Arts à Boston, que fut créée l'Université des Beaux-Arts de Tōkyō.

L'huile devient la technique dominante. Les recherches se multiplient. Certains reviennent au yamato-e (images du Yamato = Japon), d'autres aux sources chinoises, d'autres au style du suiboku-ga. De ces différentes voies n'émerge aucun style particulier.

La peinture reste, jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, attachée aux courants littéraires. Les peintres les plus représentatifs de cette période sont Tsuguharu Fujita, Meiji Hashimoto, ou Kokei Kobayashi. Beaucoup de peintres japonais du XXe siècle viennent chercher l'inspiration en Europe et aux Etats-Unis.

Eres Taishō (1912-1926) et Shōwa (1926-1989)

Les artistes japonais rapportent de leurs séjours en Europe les héritages de l’impressionnisme. Cézanne et Renoir s’imposent comme les principales influences de cette génération. Pour autant, cette période est celle de toutes les remises en question. Fauvisme, symbolisme, et surtout expressionnisme font des adeptes. Parmi les avant-gardes des années 1920, le Manifeste Mavo s’inscrit dans la mouvance du futurisme et du constructivisme : Yanase Masamu pratique le photomontage. En réaction, le mouvement Inten regroupe les artistes qui se détachent des courants occidentaux. L’une des rares femmes de cette tendance, Seien Shima (1892-1970) lutte en faveur de la cause féminine à travers ses autoportraits.

L’ère Shōwa (1926-1989) est marquée par le talent de Sōtarō Yasui et Ryūzaburō Umehara, tous deux sont proches de Matisse pour le premier, Renoir pour le second. Umehara fonde le groupe Kokuga-kai, et est le premier à accepter des photographes dans son collectif.

A partir des années 1930, le surréalisme devient un phénomène, suite à son introduction au Japon par Fukuzawa Ichirō à son retour de France. Il réunit autour de lui des peintres modernistes, dont certains pratiquent le nihonga, ainsi que des photographes. Le club surréaliste ACC (1930-1942) s’illustre dans la photographie créative, le collage hérité du cubisme et du surréalisme.

De son côté, Saburō Hasegawa, rentré d’un voyage en Europe en 1929, apporte l’art abstrait au Japon. L’abstraction profite du raffinement et de la sobriété japonaise. Le renouveau de l’art japonais est apporté par Yoshihara Jirō, à la tête du mouvement avant-gardiste Gutai. Il se réclame de Jackson Pollock, prône le matériau brut, et ouvre la voie au happening.

La Seconde Guerre mondiale, synonyme de censure et de propagande, limite l’art aux thèmes patriotiques.

Estampes

Ces œuvres, qui intègrent images et textes, sont en vérité des xylographies, car gravées sur un bloc de bois. Les plus connues se développent à l'époque Edo et sont des ukiyo-e, ou images du monde flottant.

Les amateurs européens d'estampes japonaises font souvent référence aux estampes érotiques. Cet art appelé shunga suit la littérature sensuelle, représentée par les romans de Saikaku Ihara ou de Kiseki Ejima. Les shunga illustrent les romans un peu lestes et les guides du monde flottant en mettant en situation telle maison de plaisir et telle prostituée plutôt qu'une autre. Les origines des shunga restent empreintes de la volonté d'exprimer le naturel de la relation physique selon les croyances shintō, dégagées de toute pudeur de type judéo-chrétien. Les shunga participent d'une certaine façon à l'éducation sexuelle des amants et des futurs mariés. Les principaux artistes furent Settei Tsukioka, Harunobu Suzuki, Kyosen Kikurensha, Koryūsaï Isoda, Shigemasa Kitao et, bien sûr, Utamaro Kitagawa, Kunisada Utagawa et son élève Kunimarō, enfin Hiroshige Andō.

Photographie japonaise

La pratique de la photographie, née en Occident, mûrit tardivement au Japon. Elle n’entre véritablement dans la culture nippone que dans les années 1950. Des démarches diverses se révèlent, souvent en tant que témoignages d’un instant.

Le contestataire Ken Domon (1909-1990) est rapidement placé sous surveillance policière en raison de son regard empli d’humanité. Il documente le chômage, la misère, la tristesse d’un peuple. Sa série Hiroshima montre au monde entier les survivants de la bombe atomique. En parallèle, il photographie la société traditionnelle, notamment les temples bouddhistes. Il procède en se tenant immobile un long moment pour capturer d’un point de vue unique ce qui se déroule sous ses yeux.

Araki Nobuyoshi, né en 1940, fait entrer la notion d’intimité dans la photographie. Sa démarche, qu’il qualifie de « Erotos », s’ancre à la fois dans le désir de sexe et de vie, et dans l’attrait pour la mort.

Daido Moriyama et Shomei Tomatsu sont animés par une passion commune pour Tokyo. Tomatsu (1930-2012) photographie ses habitants avec une profonde empathie, et les suit dans sa série Protest, lors des manifestations étudiantes. Son regard presque abstrait rend compte du mouvement, de l’énergie de ses contemporains. Il est considéré comme le mentor de Moriyama, qui voit en lui le représentant de la nouvelle photographie. Né en 1938, Moriyama développe un travail éclectique, qui documente tous les aspects de la ville : le quartier de Shinjuku, les marginaux, la sensualité de ses habitants. L’artiste tend une loupe pour inviter à découvrir les trésors cachés de son pays.

Sculpture

Parmi tous les arts majeurs, la sculpture est le moins développé dans la culture japonaise. La plupart des productions sont tout d’abord liées à la tradition bouddhique. Cependant, le raffinement de l’école Unkei, à la fin du XIIe siècle, contribue à l'élévation de cet art au Japon. Leurs plus belles représentations se trouvent à Nara.

Dans le Japon moderne, particulièrement à Tōkyō, statues et monuments sculptés participent au paysage urbain. La sculpture reste longtemps influencée par l’Occident et le modèle de Rodin. Cependant, après la Seconde Guerre mondiale, un courant de sculpture expérimentale voit le jour. La création du musée à ciel ouvert Hakone Open Air Museum, en 1969, favorise l’essor de la sculpture de plein air. Le bois et les matériaux naturels ont la faveur des sculpteurs contemporains.

Takashi Murakami

Représentant de la nouvelle sculpture et d’un renouveau pop, Takashi Murakami (né en 1962) aime mettre en scène une figure à grosse tête, Dob, devenu son autoportrait. Son art est fortement imprégné de l’univers des mangas et des otakus.

Le digne héritier de Warhol se forme tout d’abord au nihonga, ce qui lui permet d’allier les techniques traditionnelles à la culture manga. Ses œuvres colorées font appel à la sculpture, parfois monumentale, à la peinture, aux installations et à la vidéo.

A partir de 2001, il prend la tête du mouvement néo-pop Superflat, qui affirme l’autonomie nippone face aux références occidentales. Murakami expose dans le monde entier, dont au Japon au Musée d’art contemporain d’Hiroshima, à la Gallery Aoi d’Osaka, ou encore à l’Hosomi Contemporary Gallery de Tokyo.

Murakami a par ailleurs réalisé les clips It Girl de Pharrell Williams et You Should see me in a crown de Billie Eilish. L’une de ses sculptures en fibre de verre s’est vendue à New York près d’un demi-million d’euros.

Foisonnement contemporain

Depuis la catastrophe de Fukushima en 2011, c’est une nouvelle génération d’artistes qui émerge. A l’opposé du superflat, qui renvoie une image superficielle du Japon, les œuvres sont désormais plus réalistes et engagées. La vague d’artistes post-Fukushima cherche à exprimer les doutes et les déceptions d’un peuple face à la nucléarisation du pays.

Les constructions futuristes de Tokyo abritent des galeries et des musées d’art contemporain de premier ordre. Le complexe de Roppongi Hills réserve nombre de lieux d’exposition : le Centre National des Arts, ainsi que le haut lieu de la scène contemporaine, le Musée d’art Mori ; aussi des galeries d’art comme la Sky Gallery. Dans le quartier de Ginza, la photographie s’expose dans la Canon Gallery Ginza, véritable découvreur de talents.

A Osaka, lieu de naissance de Tadao Ando, le temple de l’art contemporain, le Musée d’art national abrite une collection exceptionnelle d’art d’après-guerre : Picasso, Ernst, Cézanne ou encore le peintre Foujita. Il faut savoir que les musées d’art nationaux japonais se partagent un catalogue collectif : le musée national d’art moderne de Kyoto (MOMAK), le Musée national d'art moderne de Tokyo, le Musée d’art national d'Osaka et le Musée national d'art occidental de Tokyo.

Sur l’île de Naoshima, art contemporain rime avec beauté naturelle. Sous l’égide du mécène et collectionneur Soichiro Fukutake, Tadao Ando a imaginé le célèbre Benesse House Museum, ouvert en 1992. Ando conçoit ensuite le musée souterrain Chichu ; un habile jeu avec la lumière naturelle change l’apparence des installations au fil des heures. Le lieu abrite entre autres les Nymphéas de Monet.

Quelques îles de la mer intérieure sont dédiées à l’art contemporain. Outre les expositions à découvrir tout au long de l’année, la Triennale de Setouchi offre une parfaite occasion de séjourner dans la région.

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