Puissance romane et gothique
Position stratégique au cœur de l’Europe, la Slovaquie n’a eu de cesse d’être convoitée par les plus grands empires. Rien d’étonnant donc à ce que les plus importants témoins des styles roman et gothique soient militaires. Le château de Spiš est l’un des ensembles de bâtiments des XIIIe et XIVe siècles les plus étendus d’Europe. Aujourd’hui en ruines, il n’en reste pas moins l’imposant témoin de l’histoire slovaque. Si les fortifications sont romanes, la basilique et les chapelles sont, elles, gothiques. Non loin de là, la ville de Levoča, superbe citée fortifiée, abrite un joyau gothique : l’église Saint-Jacques. La ville de Bardejov nous offre, elle, un très bel exemple d’urbanisation médiévale avec une division régulière des rues centrée autour d’une vaste place de marché. Remarquez les très belles demeures bourgeoises du XVe siècle qui entourent la place. Et ne manquez surtout pas l’église Saint-Égide, basilique gothique à trois nefs qui ferme majestueusement la place. À Banská Štiavnica, ville fondée en 1255 et surnommée « la perle de la rivière Hron », le Vieux-Château est un étonnant château-église restauré dans le style gothique, mais dont la basilique à trois nefs est romane. À Skalica et Šivetice, vous pourrez admirer de sobres et massives églises-rotondes, typiques de la période romane avec leurs plans circulaires et leurs dômes-clochers. Autre joyau roman, l’église Saint-Gilles à Ilija, dont on admire le très beau portail de pierre. À Bratislava, ne manquez pas la superbe cathédrale Saint-Martin, construite entre le XIVe et le XVe siècle, dans un style gothique tardif. Remarquez ses trois nefs, son plan en croix et surtout son élégante tour de 85 m. Autre bel exemple de gothique tardif, l’église Saint-Nicolas de Trnava, avec sa majestueuse nef à trois vaisseaux et ses superbes tours clochetées s’élançant vers le ciel. De manière générale, le glissement du roman au gothique en matière d’architecture militaire s’observe par le passage d’une architecture austère purement défensive à des édifices certes fortifiés, mais laissant davantage de place à la décoration. En matière religieuse, cette transition s’illustre dans le passage d’édifices massifs à des structures plus légères, verticales et lumineuses.
De la Renaissance au rococo
L’hôtel de ville au centre de la place de Bardejov est l’un des rares témoins entièrement conçus dans un style Renaissance. En revanche, l’apport de ce dernier peut se lire par touches sur certains édifices d’époques antérieures, comme avec la chapelle du château de Bratislava, ou bien encore le Kammerhof de Banská Štiavnica, ensemble étonnant de différents édifices regroupés au XVIe siècle en un seul puissant bâtiment où l’on pesait et estimait les minerais d’or et d’argent. Le baroque, lui, a laissé davantage d’édifices, à commencer par la très belle cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Trnava. Sa grande nef-halle et ses tours imposantes sont typiques de ce style utilisé par la contre-Réforme pour édifier les fidèles. Parmi les exemples de baroque tardif, notons le palais Grassalkovitch à Bratislava, plus grand édifice de ce style en Slovaquie. Mais le plus étonnant des édifices baroques reste sans doute le manoir du village de Sankt Anton. Édifié en 1744, il possède quatre entrées symbolisant les saisons, sept arcades, douze cheminées, cinquante-deux pièces et trois cent soixante-cinq fenêtres… la théâtralité baroque dans toute sa splendeur. Le rococo, tout en courbes et arabesques, succède au baroque et peut se lire notamment dans les stucs du superbe palais Mirbach de Bratislava, dont on admire également l’escalier monumental aux décors ciselés, telle de la dentelle de pierre.
L’architecture en bois
Riche de superbes forêts, le pays a très vite utilisé cette ressource pour bâtir ses édifices, notamment dans les campagnes et dans les zones montagneuses. Les essences privilégiées sont celles des robustes hêtres, épicéas et mélèzes. Pour certaines maisons, le bois est coupé sous forme de madriers, grandes et épaisses planches de bois qui sont ensuite empilées pour former un mur. Des percements y sont réalisés de manière à insérer portes et fenêtres. L’assemblage des madriers s’effectue suivant un système de tenons et de mortaises qui permet aux différentes pièces de s’imbriquer solidement. La difficulté est plus grande dans les maisons construites avec des rondins de bois qui ne peuvent pas s’assembler aussi facilement aux angles. Les arêtes de la maison sont ainsi dessinées par un entrecroisement des rondins. Afin de protéger le bois des intempéries et des attaques d’insectes, ce dernier est souvent recouvert d’un enduit composé d’argile et peint ensuite à la chaux blanche ou dans des tons ocre ou bleutés. Pour assurer une parfaite isolation de la maison, les interstices pouvant exister entre les morceaux de bois sont comblés par de la mousse végétale, du bois taillé ou de la corde de chanvre tressée. Le sol est le plus souvent recouvert d’un plancher de bois, mais peut aussi être laissé en terre battue. Quant au toit, il est originellement composé d’écorce d’arbre à laquelle on ajoute des roches plates et de la mousse ou du gazon. C’est plus tard que les toits sont recouverts de tuiles de bois. Dans certaines régions, les toits peuvent être couverts de roseaux ou de paille. Certaines maisons possèdent un soubassement en pierre. C’est le cas notamment dans les régions montagneuses, le soubassement permettant de compenser les dénivelés des reliefs. Les plus beaux exemples de cette architecture vernaculaire se trouvent dans le village de Vlkolínec, inscrit depuis 2003 à l’Unesco. En plus de 43 superbes maisons, le village possède un beffroi, une église et une école. À Čičmany, vous pourrez admirer de très belles maisons ornées de motifs géométriques peints en blanc et créant un superbe contraste avec le brun sombre du bois. Les églises en bois et leur histoire sont aussi à retrouver dans le dossier thématique qui leur est consacré.
Éclectisme et Art nouveau
Dès la fin du XVIIIe siècle, certains architectes rejettent les exubérances du baroque pour se tourner vers la rigueur du style néoclassique. Ce style est très souvent utilisé pour les bâtiments officiels afin d’illustrer le pouvoir de la nation. C’est le cas avec le palais primatial de Bratislava, plus grand édifice néoclassique du pays. C’est dans sa superbe galerie des Glaces que Napoléon signa le traité de Presbourg après Austerlitz. Au XIXe siècle, la Slovaquie se fait éclectique, surtout à Bratislava. Parmi les plus belles réalisations de l’époque, notons le Théâtre national de Slovaquie et le palais Palugyay, tous deux construits dans un majestueux style néo-Renaissance.
Au tournant du XXe siècle, un vent de modernité souffle sur le pays et sa capitale notamment. Il faut dire que la Slovaquie est toute proche de l’Autriche et de la Hongrie qui connaissent une révolution artistique majeure avec l’avènement de l’Art nouveau, également appelé Sécession. L’architecte hongrois Ödön Lechner, célèbre pour ses réalisations tout en courbes et en volupté, réalise l’édifice phare de l’Art nouveau à Bratislava : l’église Sainte-Élisabeth, surnommée « petite église bleue » du fait de son parement de mosaïques et faïences bleues rehaussées de motifs argentés. Plan ovale et voûtes en berceau apportent douceur et fluidité à l’ensemble. Parmi les autres exemples d’Art nouveau dans la capitale, notons l’Hotel Tulipan avec sa façade ornée de frises dorées et ses balcons en fer forgé, le Café Roland et sa façade tout de jaune et d’or ornée d’atlantes, ou bien encore l’Université, dont les lignes décidées et sévères ne sont pas sans rappeler le style d’Otto Wagner, autre maître de la Sécession.
Influence soviétique
En matière d’architecture, l’ère soviétique peut se scinder en deux époques. Avant 1968, le parti laisse les architectes relativement libres. Leurs réalisations originales et innovantes doivent illustrer la modernité du parti. Après les mouvements de 1968 soutenus par nombre d’architectes slovaques, le parti entre dans une phase autoritaire stoppant toute velléité créatrice et exigeant des constructions monumentales, symboles de son pouvoir tout-puissant. Les grands exemples de cette architecture soviétique se trouvent à Bratislava : Istropolis, la Maison de la culture du syndicat, construite entre 1956 et 1981, est réalisée en marbre cubain (offert par un certain Fidel Castro), le parc de la Liberté est un exemple typique d’urbanisation soviétique avec d’imposants et impersonnels immeubles entourant une place dont le centre est occupé par une fontaine monumentale, construit entre 1967 et 1973, le pont du Soulèvement national slovaque (qui ne portait évidemment pas ce nom sous l’ère soviétique) est un autre exemple de cette époque où l’on faisait très peu de cas du patrimoine historique de la ville. Pour réaliser ce mastodonte de 430 m de long, un tiers du centre historique a été rasé et aujourd’hui la cathédrale Saint-Martin est mise en péril par les vibrations créées par le passage incessant des voitures. Enfin, en 1983, la ville se dote d’une drôle de pyramide inversée : c’est la Maison de la radio, que l’on retrouve souvent dans le classement des bâtiments les plus laids du monde… une modernité pas toujours éclairée !
Slovaquie contemporaine
À l’instar de nombreuses capitales européennes, Bratislava n’échappe pas à la frénésie constructrice et voit fleurir depuis quelques années d’imposants gratte-ciel dont les silhouettes de verre et d’acier écrasent le centre historique. Parmi les plus célèbres tours, notons Tower 115 (115 m, 28 étages), Aupark Tower (96 m) et Panorama City. En 2022, elles devraient toutes être dépassées par la tour du déjà gigantesque complexe commercial Eurovea. Hauteur prévue : 168 m… un projet qui n’est pas sans susciter la polémique. Autre grand projet d’envergure dont la première phase devrait être livrée fin 2019 : la réhabilitation du quartier industriel de Podhradie. Vaste quartier populaire et ouvrier, tombé en désuétude depuis quelques années, ce dernier va renaître sous l’impulsion de l’agence de l'architecte star Zaha Hadid. Le quartier, rebaptisé Sky Park, va proposer des centaines d’appartements, près de 55 000 m² de bureaux et commerces, ainsi qu’un grand parc urbain. Intégrant la Chaufferie construite en 1941 par Dušan Jurkovič et classée monument national, le projet se veut un lien entre histoire et modernité… mais pour beaucoup, ce projet signe la fin d’un quartier et d’une culture populaires. À côté de ces grands projets contestés, certains architectes slovaques se tournent vers plus de minimalisme et de sobriété et conçoivent des maisons d’habitation élégantes et pensées dans un souci de développement durable. Ces nouvelles créations font la part belle aux matériaux nobles et à la lumière. Une nouvelle architecture responsable qui, espérons-le, saura résister face aux assauts des promoteurs et financiers.