Découvrez les Îles Anglo-Normandes : Sur les pas de Victor Hugo

Alors qu’il connaît une riche carrière en tant que chef de file de l’école romantique, Victor Hugo, né en 1802, va voir sa vie prendre un tournant inattendu. En décembre 1851, à la suite du coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte, il passe dans l’opposition et quitte Paris pour Bruxelles. Mais il doit rapidement écourter son séjour belge à la suite de son pamphlet Napoléon le Petit. Dans ce texte, il traite le futur empereur Napoléon III de « voleur », de « criminel » et de « dernier des hommes ». Des lignes qui lui vaudront d’être poursuivi par la police et de se faire expulser de Belgique. Hugo décide alors de se réfugier à Jersey, une île où l’on parle français et surtout d’où il peut apercevoir son pays natal. Il débarque le 5 août 1852 à Saint-Hélier et s’y installe avec sa femme Adèle, leurs enfants, mais aussi avec sa maîtresse Juliette Drouet. Il va alors devenir le réfugié politique le plus célèbre de l’histoire de l’archipel.

L’arrivée à Jersey

Au début de son exil anglo-normand, Victor Hugo a passé quelques années (de 1852 à 1855) sur l’île de Jersey. Il reste encore aujourd’hui quelques traces de son passage. Les inconditionnels de ce grand écrivain pourront se rendre en pèlerinage sur le Dicq, le rocher des proscrits (The Exiles' Rock). Victor Hugo y donnait rendez-vous et conversait ici avec des amis exilés également par Napoléon III. On y arrive en passant par Saint Clement’s Road (ne pas oublier de faire une halte dans le joli Howard Davis Park) et en descendant jusqu’à la plage par la rampe. Là se trouve ce fameux rocher sur lequel est apposée une plaque. Pour terminer cette promenade commémorative, on suit Grève d’Azette, vers l’est. 400 mètres plus loin, du côté de la mer à droite, juste avant l’embranchement de Green Road, la maison de Victor Hugo, qu’il avait baptisée Marine Terrace, a été détruite. Il y a vécu quelques années avec sa famille après un court séjour à la Pomme d’Or, un hôtel (toujours) réputé de la capitale Saint-Hélier. À noter, c’est à Jersey en 1853 que Victor Hugo a écrit Les Châtiments, son célèbre recueil de poèmes satiriques et critiques envers Napoléon III et le Second Empire. Son séjour sur l’île va donc durer trois ans, puisqu’en 1855, à la demande du gouvernement anglais, l’écrivain est chassé de Jersey. Il a en effet tancé dans un article la reine Victoria, complice, d’après lui, du Second Empire après avoir prévu une visite officielle pour rencontrer Napoléon III. Le 31 octobre 1855, Victor Hugo s’embarque alors pour l'île voisine de Guernesey. Sa troisième terre d’exil.

Guernesey et Hauteville House

À Guernesey, Victor Hugo habite à Saint-Peter-Port. Après quelque temps passé à l’hôtel, il s’installe à Hauteville Street. D’abord au numéro 20, une demeure qu’il achètera et décorera par la suite avec Juliette Drouet, puis dans la célèbre Hauteville House. Arrivé à Guernesey presque sans argent, en 1856, il tire de ses malles et de ses meubles près de 11 000 vers écrits depuis 1830, encore inédits, Les Contemplations. Le deuxième volume comprend en particulier ses écrits de Jersey et de Guernesey. Grâce à l’immense succès de son recueil de poèmes, Hugo va pour la première fois de sa vie devenir propriétaire le 16 mai 1856 en faisant l’acquisition de Hauteville House. Ce sera sa résidence pendant près de 15 ans, jusqu’à la fin de son exil anglo-normand. La maison va être entièrement meublée et décorée des mains du poète. La décoration repose sur le contraste et le foisonnement organisé. Passionné par les brocantes et poussé par une imagination débordante, il a décoré Hauteville House de faïences de Delft, chinoiseries, coffres anciens, miroirs, tapisseries, broderies orientales… Une visite incontournable lors d’un passage sur l’île.
D’abord réunie à Hauteville House, la famille de Hugo va peu à peu s’éloigner de Guernesey. Ses enfants sont en général à Bruxelles, où la famille se réunit régulièrement, et Adèle Foucher se rend très régulièrement en Belgique et à Paris pour veiller aux intérêts professionnels de son mari. C’est d’ailleurs dans la capitale belge qu’Adèle meurt le 27 août 1868. Victor Hugo, qui revient de temps en temps sur le continent, accompagne alors le cercueil de sa femme jusqu’à la frontière française qu’il ne peut encore franchir. Il n’y a finalement que la discrète et fidèle compagne de l’écrivain, Juliette Drouet, qui va rester à ses côtés durant tout son séjour à Guernesey.
Mais la fin de l’exil est proche. Napoléon III va de désastres en échecs, et est de plus en plus contesté. De l’île anglo-normande, Victor Hugo encourage alors la révolte et renoue avec la politique active en participant au Congrès de la paix qui se tient en Suisse. La guerre de 1870 achève le régime. Le 3 septembre, l’empereur capitule, le 4, la République est proclamée, le 5, Victor Hugo (déjà à Bruxelles) revient à Paris après 19 ans d’exil. Même si Hugo appréciait Guernesey, il rêvait sans cesse de « la France riante et blonde ». Mais il a été fidèle à l’engagement qu’il a pris près de nombreuses années plus tôt : « Quand la liberté rentrera, je rentrerai ».
C’est donc sur l’île anglo-normande que l’écrivain va acquérir toute sa dimension. Il faut dire qu’à Guernesey, il va écrire ou achever Les Contemplations, Les Châtiments, La Légende des siècles, Les Chansons des rues et des bois, Les Misérables, Les Travailleurs de la mer… Les îles Anglo-Normandes sont donc le terreau de ses plus grandes œuvres, et bien qu’elles n’aient pas su garder ce farouche patriote, elles entretiennent encore aujourd’hui fidèlement son souvenir.

Le théâtre des Travailleurs de la mer

C’est dans l’ouvrage Les Travailleurs de la mer que Victor Hugo va dépeindre à merveille Guernesey et les îles aux alentours. André Maurois a lu tout ce qui a pu être écrit sur Victor Hugo (livres, lettres, carnets, articles) et a rencontré beaucoup ceux qui détenaient, à un titre ou un autre, des documents sur « le plus grand poète français ». Dans Olimpio (Hachette, 1954), il écrit sur Les Travailleurs de la mer : « Victor Hugo y utilisait la connaissance intime qu’il avait acquise, par sa vie dans l’archipel… Les mœurs guernesiaises, le folklore local, les maisons «visionnées», l'étrange français des Anglo-Normands, donnaient au roman un caractère piquant et neuf. »
Au cours de ses promenades à Guernesey ou dans les îles voisines, comme à Sercq, Victor Hugo avait aussi observé tempêtes, vagues, marins et autres explorateurs de grottes. Il en fit usage dans son œuvre et en tira le personnage de Gilliatt. Près de Torteval, au Mont Hérault, une ancienne maison de guet évoquerait la maison hantée du roman. Mais plusieurs autres lieux pourraient avoir servi de modèle, par exemple une autre maison de guet dans Cobo Bay. À Sercq, dans Saignée Bay, les récifs des Autelets passent aussi pour avoir inspiré Victor Hugo dans sa description du naufrage de La Durande, de même que les nombreuses grottes de contrebandiers, comme à l’ouest de l’île, près de Pilcher Monument, où l’on découvre la grotte marine qui porte le nom du poète : Victor Hugo’s Cave. Ce roman est donc tout naturellement dédié à Guernesey et ses habitants : « Je dédie ce livre au rocher d'hospitalité et de liberté, à ce coin de vieille terre normande où vit le noble petit peuple de la mer, à l'île de Guernesey, sévère et douce, mon asile actuel, mon tombeau probable. »

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