Découvrez Madère : Les levadas

Trésor d’ingéniosité et de génie civil, inspiré par les aménagements des Maures au sud de la péninsule Ibérique (Algarve et Andalousie), le réseau des canaux d’irrigation madérien (levadas, de levar qui signifie transporter) naquit dès le début de la colonisation. Forçats, esclaves et ouvriers portugais mirent leur vie en péril pour transporter l’eau des montagnes vers les jardins du sud de l’île, parfois lovés au-dessus d’à-pics vertigineux, d’abord pour alimenter les cultures de canne à sucre, puis toutes les plantations de Madère. Le réseau de levadas n’a ensuite cessé de s’agrandir au fil des siècles : plus de 3 000 km de canaux drainent aujourd’hui l’eau des sommets vers les terres arables de la région. Et pour amener le précieux liquide vers des destinations éloignées ou sur l’autre versant de l’île, les levadas empruntent souvent des tunnels qui furent creusés à la pioche par de valeureux journaliers. Un travail colossal  !

Levada © brytta - iStockphoto.com.jpg

Vers une étatisation du réseau

La construction des levadas relevait jadis d’initiatives privées. Rudimentaires, les tout premiers canaux furent creusés dans la roche basaltique, tandis que les plus récents sont faits de béton cyclopéen. Il fallut attendre le XIXe siècle, pour que la région, en pleine crise viticole, ne commence à financer la construction des levadas. La levada Velha do Rabaçal, achevée en 1860 (25 ans après le début du chantier !), fut la première levada à bénéficier de financements publics. En 1947, l’Etat lança un vaste plan de restructuration qui permit d’optimiser le transport de l’eau du nord de l’île vers le sud. Près de 20 ans plus tard, 400 km de levadas et quatre centrales hydroélectriques avaient été construits. Car en plus de transporter l’eau de source destinée à la consommation humaine et irriguer les cultures, certaines levadas servent à produire de l’électricité : près de 15 % de l'électricité utilisée à Madère provient des centrales hydroélectriques.

Des randonnées au gré des canaux

Partir à la découverte des levadas est aussi un jeu palpitant et, en fait, le meilleur moyen de sillonner l’île grâce aux parcours pédestres qui furent aménagés le long de ces canaux. Les sentiers de randonnée jalonnant les levadas et traversant des paysages à couper le souffle sont devenus de véritables « ex-libris », apanage des marcheurs de tous niveaux, classés selon leur niveau de difficulté. Certains longent les levadas accrochées à flanc de falaise, offrant des points de vue vertigineux sur les massifs montagneux (si vous souffrez de vertige, renseignez-vous bien avant de vous engager sur ce type de chemin !), d’autres traversèrent les plus belles forêts de Madère, berçant les promeneurs du bruit agréable de l’eau qui ruisselle dans les canaux. Plus de 1 000 km de levadas sont praticables à pied à Madère… Il ne reste plus qu’à enfiler vos baskets !

Un système de distribution contrôlé

Les levadas forment un dense réseau de canaux enchevêtrés qui demandent un entretien constant. Les porteurs d’eau, ou levadeiros, contrôlent chaque mètre de ces canaux, régulièrement obstrués par les feuilles, les chutes de pierres ou les branches mortes. Ils veillent également à ce que les sources ne soient pas détournées de manière illégale, parcourant plus d’une dizaine de kilomètres par jour le long de ces conduits. Pour abreuver les cultures, les levadeiros créent un barrage, détournant l’eau vers les champs afin d’« inonder » les plantations. Une technique qui, si elle nécessite une grande quantité d’eau, permet à la terre de rester humide plus longtemps. Mais l’utilisation de l’eau est très strictement codifiée. Les levadeiros distribuent l’eau en fonction de la superficie et des besoins de chaque agriculteur, un certain quota d’eau payé en heure (et non pas au mètre cube !). Il serait en effet compliqué d’évaluer le volume d’eau distribué, variable sur l’année, en fonction du débit de la levada. Lorsque le débit baisse, naturellement, l’ensemble des usagers est affecté.

En 2025, il faudra payer pour marcher

Les autorités de Madère ont pris la décision de faire payer les randonneurs étrangers et non résidents qui emprunteront l’un des trente sentiers les plus populaires de l'archipel. À partir du 1er janvier 2025, chaque marcheur âgé de 12 ans au moins devra s’acquitter d’une taxe de 3 € auprès de l'ICFN (l’Institut des Forêts et de la Conservation de la Nature). Le paiement s’effectuera en ligne, en scannant un QR code via la plateforme gouvernementale Simplifica ou directement dans les stations de l'ICNF situées près des principaux sentiers. Les fonds récoltés doivent permettre l’entretien, le nettoyage et la conservation de ces chemins de randonnée dont beaucoup longent les levadas tout en limitant l'impact du tourisme de masse sur l'environnement. Attention : les mauvais payeurs s’exposent à des amendes pouvant aller jusqu’à 50 € !

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