L’effervescence des romarias dans le nord du pays
Que l’on soit croyant ou non, assister à une romaria, procession religieuse ouverte à tous, qui met à l’honneur les saints patrons des villes portugaises, nous plonge au cœur d’une tradition de plusieurs siècles. Les romarias attirent chaque année des milliers de personnes, notamment dans le nord du pays, à Porto et à Lisbonne. Leurs rites et coutumes varient d’une région à une autre et d’une ville à une autre. La journée, des cortèges de fidèles défilent dans la rue, chantent, prient… entraînant avec eux les passants. Le soir, Bacchus, le roi de la bonne chère, est à l’honneur. Les gens mangent et boivent dans la rue, parfois plus que de raison.
La plus importante romaria est celle de Nossa Senhora da Agonia, à Viana do Castelo, qui a lieu en août. Elle tient son origine au XVIIIe siècle avec l’apparition de Notre-Dame d’Agonie dans la chapelle Bom Jésus, désormais renommée chapelle Nossa senhora da Agonia. Durant quatre jours, le programme est chargé. Un cortège historique défile dans les rues de Viana do Castelo sur deux kilomètres pour montrer les coutumes et usages de la ville. Le défilé folklorique de plus de 400 femmes présentant des habits traditionnels est un beau spectacle pour les yeux et ne risque pas de prendre fin de sitôt. A la Saint Jean (São João), saint très important au Portugal qui représente l’abondance et la fertilité, Braga et Porto sont en effervescence. Et ce, avant même le 23 juin, date officielle de la célébration. A Braga les festivités durent une semaine avec des cortèges historiques, des animations de rue, des concerts philharmoniques et un feu d’artifice le soir de la Saint Jean. A Porto, les festivités de la Saint Jean commencent fin mai et s’étendent jusqu’à la fin juin, période durant laquelle d’excellents concerts ont lieu dans la ville, comme le NOS Primavera Sound au parque da Cidade et le Porto Blues Fest au jardin du Palais de cristal. Il est de coutume de se frapper (amicalement s’entend) avec de grands marteaux en plastique, de se balader avec des olho-porro (ails-poireaux), plantes ressemblant à des pissenlits violets, et de faire s’envoler des lanternes.
Lisbonne célèbre quant à elle en juin la Saint Antoine de Padoue (Santo António), prêtre franciscain et missionnaire qui naquit à Lisbonne à la fin du XIIe siècle et mourut 36 ans plus tard en Italie, près de Padoue. Il fut canonisé par le pape Grégoire IX en 1232 pour ses nombreuses guérisons. Les navigateurs le firent connaître sur les nouvelles terres découvertes. Saint Antoine devint le saint du Portugal. Parmi les marches populaires du mois de juin, c’est le 12 juin que se réunissent le plus de personnes, Portugais comme étrangers. Des centaines de personnes défilent sur l’avenue de la Liberté (Avenida da Liberdade). Les habitants décorent aussi leurs maisons de pots de basilic (manjerico) et cuisinent de la sardine grillée (sardinha assada) dont l’odeur emplit les rues.
Passion pèlerinages !
Tous les pèlerinages du Portugal sont, vous l’aurez deviné, consacrés à la religion catholique puisque prédominante. Le plus impressionnant est le pèlerinage de Fátima. Si vous vous trouvez au Portugal les 12 et 13 mai ou les 12 et 13 octobre, vous assisterez à la convergence de milliers de pèlerins se rendant, pour la plupart, à genoux au sanctuaire Notre-Dame de Fátima. En 2017 le pape François s’y est rendu pour célébrer les 100 ans des apparitions de la Vierge Marie devant trois frères et sœur bergers entre le 12 mai et le 13 octobre. Elle aurait alors délivré le message de Fátima, justifiant ainsi l’édification du sanctuaire, construit sur la Cova. C’est sur cette esplanade que se rassemblent les pèlerins. En face se trouve la basilique Notre-Dame du Rosaire, construite en 1928, dans laquelle on peut voir les tombes de deux des trois bergers, Francisco et Jacinta Marto, morts jeunes en 1919 et 1920, et de leur sœur Lucia dos Santos devenue carmélite, décédée en 2005.
Moins connu que le chemin français et surtout moins emprunté, le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle peut être suivi par la côte portugaise. Le départ officiel est à Porto. Vous remarquerez la célèbre coquille symbole le long du Douro, en direction du nord. Le tracé de 141 kilomètres, achevé en 2017, reprend une ancienne voie de pèlerinage datant du XVIe siècle. Il va jusque Valença à la frontière espagnole. Sur le parcours des 99 kilomètres qu’il reste pour atteindre Saint-Jacques, l’église de la miséricorde de Viana do Castelo est une merveille architecturale.
A Braga, le pèlerinage de Bom Jésus, berceau de la chrétienté de l’ouest ibérique, demande aux fidèles, mais aussi aux visiteurs qui voudraient rallier le sanctuaire perché depuis la ville, de grimper des escaliers qui forment un véritable chemin de croix. Le long du parcours, 17 chapelles ont été édifiées et parfois reconstruites suite à des démolitions volontaires. En août 2023, le pape
François et l'Église catholique invitent les jeunes du monde entier à Lisbonne pour les JMJ, Journées Mondiales de la Jeunesse.
Le tabou de la bruxaria, la guérison traditionnelle portugaise
Considérée par certains comme de la sorcellerie, par d’autres comme un moyen alternatif de guérison ou accusée de charlatanisme, la bruxaria fait partie intégrante des croyances populaires au Portugal. Elle vise à aider une personne à trouver l’apaisement face à une situation de détresse dans sa vie : dépression, traumatisme, crainte… En dépit des réactions virulentes de l’Église catholique et de la science, la consultation d’une bruxa ou d’un bruxo (littéralement « celui qui devine les choses ») est une pratique répandue dans la société portugaise, mais qui reste très tabou. Rares sont ceux qui clament haut et fort avoir rencontré un bruxo pour être aidé, même auprès de leurs proches. Pourtant, les salles d’attente de ces « guérisseurs de l’âme » ne désemplissent pas. Le bruxo aurait la morada aberta, c’est-à-dire le « corps ouvert », capable de communiquer avec l’au-delà et de jouer un rôle de médium entre l’ici et l’ailleurs. Une séance de bruxaria consisterait à faire sortir de la norme (la société dans laquelle elle se trouve) la personne blessée, la mettre « en marge » pendant la consultation puis la faire revenir dans cette norme, guérie ou tout du moins apaisée. Chaque bruxo a sa façon d’opérer propre : pendules, cartomancie, méditation, seul ou en groupe. Point commun entre tous : incarner le guide spirituel de la personne qui consulte, qui peut être un parent décédé ou un archange et lui apporter les solutions dont il a besoin. Les bruxos authentiques aident donc les personnes à trouver l’apaisement dans la société et non en dehors. Beaucoup préconisent la bruxaria en complément d’une médecine classique. Dans son livre Le Bruxo, l’anthropologue Miguel Montenegro a relevé que les chauffeurs de taxi et les femmes de ménage étaient de bons informateurs pour trouver l’un de ces guérisseurs. Faites le test !