Vers une étatisation du réseau
La construction des levadas relevait jadis d’initiatives privées. Rudimentaires, les tout premiers canaux furent creusés dans la roche basaltique, tandis que les plus récents sont faits de béton cyclopéen. Il fallut attendre le XIXe siècle, pour que la région, en pleine crise viticole, ne commence à financer la construction des levadas. La levada Velha do Rabaçal, achevée en 1860 (25 ans après le début du chantier !), fut la première levada à bénéficier de financements publics. En 1947, l’Etat lança un vaste plan de restructuration qui permit d’optimiser le transport de l’eau du nord de l’île vers le sud. Près de 20 ans plus tard, 400 km de levadas et quatre centrales hydroélectriques avaient été construits. Car en plus de transporter l’eau de source destinée à la consommation humaine et irriguer les cultures, certaines levadas servent à produire de l’électricité : près de 15 % de l'électricité utilisée à Madère provient des centrales hydroélectriques.
Des randonnées au gré des canaux
Partir à la découverte des levadas est aussi un jeu palpitant et, en fait, le meilleur moyen de sillonner l’île grâce aux parcours pédestres qui furent aménagés le long de ces canaux. Les sentiers de randonnée jalonnant les levadas et traversant des paysages à couper le souffle sont devenus de véritables « ex-libris », apanage des marcheurs de tous niveaux, classés selon leur niveau de difficulté. Certains longent les levadas accrochées à flanc de falaise, offrant des points de vue vertigineux sur les massifs montagneux (si vous souffrez de vertige, renseignez-vous bien avant de vous engager sur ce type de chemin !), d’autres traversèrent les plus belles forêts de Madère, berçant les promeneurs du bruit agréable de l’eau qui ruisselle dans les canaux. Plus de 1 000 km de levadas sont praticables à pied à Madère… Il ne reste plus qu’à enfiler vos baskets !
Un système de distribution contrôlé
Les levadas forment un dense réseau de canaux enchevêtrés qui demandent un entretien constant. Les porteurs d’eau, ou levadeiros, contrôlent chaque mètre de ces canaux, régulièrement obstrués par les feuilles, les chutes de pierres ou les branches mortes. Ils veillent également à ce que les sources ne soient pas détournées de manière illégale, parcourant plus d’une dizaine de kilomètres par jour le long de ces conduits. Pour abreuver les cultures, les levadeiros créent un barrage, détournant l’eau vers les champs afin d’« inonder » les plantations. Une technique qui, si elle nécessite une grande quantité d’eau, permet à la terre de rester humide plus longtemps. Mais l’utilisation de l’eau est très strictement codifiée. Les levadeiros distribuent l’eau en fonction de la superficie et des besoins de chaque agriculteur, un certain quota d’eau payé en heure (et non pas au mètre cube !). Il serait en effet compliqué d’évaluer le volume d’eau distribué, variable sur l’année, en fonction du débit de la levada. Lorsque le débit baisse, naturellement, l’ensemble des usagers est affecté.