Catholicisme dominant dans l’histoire slovaque
À des fins d’émancipation, le prince Rastislav Ier invita les missionnaires grecs chrétiens Cyrille et Méthode pour christianiser son royaume de Grande Moravie qui, au IXe siècle, incluait la Slovaquie. Cyrille a créé le premier alphabet slave, le glagolitique, et a fait un important travail de traduction des textes liturgiques en vieux-slave qui est devenu la troisième langue religieuse en Europe.
Après la destruction de la Grande Moravie par les Magyars, la Slovaquie est intégrée dans le royaume de Hongrie jusqu’à la Première Guerre mondiale. Les rites catholiques se sont imposés par le biais des rois hongrois convertis très tôt. Le schisme entre Église d’Orient et Église d’Occident en 1054 a définitivement séparé orthodoxie et catholicisme, l’orthodoxie n’a jamais réussi à pénétrer le royaume de Hongrie, dont les rois ont toujours été couronnés selon les rites catholiques.
C’est au XVIe siècle que le catholicisme bien implanté dans le nouvel État austro-hongrois connaît ses premières menaces. En effet, la Réforme en provenance d’Allemagne s’introduit sous l’influence des princes hongrois de Transylvanie. Ce mouvement n’est pas seulement religieux, mais aussi social et politique, dirigé contre le pouvoir et l’Église catholique. Le protestantisme a conquis les citadins, car elle leur permettait de contester la domination de l’Église et de la noblesse. Les nobles ont finalement rallié la Réforme, car elle donnait une dimension spirituelle à leurs nombreuses révoltes contre le pouvoir despotique des Habsbourg. Les paysans en attendaient une amélioration de leur sort. La Réforme a gagné l’ensemble de la Slovaquie dans sa version évangélique au cours du XVIe siècle.
Dans la deuxième partie du XVIe siècle, l’Église catholique et Vienne commencent à combattre avec ardeur le protestantisme. La contre-Réforme est menée par les Jésuites. Le processus de recatholicisation, qui consistait à favoriser systématiquement les catholiques, ne s’est achevé qu’à la fin du XVIIIe siècle. C’est dans ce contexte que l’empereur Léopold Ier promulgua une loi concernant la construction d’églises « articulaires ». Les protestants évangélistes avaient le droit de construire deux églises en bois dans chacun des huit districts slovaques. Cependant, ces églises en forme de croix grecque devaient être bâties en bois, à l’orée des villages, sans clocher, sans un seul clou, avec une porte d’entrée principale latérale et surtout en moins d’un an. Ces édifices constituent aujourd’hui des joyaux de l’architecture populaire slovaque.
L’influence de la période communiste
Pendant l’intermède communiste (1948-1989) les pratiques religieuses, qualifiées « d’opium du peuple », sont tout simplement interdites et l’Église est expropriée de ses biens. Après la dissolution de la Tchécoslovaquie en 1992, la République slovaque s’est rapidement attaquée à la restitution des biens de l’Église. Ce processus a duré environ vingt ans et a débouché sur une situation plutôt inédite. L’État qui officiellement est neutre d’un point de vue confessionnel prend en réalité en charge les frais de personnel et de gestion de tous les lieux de culte officiels. Dans les faits l’Église n’est donc pas totalement séparée de l’État et les discussions sur ce sujet sont bloquées par l’Église catholique qui estime ne pas avoir récupéré l’ensemble de ses biens, notamment les terres agricoles autour des édifices religieux. Rien ne bouge sur ce dossier, et ce manque de volonté politique pour faire évoluer les choses est justifié par l’affirmation du caractère chrétien de la société slovaque qui depuis la chute du régime communiste joue de nouveau un rôle important dans la vie des gens.
La place des autres religions
La Slovaquie est un pays résolument catholique de confession romaine, à 62 %. Au niveau des autres croyances, il ne reste aujourd’hui que quelques proches du protestantisme en Slovaquie, ils sont évangélistes de la confession d’Augsbourg ou réformés calvinistes et représentent environ 6 à 10 % de la population. Ils sont surtout concentrés dans le centre de la Slovaquie.
L’église uniate concerne les Ruthènes, une minorité ethnique située à l’est du pays dont la langue est proche de l’ukrainien. À la différence de leurs voisins ukrainiens orthodoxes, ils sont catholiques et reconnaissent l’autorité du pape. Leurs rites gardent néanmoins des spécificités orthodoxes : le baptême par immersion, le mariage des prêtres (à condition d’être marié avant d’être ordonné) ou l’iconostase dans les églises. On les appelle aussi les gréco-catholiques. Les chrétiens maronites et les coptes catholiques sont également uniates.
La communauté juive, dont 60 000 membres furent déportés dans les camps de concentration nazis, n’a plus aujourd’hui que quelques milliers de fidèles. On peut admirer leurs anciennes synagogues dans certaines villes.
L’islam n’a pas le statut de religion officielle
Entre 2 000 et 5 000 musulmans vivent dans le pays. Cette communauté ne dispose donc pas de l’effectif nécessaire pour être officiellement reconnue et bénéficier des subventions de l’État destinées aux lieux de cultes, aux écoles et à l’enseignement. Cela pose des difficultés majeures pour cette religion qui n’est pas autorisée à avoir des imams officiels et dont les funérailles et mariages sont considérés comme illégitimes. La situation a pris un tournant politique avec la vague de migrants de 2015. En août, le Premier ministre Robert Fico a annoncé que son pays n’offrirait l’asile qu’aux réfugiés chrétiens, invoquant des « raisons de sécurité », tandis que le ministre de l’Intérieur soulignait « l’absence de mosquées » pour justifier la politique de non-accueil de musulmans. Ouvertement antimusulman, le Parti nationaliste slovaque (SNS) et son chef Andrej Danko, président du Parlement slovaque entre 2016 et 2020, a quant à lui déclaré : « L’islamisation commence avec les kebabs et à Bratislava elle a déjà commencé. Alors, comprenez ce que cela pourrait donner entre cinq et dix ans. » Le ton est donné et fin 2016, il a proposé une loi qui rendrait difficile l’obtention d’un statut officiel pour la communauté musulmane. Voté par le Parlement, son texte exigeait qu’une religion ait 50 000 fidèles pour être reconnue. Le président de l’époque Andrej Kiska a de suite pris ses responsabilités et mis son veto face à cette loi « discriminatoire ». La situation est tendue pour cette minorité qui ne représente que 0,1 % de la population.
La Slovaquie est un pays peu sécularisé
La religiosité des Slovaques reste assez forte. Plus des trois quarts se déclarent croyants, et parmi les croyants, 55 % sont pratiquants. Les églises sont souvent pleines et fréquentées par des jeunes.
Le sentiment d’appartenance à l’Église catholique est notamment élevé. Il n’y a que peu de place pour les autres religions, d’autant que l’Église catholique peut parfois être instrumentalisée par certains nationalistes dans une jeune nation en pleine construction identitaire.