La musique classique et savante
La Slovaquie en tant qu’entité nationale émergeant tardivement dans l’histoire, ce n’est vraiment qu’au début du XXe siècle qu’une musique classique slovaque à proprement parler se développe. À sa tête, un trio d’illustres compositeurs : Alexander Moyzes (1906-1984), Ján Cikker (1911-1989) et Eugen Suchoň (1908-1993). Articulant ses thèmes autour de l’histoire slovaque en y incorporant de nombreux éléments folkloriques, c’est Suchoň qui a vraiment imposé un style national au travers de ses deux opéras majeurs Krutnava (Le Tourbillon, 1949) et le très célèbre Svatopluk (1960). Bien que ses travaux soient peu parvenus jusqu’ici, le maître de Suchoň, Frico Kafenda est un autre grand compositeur du XXe siècle, tout comme Viliam Figus-Bystry, auteur du premier opéra slovaque Detvan (1928) et collecteur-arrangeur (à la manière d’un Bartók) des chants folkloriques slovaques. Plus récemment, dans les années 1960, la Slovaquie brille sur la scène internationale en couvrant une très belle scène d’avant-garde. On y croise du dodécaphonisme, de la musique sérielle, de l’atonalité avec Jozef Malovec, pionnier local du collage sonore et de l’électroacoustique, mais encore Ilja Zeljenka, à la grammaire sonore plus expérimentale (au point d’être interdite par le régime communiste) ou Ladislav Kupkovič, un proche de Stockhausen qui a beaucoup composé pour l’accordéon. Libérée après la chute du mur, la musique contemporaine slovaque frémit désormais entre les mains de musiciens comme Peter Breiner, pianiste et chef d’orchestre audacieux (voire iconoclaste), ou Vladimír Godár, compositeur (de musiques de film notamment) passé par le très prestigieux label ECM.
La Slovaquie est une grande terre d’opéra. Sa réputation a été entretenue partout dans le monde grâce à de magnifiques voix comme la soprano coloratur Edita Gruberova, le ténor Peter Dvorsky en qui Luciano Pavarotti lui-même voyait une relève, ou Pavol Breslik, le meilleur ténor slovaque de sa génération. Au vu de la qualité des ensembles et des solistes – les violonistes Bohdan Warchal et Dalibor Karvay sont prodigieux –, on ne peut mieux conseiller que d’assister à un concert de musique classique ou à un opéra en Slovaquie. L’Orchestre de la philharmonie slovaque est, par exemple, particulièrement réputé pour l’excellence de ses interprétations, ce qui lui a permis d’inviter des chefs d’orchestre émérites comme Claudio Abbado ou Sergiu Celibidache. Il a été dirigé par les meilleurs chefs d’orchestre locaux – Ľudovít Rajter ou Ladislav Slovák – ainsi qu’Emmanuel Villaume, un Français (étonnement) mal connu des Français. L’orchestre joue dans le magnifique édifice néobaroque de la Reduta à Bratislava, tout comme l’épatant Chœur philharmonique slovaque (avec qui il collabore régulièrement) dont la liste de chefs d’orchestre invités comprend des vedettes telles que Casadesus, Gatti, Chailly, Masur ou Salonen. L’autre orchestre d’importance en Slovaquie est la Philharmonie d’État de Košice. Installé à la Dom Umenia Fatra (Maison des arts), ancienne synagogue transformée en salle de concert, cet orchestre philharmonique reçoit des formations de renommée internationale et a enregistré de nombreuses œuvres pour des maisons de disques comme Naxos. Très intéressant aussi, l’Orchestre symphonique de Radio Slovaquie qui, à l’image de notre Orchestre de Radio France, propose d’excellentes interprétations de compositeurs locaux. Les amateurs d’art lyrique seront enchantés par le Nouveau Théâtre national slovaque. Ce magnifique bâtiment néo-Renaissance dominant la place Hviezdoslav accueille dans un intérieur somptueux des représentations de théâtre et d’opéra de qualité. À noter qu’à Banská Bystrica, en plein cœur du pays, le Štatna Opera (« Opéra d’État ») présente deux à trois très belles représentations d’opéras par semaine, généralement à bon prix.
La musique folklorique et traditionnelle
La Slovaquie est fière de sa danse, de sa musique et de ses costumes traditionnels. On le comprend. Il faut bien admettre que la tradition folklorique du pays est aussi longue que remarquable. Si elle est unie par un noyau remontant au temps de la Grande Moravie, elle varie énormément selon les régions. À l’ouest du pays résonnent des polyphonies et l’on croise souvent de petits ensembles à archet. Dans les régions montagnardes, on entend des chants et cornemuses de bergers ainsi que des influences tziganes. Plus à l’est, on retrouve des polyphonies masculines, accompagnées ici de battements de mains ou de claps sur le corps. Si, dans la seconde moitié du XIXe siècle, les compositeurs slovaques enrichissent le répertoire classique de musique traditionnelle, celle-ci a énormément bénéficié du travail de collecte et d’arrangement de Béla Bartók dans Les Chants populaires slovaques (4 500 pièces musicales transcrites !). Demeurée très populaire, la musique folklorique est régulièrement jouée par l’Orchestre symphonique de Radio Slovaquie et de très nombreux festivals lui sont consacrés : festival folklorique de Myjava, festival folklorique Elro, festival folklorique de Detva (le plus ancien) ou celui de Vychodná (le plus important du pays). De son côté, le Cassiova Folkfest est la meilleure opportunité de voir des joueurs de fujara. Cette très longue flûte en bois de sureau est un emblème de la culture populaire slovaque et a été inscrite fin 2005 sur la liste du patrimoine oral et immatériel de l’humanité par l’Unesco.
Pour en écouter, une bonne idée est de se diriger vers le Klub Lúčnica. Ce petit bar-restaurant authentique – qui autrefois accueillait le fameux groupe de danse folklorique Lúčnica (une institution) – propose aujourd’hui une cuisine goûteuse et pas chère sur fond de très bonne musique traditionnelle. On y croise encore quelques danseurs de temps en temps. Aussi, n’oublions pas le SL’UK (Slovenský l’udový umelecký kolektív), ce collectif qui possède sa propre scène élabore des spectacles autour des musiques et danses folkloriques.
Le rock, la pop et les musiques électroniques
En Slovaquie, le rock est une entreprise qui ne connaît pas la crise. Depuis que les pionniers Elán, considérés comme les Queen locaux, et Vidiek, l’autre groupe mythique des années 1980, ont ouvert la voie, chaque génération produit une constellation de vedettes. No Name, Peha, IMT SMILE, Desmod, The Hex… La Slovaquie est une usine à groupes de rock, la plupart déclinés sur le même patron, mais dont le succès leur assure souvent une carrière hors de leurs frontières (en République tchèque surtout). Grâce à Internet, on voit de plus en plus de jeunes groupes tentés par l’indie rock et l’électro-pop, plus sophistiqués, progressistes et cool que les esthétiques de leurs aînés. Les fers de lance de cette scène sont Nvmeri, The Ills, Tolstoys, Fallgrapp ou Bulp. Mais le plus épatant en ce moment est sans aucun doute le boom que connaît la scène électro slovaque. Avec des artistes comme Pjoni et sa recherche sur le son (et le violoncelle), Jimmi Pé et son beatmaking nerveux, Theydon Boys qui suit les pas de Nicolas Jaar ou Slavo Herman et son ambient presque palpable, la scène électronique slovaque, encore restreinte, ne va pas tarder à obtenir la reconnaissance mondiale qu’elle mérite.
À Bratislava, on trouve quelques très belles scènes de musiques actuelles. Parmi elles, KC Dunaj vaut plus qu’un détour. Lieu de fête, salle de concert, boutique de design, radio, café́ et bar à la fois, le centre culturel Dunaj offre à sa clientèle branchée des espaces labyrinthiques, une vue fantastique sur la vieille ville de Bratislava et une programmation très bien pensée. Dans le même esprit, Nova Cvernovka, ancienne école de chimie transformée en centre culturel, élabore une programmation plutôt pointue et très portée sur les jeunes talents locaux. À Košice, le Tabačka kulturfabrik est une ancienne usine à tabac devenue plateforme culturelle visant à promouvoir les arts visuels, le théâtre, la danse ou la musique. Un lieu très vivant.
La danse et le théâtre
Bien que la danse folklorique slovaque ait été façonnée par de nombreux facteurs, ses racines se trouvent dans les cultures de paysans et de bergers qui habitaient le long du Danube avant le XIIe siècle. Considérée comme la danse « nationale », l’odzemok est une des plus emblématiques et spectaculaires. Ici un berger exécute un impressionnant solo acrobatique tout en sauts, faisant tournoyer la valaška (petite hache) autour de lui. Plus ancienne (et même la plus ancienne), le chorovod est une danse collective féminine où l’on court en chaîne. Le verbunk, nommé marhaňská dans certaines régions, est une danse masculine effectuée en solo ou en cercle comprenant beaucoup de motifs de claquements de bottes. On retrouve un esprit similaire dans le bašistovská où l’on fait aussi claquer ses bottes en groupe, mais en y ajoutant des claps de mains sur des rythmes syncopés. Dernière danse emblématique, la čardáš voit des couples improviser des pas, la plupart du temps en tournant sur eux-mêmes.
Pour voir de la danse folklorique en Slovaquie, une troupe à suivre est Lúčnica. Ce club semi-professionnel de danse est une institution dans le pays et tourne partout (dans le monde) depuis 1948. Assister à une de ses représentations assure de croiser certains des meilleurs danseurs slovaques. Dans un autre registre, dirigé par le très efficace chorégraphe russe Vasily Medvedev, le ballet du Nouveau Théâtre national slovaque propose de belles adaptations du répertoire classique. C’est aussi l’occasion de voir chorégraphiées des pièces sonores de grands compositeurs locaux tels que Peter Breiner.
Une grande tradition artistique en Slovaquie est le théâtre de marionnettes. Inscrit en 2016 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, il est à la fois un divertissement traditionnel populaire et un outil éducatif véhiculant les valeurs morales à destination des plus jeunes. Pas du tout considéré comme un sous-genre ou un art mineur, il est au contraire partie intégrante du théâtre local et de la tradition littéraire de Slovaquie. Pour assister à une représentation, les villes de Bratislava, Košice et Banská Bystrica possèdent chacune un Théâtre de marionnettes d’excellente réputation. Pour ceux qui parlent le slovaque et souhaitent se frotter à la dramaturgie contemporaine, le Théâtre Malá Scéna Stu est le meilleur endroit du pays pour en trouver. Créée en 1991 dans la capitale, cette scène complète le Théâtre national slovaque avec un répertoire tourné vers la mise en scène de nouveaux auteurs. De bons textes dans un cadre intimiste.