Une position stratégique et des richesses qui ne profitent pas à tous
Depuis son intégration dans l'Union européenne en 2004, la situation économique de la Slovaquie s'est nettement améliorée. Globalement, les chiffres de son économie sont au vert, elle connaît une croissance du PIB soutenue et régulière, 2,4 % en 2014 et 2,3 % en 2024. La courbe du chômage s'est aussi inversée, passant de 10,8 % en 2015 à 5,96 % en 2024.
Le pays bénéficie d'un système financier solide et d'une situation géographique avantageuse au carrefour de l'Europe centrale. Il offre une plate-forme de production de qualité avec une main-d'œuvre encore bon marché et qualifiée, pour les industries européennes de l'automobile et de l'électronique. Après des années de rigueur budgétaire, le gouvernement en place a pris un certain nombre de mesures : augmentation du salaire minimal brut (de 380 € en 2015 à 750 € en 2024), augmentation des prestations sociales, transport ferroviaire gratuit pour les retraités et chèques-vacances. Le pays reste néanmoins vulnérable aux chocs externes et sa bonne croissance, principalement liée à ses exportations, évoluera proportionnellement au dynamisme économique de ses partenaires européens.
Il est utile par ailleurs de regarder de plus près ces données, car on relève de fortes inégalités entre la région de Bratislava à l'ouest, cinquième zone la plus riche de l'Union européenne, et les régions défavorisées du centre et de l'est du pays, que les fonds européens peinent à réduire. Les habitants de ces régions, victimes d'un réel désenchantement européen, se sentent en marge de l'Europe occidentale et de son développement. Leur réalité est bien loin et différente des Slovaques de l'Ouest. L'essor économique ne profite pas à tout le monde, une grande partie de la population rom de l'Est est marginalisée tout comme les régions magyarophones du Sud.
Une population qualifiée
Un des points forts de la Slovaquie réside dans le fait que 2,7 millions, soit la moitié de sa population totale, est hautement qualifiée, une aubaine pour les investisseurs étrangers, notamment dans le domaine de l’automobile. Aujourd’hui, sa forte tradition industrielle, sa fiscalité avantageuse, sa main-d’œuvre encore bon marché et qualifiée, ses infrastructures en plein développement dopées par un afflux de fonds européens et sa croissance enviable font de la Slovaquie, en phase de rattrapage, une destination de prédilection pour les échanges, la coopération industrielle et les investissements étrangers. Le secteur automobile profite de ces caractéristiques favorables pour installer de nombreuses chaînes de production en Slovaquie. L’implantation de Volkswagen dès 1992 a créé une certaine émulation auprès d’autres investisseurs étrangers : Sony, Lucus, Johnston Controls, Yazaki, Peugeot, Hyundai/Kia, Jaguar Land Rover. Avec ses 5,4 millions d’habitants, la Slovaquie est le plus grand producteur de voitures du monde par habitant. L’industrie automobile pèse désormais pour 44 % de la richesse produite.
Outre l’automobile, les autres secteurs importants sont l’industrie lourde, la sidérurgie (métaux et produits métalliques), l’énergie (électricité, gaz, houille, pétrole, nucléaire), le textile, le développement informatique, les appareils électriques et optiques, les produits en caoutchouc, le papier et l’imprimerie, les céramiques, mais ils sont pour la plupart encore en phase de restructuration. La contribution du secteur industriel au PIB est de 34,5 %.
Forces…
La Slovaquie dispose d’un secteur du commerce de services moderne, moteur de l’économie nationale avec une contribution d’environ 61,5 % au PIB et environ 73,2 % de la main-d’œuvre employée. Il est dominé par le commerce et l’immobilier. Dans la plupart des régions, le marché est dominé par de gros groupes aux dépens des petits commerces de proximité. Il y a encore beaucoup de structures anticoncurrentielles en situation oligopolistique ou de quasi-monopole, notamment dans l’industrie agroalimentaire. Des liens étroits unissent encore ces chefs d’entreprise avec des dirigeants haut placés dans la chaîne du pouvoir. Cependant, l’arrivée sur le marché de grands groupes étrangers tels que Metro ou Tesco tend à modifier ce déséquilibre des forces et à rationaliser les circuits de distribution. La Bourse de Bratislava (BCPB) a été créée en 1991 et a commencé ses activités de cotation en 1993. Elle demeure depuis la plus petite Bourse d’Europe centrale.
Aussi, le tourisme en Slovaquie est en retard, mais son développement laisse à penser qu’il deviendra l’un des secteurs importants de l’économie slovaque dans les années à venir. Il s’agit actuellement du secteur le plus dynamique. La Slovaquie prend conscience de son potentiel touristique et progresse d’année en année dans ce domaine. Pour continuer de se développer, elle devra continuer la modernisation de ses infrastructures et de son réseau de communication et travailler son image à l’international afin de mieux se faire connaître.
… et faiblesses
Un peu plus d’un tiers de la superficie du pays est voué à l’agriculture. Le poids de l’agriculture dans l’économie n’a cessé de diminuer depuis des décennies. Sa contribution au PIB est seulement de 4 %, le pays est donc un importateur net de produits agricoles. Cette industrie est peu compétitive, car mal gérée, souvent organisée en fermes coopératives. Le secteur de l’élevage (porcs, bétail, volailles) est moins performant que le secteur végétal, repris par de grandes entreprises.
Si on compare le taux de croissance slovaque avec celui de ses partenaires européens, on constate que son économie se porte bien. Les dirigeants doivent cependant garder à l’esprit les problèmes structurels auxquels la Slovaquie est confrontée, à savoir les disparités régionales, l’insuffisance des infrastructures, le vieillissement de la population, le chômage à long terme (quoiqu’en déclin), mais aussi sa forte concentration sectorielle des exportations dans les domaines de l’automobile et des appareils électroniques grand public.
Cocorico
La Slovaquie est un pays attractif auprès des entreprises étrangères, les Français se pressent donc pour occuper le terrain. On compte aujourd’hui 400 implantations pour un effectif supérieur à 35 000 personnes. Parmi les grandes entreprises françaises, on peut citer Orange, aujourd’hui le premier opérateur de téléphonie mobile du pays, et surtout l’usine Peugeot, installée à Trnava depuis 2006, qui est devenue la plus compétitive du groupe PSA. Cette installation a facilité l’arrivée d’une trentaine d’équipementiers français dont Valeo, Faurecia ou encore Total. BNP Paribas est également présent, tandis que le Chèque Déjeuner, les fameux Tickets restaurant, s’affiche sur toutes les vitrines et en français, s’il vous plaît ! Dans le domaine de l’énergie, Engie (Gaz de France) est devenu un des actionnaires principaux de la Compagnie slovaque du gaz. En 2008, Veolia a remporté deux appels d’offres et gère l’eau et l’assainissement pour 950 000 habitants.
Place de la Slovaquie dans la géopolitique mondiale
Sur le plan de la politique étrangère, la Slovaquie est membre de l’OTAN depuis mars 2004. Elle a une relation pragmatique envers la Russie, notamment en raison de sa forte dépendance énergétique. D’une part, les deux tiers des matières premières énergétiques qu’elle consomme viennent de Russie. D’autre part, elle tire des revenus importants grâce à l’acheminement à travers son territoire du gaz russe vers l’Europe. Elle est donc attachée au maintien du dialogue et à la levée des sanctions envers la Russie. Elle entretenait de bonnes relations avec l’administration Trump et apporte un soutien matériel et technique à l’Ukraine notamment par l’intermédiaire du groupe Višegrad. Pour finir, les Balkans sont depuis longtemps une priorité de la politique étrangère de la Slovaquie. Elle considère cette zone comme une région clé pour la sécurité européenne, c’est pourquoi elle est favorable à un élargissement de l’UE aux Balkans occidentaux.
Meurtre d’un journaliste et gouvernement corrompu
Le 21 février 2018, le jeune journaliste d’investigation slovaque Ján Kuciak et sa fiancée sont tués par balles à leur domicile. Il enquêtait sur les liens entre la mafia calabraise (la 'Ndrangheta) et des hommes politiques slovaques. Cet assassinat déclenche en mars une vague de manifestations dans toute la Slovaquie contre la corruption et contre la politique du gouvernement. Ce sont les plus grandes manifestations de l’histoire de la Slovaquie depuis la révolution de velours de 1989. En pleine crise et soupçonnés d’être mêlés à des affaires de détournements de fonds européens, le Premier ministre Robert Fico et deux de ses ministres sont contraints de démissionner.
Plus d’un an après, l’enquête suit son cours et l’étau se resserre désormais autour d’un oligarque, figure locale de la pègre, Marián Kočner. Ce crime sans précédent a bouleversé le pays et les hautes sphères du pouvoir. La réaction de défiance dans l’électorat envers la coalition gouvernementale se fera directement sentir lors des élections présidentielles de mars 2019.
Un vent d’espoir nommé Zuzana Čaputová
Zuzana Čaputová, avocate de formation, âgée de 46 ans, a largement remporté les élections présidentielles de mars 2019 avec 58,40 % des voix face à Maroš Šefčovič. Nouvelle figure de la scène politique, elle a basé sa campagne sur la lutte anticorruption et prône une politique libérale. Elle incarne pour beaucoup un contrepoids face aux populistes au pouvoir. Représentante d'une nouvelle tendance politique, son parcours politique est souvent comparé à celui d'Emmanuel Macron. Portée par des électeurs en soif de renouveau dans un pays miné par la corruption, elle amène un vent de fraîcheur et d'espoir même si elle ne tiendra pas pour autant les rênes du pays, la Slovaquie ne donnant que très peu de pouvoir au président. En effet, la République slovaque est un État démocratique de type parlementaire. Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel, reconductible une seule fois consécutivement. Le chef de l'État a des pouvoirs assez limités. Il nomme le Premier ministre dont la majorité est désignée par les élections législatives, il est le chef des armées et nomme les hauts magistrats. Le parlement a pour nom officiel Conseil national de la République slovaque (NRSR). Cette chambre unique est composée de 150 députés élus pour quatre ans à la proportionnelle, avec un seuil de 5 % des voix. Le Premier ministre dispose du pouvoir exécutif et forme le gouvernement qui est responsable devant le Parlement. Les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires sont bien séparés. L'indépendance et l'impartialité des tribunaux sont inscrites dans la Constitution.
L'élection de Zuzana Čaputová a sonné comme un avertissement fort pour la gauche populiste de Robert Fico qui reviendra encore plus fort au pouvoir après avoir remporté les élections législatives de septembre 2023.
2024 : Pellegrini Président
En avril 2024, Peter Pellegrini remporte l'élection présidentielle, battant le candidat progressiste Ivan Korčok avec environ 53,85 % des voix. Son élection s'aligne avec les positions politiques de la coalition dirigée par son allié, le Premier ministre Robert Fico. Bien que la présidence en Slovaquie soit surtout symbolique, la victoire de Pellegrini renforce l'influence du gouvernement de Fico et pourrait consolider la position critique de la Slovaquie vis-à-vis de certaines politiques de l'UE et de l'OTAN, en particulier sur le soutien militaire à l'Ukraine. Pour Robert Fico, les planètes sont alignées, il a "les mains libres" pour mener à bien sa politique et mettre tout en place pour rester le plus longtemps au pouvoir.
Robert Fico sur les pas du modèle hongrois
Depuis la victoire de Robert Fico aux élections législatives en septembre 2023, la Slovaquie semble marcher sur les pas de la Hongrie politiquement parlant.
Nationalisme et Populisme : Fico a souvent utilisé une rhétorique nationaliste pour renforcer son soutien populaire, en particulier en critiquant les minorités ethniques, comme les Roms, et en adoptant des positions dures sur l'immigration. Son discours tend à promouvoir l'identité nationale slovaque et à se positionner contre l'influence étrangère. Il se positionne comme un défenseur des "gens ordinaires" contre les élites, tout en s'attaquant aux médias et aux ONG critiques de son gouvernement. Cette approche populiste lui a permis de gagner une base électorale solide parmi les électeurs plus conservateurs.
Relations avec l'Union européenne et la Russie : Bien que Fico ne soit pas ouvertement anti-UE, il a souvent critiqué certaines politiques de l'Union européenne, en particulier en matière de migration et de quotas de réfugiés. Il plaide pour une approche plus souverainiste dans les affaires européennes, défendant les intérêts nationaux contre ce qu'il perçoit comme une ingérence de Bruxelles. Fico maintient une relation pragmatique avec la Russie, plaidant pour des liens économiques plus étroits, en particulier dans le domaine de l'énergie. Bien qu'il soutienne officiellement les sanctions de l'UE contre la Russie après l'annexion de la Crimée, il a exprimé des réserves à ce sujet et a cherché à maintenir de bonnes relations avec Moscou.
Politique économique et sociale : Fico a souvent défendu une politique économique interventionniste, avec un accent sur le maintien d'un État-providence solide, des services publics accessibles et la protection des intérêts économiques nationaux. Il a été critique des politiques de privatisation et a cherché à maintenir un certain contrôle étatique sur les secteurs stratégiques de l'économie. Sous Fico, le gouvernement a mis en œuvre des programmes sociaux visant à réduire les inégalités, bien que ces mesures aient parfois été critiquées pour leur inefficacité. Il a également cherché à augmenter les salaires minimums et à soutenir les pensions. Fico est critiqué pour sa gestion de la corruption, un problème persistant en Slovaquie. Bien que son gouvernement ait pris des mesures pour lutter contre la corruption, notamment en créant des organes de surveillance, il est accusé d'entretenir un système politique opaque et de protéger ses alliés.