Noirs de peau et métissage, principale communauté
Majoritaires sur les îles, les descendants des esclaves arrachés à leurs terres africaines forment la principale communauté en Guadeloupe. Les mélanges, forcés pour certains du temps de l'esclavage, ont engendré les mulâtres nés d'une union « domino » (Blanc-Noir), les métis ou les quarterons (un quart de sang noir, c'est-à-dire un seul grand-parent noir dans une descendance blanche). Ils sont les garants de la culture créole, métissée elle aussi, et encore très vivante : langue, littérature, musique, danse, arts culinaires...
Aux Saintes, la blondeur des locks est due à une origine indiscutablement celte. Beaucoup de Saintois ont gardé les yeux clairs et les cheveux blonds de la Bretagne ou de la Normandie, patrie d'origine de leurs aïeux. Parfois, leur identité bretonne est très prononcée ! Néanmoins, ils revendiquent leur appartenance totale à la Guadeloupe.
Sur les îles de Marie-Galante et de la Désirade, les métissages ont façonné une population plurielle qui, bon gré mal gré, a dû s'adapter, cohabiter et travailler ensemble.
Les Indiens Coolis, une communauté soudée
À partir de 1854, après l'abolition de l'esclavage, les propriétaires terriens ont fait venir des Indiens dans l'archipel pour travailler dans les champs de canne à sucre et les usines sucrières. Les colons y voyaient là une main-d'œuvre bon marché. Quittant leurs conditions de vie miséreuse sur leurs terres natales, les Indiens espéraient un contrat, voire un lopin de terre. Ces conditions du contrat furent rarement respectées, et pourtant la plupart d'entre eux sont restés. Installés majoritairement dans les communes du Moule, de Saint-François, de Capesterre-Belle-Eau, sur les hauteurs de Saint-Claude et à Matouba, les Indiens ont cultivé la terre avec adresse, parfois à flanc de volcan comme c'est le cas à Saint-Claude. Encore aujourd'hui, la communauté est très soudée et intégrée, mais ce ne fut pas toujours le cas. À leur arrivée, les anciens esclaves ont nourri de l'animosité à leur égard. Il a fallu des générations pour calmer cette hostilité. Si l'usage des langues tamoul et hindi a pratiquement disparu, des éléments de la vie quotidienne indienne sont passés dans le patrimoine guadeloupéen. Tout le monde connaît le gombo, le colombo, les tissus Madras... La canne à sucre provient également d'Inde. Le mot « punch », en sanskrit, vient du chiffre « cinq » (pancha), un rappel des cinq ingrédients de la boisson que les maîtres britanniques commandaient à leurs domestiques indiens. Les Indiens ont choisi de conserver une partie de leurs traditions et croyances, tout en ayant pour la plupart adopté la religion chrétienne (catholique, adventiste, évangéliste...). Ils ont bâti plusieurs temples en Guadeloupe, dont celui de Capesterre-Belle-Eau, le plus spectaculaire qui peut s’observer depuis la route nationale.
Les Békés, descendants de grandes familles blanches
Descendants d'une trentaine d'anciennes grandes familles blanches propriétaires de domaines, ce groupe, très présent en Martinique, l'est moins en Guadeloupe. Ils conservent une perception aristocratique de leur identité. Il n'existe pas de codes écrits, mais les membres de cette communauté sont régis par des us et coutumes traditionnels qui les soudent. Le non-respect de ces « règles » peut entraîner une mise à l'écart de la communauté, voire l'isolement social. La culture béké, fondée sur l'économie coloniale, a subi de profondes mutations depuis les années 1980. Les échanges avec le reste de la société se sont considérablement intensifiés, même dans l'agriculture. Reconnus comme descendants des colons et donc présents sur l'île depuis des générations, ils connaissent parfaitement leurs terres et la langue créole. Si de nombreux Békés continuent à exploiter la terre, la communauté s'est largement reconvertie vers les secteurs secondaires et tertiaires, notamment dans la grande distribution locale (alimentation, concession automobile, etc.). Ils sont toutefois moins présents qu'en Martinique, car contrairement à la Guadeloupe qui reste sous influence française pendant la Révolution, l'île sœur est sous tutelle anglaise. En Guadeloupe, l'esclavage est une première fois aboli, puis l'usage de la guillotine qui vise principalement la classe des planteurs colons va chambouler les schémas préétablis entre Noirs et Blancs. La Martinique échappe à ce changement et maintient sa structure interne. Les conséquences de cette bipolarité se font encore sentir aujourd'hui sur l'île, où le pouvoir économique y est principalement détenu par les Békés.
Métropolitains
Retraités, familles en quête de soleil ou d'un nouveau départ, amoureux de la Guadeloupe, fonctionnaires... Nombreux sont les Hexagonaux qui se sont installés et s'installent encore dans l'archipel, pour quelques mois, quelques années ou toute une vie. Si la plupart du temps cette installation se déroule de façon sereine, ces arrivées ont parfois pu provoquer des tensions, notamment par le passé. Que ce soit du côté des nouveaux arrivants, dont certains individus ne font pas d'effort pour s'intégrer, que du côté des Antillais dont certains, contrariés par ce genre de comportement, peuvent afficher une certaine méfiance.
En moyenne, le « Métro » séjourne trois années aux Antilles (faisant référence aux fonctionnaires venant de l'Hexagone), ce qui affecte les relations durables. Une fois le cap des cinq années passées, les relations ont de fortes chances de changer, dans le bon sens.
Blanc-Matignon
Groupe dont l’appellation est associée à une section des Grands-Fonds du Moule. Leurs descendants et leurs noms sont parvenus jusqu’à nous, accompagnés d’innombrables légendes... On leur prête même des liens familiaux avec les Grimaldi de Monaco ! A priori, ils doivent leur nom à une très grande famille de planteurs, dont le premier est recensé en Guadeloupe au milieu du XVIIe siècle : Léonard Matignon. Comptant plusieurs centaines de membres, ces propriétaires terriens se sont spécialisés dans les secondes cultures, comme le café, le cacao ou le coton, et ont pendant un temps, apporté un soin particulier à préserver « l’uniformité » de leur groupe par des mariages internes. L’effondrement de l’économie coloniale et les nombreux changements au sein de la société guadeloupéenne ont quelque peu chamboulé ces habitudes.
Chinois, Japonais, Libanais et Syriens
Dans une proportion moindre, les Chinois font comme les Indiens et parlent parfaitement créole. Ils tiennent aujourd’hui des restaurants ou des petites boutiques d’alimentation. Les Libanais et les Syriens ont également formé une communauté. Premiers commerçants ambulants (vêtements, tissus, bijoux, etc.), ils quadrillaient les campagnes, offrant selon eux les meilleurs crédits. Ils ont ensuite investi les grandes rues commerçantes de Pointe-à-Pitre et enfin les locaux commerciaux de la zone de Jarry à Baie-Mahault ou de la nouvelles zone de Providence située au Abymes.
Caribéens
Des populations des îles voisines émigrent vers la Guadeloupe, pour son niveau économique plus élevé que la moyenne dans la région. Les communautés haïtienne, dominicaine (République dominicaine), dominiquaise (île de la Dominique), tentent de s'intégrer malgré une certaine réticence d'une partie la population locale. Le nombre d'immigrés reste difficile à déterminer, car un certain nombre parvient à entrer clandestinement. Ces immigrés caribéens sont souvent relégués aux postes les moins qualifiés et leur niveau de vie reste très inférieur au reste de la population.
Le créole, l’empreinte d’une culture nouvelle
Avec des origines qui remontent à plus de cinq siècles, le mot « créole » désigne bien plus que la langue vivante des îles. Empreint d’histoire et de culture, dont la pratique de la langue est l’une des composantes, il dépasse largement les frontières de la Guadeloupe, des Antilles, voire des Caraïbes. Le créole est pluriel, il convient donc d’en parler dans toute sa diversité. Les plus anciens textes connus datent du milieu du XVIIIe siècle. Né pendant la période coloniale, utilisé par les deux puissances, le mot a une origine espagnole (criollo) ou portugaise (crioullo). Comme dans toute émigration par vagues successives, les esclaves ont été coupés de leurs idiomes naturels. Leurs descendants ne connaissent que le nouvel environnement des îles et des Amériques. On a donc commencé à parler du « créole » pour désigner la population noire des îles, puis rapidement le mot a fini par englober toute la culture coloniale, enrichie par les langues parlées dans les différents pays occidentaux et africains qui la composent. La déportation massive des peuples du continent africain, mais également du sous-continent indien, joue un rôle dans sa propagation, d’autant que les groupes sont systématiquement séparés. À partir de là, il est facile d'imaginer l’incroyable mosaïque qui s’est formée ; un terrain favorable pour la naissance et le développement d’une nouvelle langue. Longtemps stigmatisé, le créole a été affublé de diverses qualifications, souvent péjoratives ou ironiques pour le décrire. On moquait alors ce « Français déformé, simplifié à l’extrême, aux intonations anormales, ce baragouin »... Longtemps interdit dans certaines familles, le créole est aujourd'hui utilisé par tous au quotidien. Depuis 2012, le créole est une langue enseignée dans les écoles de l'archipel, il a même été reconnu comme langue officielle en Martinique en 2023.
La mythologie créole
La période révolutionnaire a amorcé un changement : contes, chansons populaires, textes humoristiques et déclarations politiques de la Convention sont désormais écrits en créole. Le début d’une période faste où l’on rédige des grammaires en créole, où Lafcadio Hearn publie des contes, où l’on peut lire des feuilletons dans la presse comme Les Mémoires d’un vonvon de Tonton Dumoco... Les histoires pour enfants sont riches en animaux (Kompè Lapen, Kompè Macak, Kompè Tig) et de personnages savoureux (Ti Jean, Ti Chica, Misié Liwa, La Diablès ou encore Manman Dlo). Les légendes sont pleines de zombis, de volants, de soucougnans et autres mofwazé.
La parenthèse se referme au milieu du XXe siècle, alors que la tendance est à l’assimilation. Les écrivains, sauf quelques exceptions, ne reconnaissent guère plus la littérature créole et restent très proches de la langue française. Pourtant, depuis plusieurs décennies, militants syndicalistes, politiques et personnalités culturelles cherchent à réhabiliter cette langue, devenue un enjeu politique et culturel, un moyen de défendre l’identité antillaise contre les conservateurs assimilateurs. La poésie ou encore les bandes dessinées déferlent sur le marché en créole, la publicité se transforme, la musique zouk, le reggae et même le rap explosent en créole. Fait sans précédent, l’université Antilles-Guyane institue, en 1973, un cours de linguistique créole. Depuis 1981, il existe à Aix-en-Provence un institut d’études créoles et francophones. Des écrivains locaux ont remporté des prix littéraires prestigieux à l’image de Maryse Condé, guadeloupéenne, qui a été récompensée par le prix Nobel de littérature alternatif fin 2018. Pour fédérer ces tendances, les chercheurs et les pédagogues tentent d’établir un lexique commun au créole des Antilles, et lancent en 1981 un nouveau mouvement : Bannzil Kréyôl (« Archipel créole »). On parle aussi de créolisation du monde. La Fête internationale du créole est célébrée le 28 octobre. Si le CAPES de langue créole voit le jour en 2002, ce n'est qu'à la rentrée scolaire 2019 que l'agrégation de créole est lancée à l'Université des Antilles. Désormais, des professeurs de créole sont recrutés dans le second degré et l'enseignement supérieur.
Le vieillissement de la population, un défi majeur dans l'archipel
La Guadeloupe fait face au vieillissement de sa population. Cette décroissance démographique, qui se confirme d'année en année, s'explique par différents facteurs entre l'allongement de l'espérance de vie, la baisse du taux de fécondité et le départ des jeunes pour poursuivre des études ou trouver un emploi dans l'hexagone, faute de débouchés sur place. À titre d'exemple, l'archipel a perdu 23 700 habitants entre 2010 et 2020.
En 2030, un tiers de la population aura plus de 60 ans contre un quart de la population en 2017. La Guadeloupe se trouve ainsi face à un problème majeur en termes de santé, de soins et de prise en charge des personnes dépendantes. D'ici 2030, le nombre de personnes dépendantes devrait atteindre environ 28 000 alors qu'il était de 20 000 en 2021. (Source : Insee.)
C'est pourquoi depuis plusieurs années des associations antillaises comme “Alé Vini” en Guadeloupe, œuvrent pour aider les nombreux jeunes diplômés ou dans la vie active, partis dans l'Hexagone pour les études ou le travail, à se réinstaller dans leur territoire d'origine.