Découvrez Taïwan : Architecture (et design)

Au carrefour des routes commerciales, longtemps jalousée par les grandes puissances mondiales, Taïwan est un étonnant mélange d'Orient et d'Occident, de traditions millénaires et de modernité, en particulier en matière d'architecture. Cette dernière fut ici un symbole de pouvoir, de renaissance culturelle, avant de devenir aujourd'hui celui de l'innovation. Loin des clichés des mégapoles agitées et bruyantes couvertes de tours sans âme, Taïwan se fait, au contraire, le chantre d'une architecture nouvelle, tournée vers le développement durable et ses villes se dotent de bâtiments innovants. L'île n'en renie pas pour autant son incroyable patrimoine qui a évolué au gré des influences hollandaises, japonaises et chinoises. Sans oublier bien sûr les cultures aborigènes qui contribuent, elles aussi, à forger l'identité unique de l'île. Porteuse d'une histoire étonnante et passionnante, l'architecture taïwanaise n'a pas fini de vous étonner !

Aux origines

L'île de Taïwan est habitée depuis des millénaires, comme le prouve le site archéologique de Beinan, dans le comté de Taitung. Découvert en 1945, le site abrite monolithes et tombes en schiste datant de 5000 à 2000 av. J.-C. Le schiste utilisé a très probablement été importé par voie fluviale, preuve d'une culture déjà très organisée. Les habitants originels de l'île sont aborigènes. Si leurs cultures sont extrêmement diverses, elles possèdent néanmoins certains points communs en matière d'architecture, comme le recours aux matériaux naturels (bois, bambou, terre...) et l'adaptation des habitations au climat et à l'environnement. Ainsi, la tribu Tao, qui vit sur Lanyu, l'île des Orchidées, enterre les fondations de ses maisons pour assurer leur stabilité face aux typhons. Les tribus Paiwan et Bunun construisent principalement des maisons en pierre à toit de chaume dont les couleurs se fondent parfaitement dans l'environnement. Les plus anciennes habitations aborigènes sont de type troglodytique. On peut en voir un exemple sur le site de la grotte de Baxian. Autre type d'habitation autrefois fort répandu : la maison sur pilotis permettant de se préserver de l'humidité. Un patrimoine étonnant à découvrir également sur les sites archéologiques de Peinan et Qilin.

De l'empire hollandais à la dynastie Qing

Au XVIIe siècle, Taïwan est disputée par les grands empires marchands espagnol et hollandais. De 1624 à 1634, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales fait construire, dans la ville de Tainan, le Fort Zeelandia (aujourd'hui Anping Fort). Pour ce faire, ils importent des briques de Java et utilisent comme mortier un étonnant mélange de sucre, de sable, de sédiments littoraux et de colle de riz. Une manière d'associer des méthodes de construction occidentales et le savoir-faire local. Autre fort d'importance, le Fort Provintia, également à Tainan. Des imposantes fortifications originelles, il ne reste que des vestiges du mur extérieur, aujourd'hui incorporés aux tours Chihkan… de style classique chinois ! C'est également aux Hollandais que l'on doit le Fort Antonio, reconstruit à la place du Fort San Domingo érigé par les Espagnols dans le district de Tamsui.

Aux colons européens suivent les représentants du royaume chinois de Tungning (1661-1683) puis ceux de la dynastie Qing (1683-1895). En arrivant à Taïwan, les Chinois ont importé leurs croyances et leur tradition architecturale, notamment en matière de temples. Le lien avec la nature est fondamental et l'édification d'un temple est régie par une orientation bien précise. Le temple est orienté au sud de manière à bénéficier de la chaleur en hiver et de brises fraîches en été. Pour se protéger des tempêtes, des animaux mythiques, tels que le dragon, sont placés aux 4 coins du toit, qui est recouvert de tuiles. Les premières tuiles sont réalisées à partir d'un mélange de pierre, d'argile et d'herbe d'Ylang-Ylang, avant de bénéficier d'un traitement particulier leur permettant d'être peintes en couleurs. Clouées à la charpente, elles sont souvent gravées et dessinées, là encore en vue de protéger l'édifice des caprices de la nature. Autre caractéristique phare et particulièrement développée sous la dynastie Qing : la forme du toit recourbé à ses extrémités. C'est ce qu'on appelle le « toit en queue de pie » qui peut avoir un ou deux niveaux de courbures. Quelle que soit l'époque, l'élément le plus important reste l'ossature du temple réalisée en bois, matériau noble et vivant. La charpente de l'édifice, assurant une grande stabilité, permet d'obtenir différents espaces largement ouverts créant un lien entre l'intérieur et l'extérieur. Tous les éléments de l'ossature en bois sont imbriqués les uns aux autres par un système de tenons qui permet un assemblage rapide. L'ossature repose sur une plateforme de fondation permettant une bonne isolation de l'ensemble. Les espaces sont organisés selon un axe central, les espaces les plus intimes étant toujours disposés vers l'intérieur. À cela s'ajoute, surtout sous la dynastie Qing, une recherche constante d'embellissement passant par la menuiserie décorative, la peinture et surtout la sculpture en porcelaine que l'on retrouve jusque sur les toits. L'abondance décorative ne doit pas faire oublier que tout est précisément codifié et fixé en amont de la construction, de la taille des colonnes à la courbure du toit, en passant par l'espace entre les éléments de décoration. Les deux plus beaux temples de l'époque Tungning, le Grand Temple de Mazu (1664) et le Temple de Confucius (1665) se trouvent à Tainan. Parmi les grands représentants de la dynastie Qing, notons les exubérants temples de Chiayi City.

À la fin du XIXe siècle, un changement assez étonnant s'opère et les représentants de la dynastie Qing vont faire appel à des modèles plus occidentaux pour l'édification de leurs nouveaux bâtiments, comme en témoigne la Résidence des Agents des Douanes à Tamsui. Surnommée « petite maison blanche », elle a été construite en 1870 dans le plus pur style colonial avec de belles galeries entourant la maison.

Influence japonaise et renaissance chinoise

De 1896 à 1945, Taïwan est sous autorité japonaise. Ces derniers vont développer un style bien particulier, dont les Qing avaient initié les premières tentatives : une réinterprétation des codes formels occidentaux. À Hsinchu, la gare en est un parfait exemple. Sobriété des lignes et recherche de symétrie témoignent d'une inspiration résolument néoclassique. On retrouve cette recherche de grandeur au Musée National de Taïwan qui utilise en abondance colonnades et frontons chers à l'Antiquité grecque. À Taichung, l'ancienne maison de la radio est un élégant mélange de demeure coloniale et de palais vénitien ; tandis que l'ancienne gare, édifiée en 1917, garde intact son style néo-Renaissance. Mais le plus impressionnant témoin de cet emploi des styles occidentaux est sans conteste le Palais Présidentiel de Taipei bâti en 1919 dans un style Renaissance tardive. Notez son entrée principale surmontée de sa haute tour, sa façade d'acier et de béton peinte en rouge et blanc et son escalier monumental orné de colonnes corinthiennes.

Cependant, les Japonais ont également importé leurs propres systèmes de croyance et de construction, comme le prouve le Sanctuaire de Kagi, largement influencé par le bouddhisme zen. À partir de 1945, Taïwan est rendue à la Chine. On assiste alors à une véritable renaissance culturelle chinoise qui va se traduire en matière architecturale par le recours quasi systématique à un style appelé « style classique chinois », mêlant traditions millénaires et innovations modernistes. Le Grand Hôtel de Taipei en est l'un des grands représentants. Son architecture emprunte tout à la fois aux temples chinois (toit recourbé, présence de têtes de dragons aux extrémités) et aux structures modernistes, notamment dans la monumentalité de l'ensemble et dans la répétition en façade de colonnades disposées parfaitement symétriquement, donnant une régularité et une sobriété étonnantes à l'édifice. Autre exemple, à Taipei toujours, le Théâtre National et la Grande Salle de Concert.

Modernes et fonctionnels dans leur usage, ces deux édifices sont pourtant des répliques exactes de temples chinois traditionnels. Le Sanctuaire des Martyrs de la Révolution Nationale illustre parfaitement cette recherche de grandeur et ce besoin de lier la modernité des édifices à l'histoire de la Chine. Construit en 1969, le sanctuaire est largement inspiré de la Salle de l'Harmonie Suprême de la Cité Interdite de Pékin. À côté de ces odes à la gloire du passé de la Chine, notons un édifice aussi élégant qu'insolite : la Chapelle Commémorative Luce du célèbre Ieoh Ming Pei, construite sur le campus de l'université de Taichung. Cette chapelle chrétienne détonne par sa forme de tente (ou paraboloïde hyperbole pour les scientifiques !) et sa structure en béton couverte de carreaux de céramique dorés. Entre temple et chapelle, cet édifice offre une superbe interprétation de la religion en architecture.

Architecture d'avenir

Aujourd'hui, Taïwan est devenu l'un des grands centres de création et d'innovation architecturale. À Taipei, Rem Koolhaas a révolutionné la typologie des théâtres avec son Centre d'Art Dramatique. Lassé des structures codifiées et fermées, il a imaginé un théâtre avec de grands espaces ouverts, permettant aux visiteurs de voir battre le cœur créatif du théâtre. Mais la structure de l'édifice, qu'il décrit lui-même comme un tofu attaché à un œuf de 100 ans, n'a pas fait l'unanimité ! Ce qui remporte tous les suffrages, en revanche, c'est cette recherche constante d'une architecture verte et durable. Le Stade National de Kaohsiung, imaginé par l'architecte japonais Toyo Ito est ainsi intégralement alimenté à l'énergie solaire. Il doit d'ailleurs son surnom de « stade du dragon » à sa forme en spirale et à ses panneaux photovoltaïques aux allures d'écailles. L'antenne Beitou de la Bibliothèque Publique de Taipei a été pensée pour réduire les consommations d'énergie et d'eau grâce aux baies vitrées qui laissent passer un bel éclairage naturel et aux systèmes de capture d'eau de pluie. Respectant la tradition chinoise d'harmonie avec la nature, certains architectes n'hésitent pas à faire fusionner leurs édifices avec l'environnement qui les entoure, comme avec la Bibliothèque Nationale de Taitung qui, avec son toit recouvert de gazon, semble se fondre littéralement dans le sol ; ou bien encore avec le Musée LanYang de Toucheng dont la structure asymétrique reproduit les reliefs des cuestas ou montagnes environnantes. Même les plus impressionnants gratte-ciel de Taïwan se font durables. La Tour Taipei 101, qui domine la ville du haut de ses 509 m (antenne comprise !), a été primée pour son design énergétique et environnemental. Imaginée par l'un des architectes phares de Taïwan, C.Y. Lee, la tour est truffée de références à la culture chinoise, à commencer par les segments qui la composent et qui sont au nombre de huit, chiffre symbole de prospérité. Autre tour emblématique : l'Agora Garden de Vincent Callebaut. Créateur du concept « ArchiBiotic », il imagine des bâtiments intelligents, comme cette tour hélicoïdale dont les 23 000 plantes des jardins-terrasses doivent servir à capter un maximum de CO2 et tenter de limiter ainsi les impacts de la pollution. Tout comme l'incroyable Ecopark de Taichung imaginé par le Suisse Philippe Rahm. Cette oasis de verdure a été pensée dans les moindres détails et ses climats modélisés de manière à créer des températures, des aérations et des lumières différentes sans dépense énergétique inutile.

Dernièrement, Taïwan a su s'illustrer dans l'architecture contemporaine. Le Tainan Municipal Cultural Center est un centre culturel qui combine des espaces d'exposition, des auditoriums et des installations pour les arts de la scène, reflétant l'engagement de Tainan envers la culture et l'art contemporain. Pour soutenir son secteur technologique dynamique, le parc scientifique de Hsinchu continue de se développer avec de nouvelles installations pour l'innovation et la recherche, y compris des bâtiments de haute technologie et des laboratoires. La ville de New Taipei a récemment inauguré plusieurs nouvelles stations de métro pour améliorer la connectivité et réduire la congestion urbaine. Ces constructions intègrent des technologies modernes et des conceptions respectueuses de l'environnement. Le Kaohsiung Cultural Center est un complexe en développement qui vise à offrir un lieu multifonctionnel pour les événements culturels, les expositions et les spectacles, renforçant le rôle de Kaohsiung en tant que centre culturel majeur.

Si de nouveaux projets de gratte-ciels sont en cours, une jeune génération d'architectes se tourne aujourd'hui vers la réhabilitation et prône une architecture minimaliste et respectueuse de son environnement. Taïwan n'a pas fini de se transformer et de nous surprendre !

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